Réf : 001/1905/2019/Econews-AFRIPERF/Press Cotonou, le Dimanche 19 mai 2019
Afrique de l’Ouest : Début d’une parenthèse non démocratique ou fin de la démocratie au Bénin ?
Chronique d’une démocratie en sursis
Le Bénin dispose depuis le 16 mai 2019 d’un Parlement sans opposant
Pour la première fois en trente ans de démocratie multipartiste, le Bénin a installé un parlement avec à priori les 83 députés totalement acquis au Chef de l’Etat : conséquence directe d’une élection législative excluant tous les partis d’opposition.
Par Abel Gbêtoénonmon
Le dimanche 28 avril 2019, le Bénin a organisé pour la huitième fois depuis 1990 une élection législative. Avec un taux de participation très faible (le plus bas depuis le début du multipartisme), ce scrutin (excluant tous les partis d’opposition) semble un passage en force qui marque le début d’une parenthèse non démocratique et fait craindre la fin de la démocratie au Bénin ou l’apogée du modèle de démocratie issu de la Conférence des forces vives de la Nation de février 1990.
Installé le jeudi 16 mai 2019, le Parlement issu de cette élection a mis en place dès le lendemain son bureau avec à sa tête l’honorable Louis Vlavonou.
Une élection atypique pour un parlement spécial
Une élection législative inédite avec deux partis favorables au Chef de l’Etat renvoie le Bénin à la triste période des partis uniques. Pire, ce scrutin n’a offert aucune possibilité de choix aux populations. Au temps du Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB) parti unique, les commissaires du peuple (députés) étaient élus à l’issue d’un scrutin de liste avec deux bulletins de vote : le oui (avec une couleur blanche) et le non (avec une couleur rouge). Dans le cas de la présente élection législative, il s’agit d’un bulletin unique avec deux partis au pouvoir : oui ou oui sans aucune possibilité de dire non.
En démocratie, une élection constitue une étape importante de régulation de la gouvernance et d’évaluation citoyenne collective de l’action publique. L’élection législative devrait donc offrir aux populations la possibilité et la liberté d’apprécier et de sanctionner les actes posés par les acteurs politiques au Parlement en matière de vote des lois et de contrôle de l’action gouvernementale. La législative du 28 avril 2019 n’a pas offert cette possibilité aux populations. De plus, elle a conduit inexorablement à un parlement constitué exclusivement de députés à priori acquis à la cause du Chef de l’Etat, donc soutenant l’action gouvernementale : une sorte de chambre d’enregistrement qui rappelle la période de la fameuse Assemblée nationale révolutionnaire (ANR) sous le régime militaro-marxiste (1972 à 1989).
D’où venons-nous ?
Le multipartisme intégral adopté par consensus à la Conférence nationale de février 1990 a permis au Bénin d’avoir trente (30) ans de stabilité politique avec une gouvernance démocratique et des alternances inimaginables (sous d’autres cieux) à la tête du pays. Avec le vote du 28 avril 2019, le Bénin a organisé pour la première fois depuis sa conférence nationale une élection législative excluant tous les partis de l’opposition. Considéré comme un modèle de démocratie en Afrique, le Bénin (avec le processus électoral de 2019) a donné l’impression de faire une marche forcée vers une gouvernance non démocratique. Tout porte à croire que le pays du consensus et du conciliabule côtoie depuis le 28 avril la violence électorale ; source de bon nombre de conflits armés en Afrique de l’Ouest voire en Afrique.
Cette situation politique inédite a placé le pays dans une zone d’incertitude critique et met la démocratie béninoise en sursis. Elle ouvre au mieux des cas une parenthèse non démocratique pour le « pays du consensus » (géniteur des conférences nationales).Il y a donc lieu de s’en inquiéter. Il importe que les acteurs politiques du Bénin prennent la mesure des enjeux pour faire prévaloir le génie béninois du consensus sur les démons de l’exclusion, de l’intolérance, de l’extrémisme et de la violence. Il serait très regrettable, qu’en plus des foyers de tension et d’insécurité qui existent déjà, le Bénin (un maillon important de l’intégration économique en Afrique de l’Ouest) bascule dans la violence pour défaut d’inclusion et de consensus politique. L’accalmie observée actuellement avec un imposant dispositif sécuritaire doit être mise à profit pour engager un dialogue national susceptible de ramener une paix durable.
Nécessité de réformes inclusives
Aussi pertinente que soit une réforme, sa réussite dépend dans une large mesure du contexte, de sa préparation et de la méthodologie de conduite du processus de son adoption et de sa mise en œuvre. Le caractère inclusif d’une réforme n’est pas un paramètre enjoliveur de prise de décision, mais un déterminant fondamental qui s’inscrit au cœur du processus de décision à toutes les étapes (conception, mise en œuvre et suivi-évaluation). Lorsqu’il s’agit des questions électorales ou de gouvernance politique, le caractère inclusif s’appuie sur la recherche en permanence du consensus.
L’inclusion et la recherche du consensus garantissent à la fois l’efficacité et la durabilité des réformes. Dans le cas d’espèce, le Bénin est l’un des pays ayant donné la preuve au monde entier qu’avec le dialogue, la démarche inclusive et la recherche du consensus, on peut opérer des mutations qualitatives majeures sans basculer ni dans l’exclusion ni dans la violence.
Les réformes ne sont utiles que lorsqu’elles sont à la fois humaines et durables. Autrement dit, lorsqu’elles permettent de passer de façon systémique et inclusive d’un état d’être à un état de mieux-être tout en garantissant les mêmes chances pour les générations futures.
Au Bénin comme dans de nombreux pays moins avancés et en développement, la gouvernance politique affecte, détermine et domine toute la dynamique économique et sociale. L’attention des populations se cristallise plus sur les réformes politiques que les réformes économiques. La manipulation de la foule et l’extrémisme violent deviennent plus facile dans un contexte de crise électorale. C’est pourquoi, lorsque les réformes portent sur des questions politiques ou électorales, la pratique née de la conférence Nationale du Bénin, et promue dans le protocole de la CEDEAO sur la démocratie, veut qu’elles soient consensuelles et inclusives.
Depuis les débats parlementaires sur les réformes touchant à la question des élections, notamment en ce qui concerne la charte des partis politiques et le code électoral, plusieurs voix se sont élevées pour déjà dénoncer le risque élevé d’exclusion contenu dans les textes. En son temps, la société civile dans son ensemble et plusieurs personnalités dont des universitaires ont insisté sur la nécessité de rendre consensuels et inclusifs les instruments et le processus qui devront gouverner l’organisation des élections.
Grand recul ou nouvelle transition
Comme l’a si bien souligné Social Watch Bénin, « une élection ne peut être démocratique que lorsqu’elle met en compétition des forces politiques favorables au pouvoir et les forces politiques opposées au pouvoir (qui ne partagent pas les mêmes points de vue que le pouvoir en place) ». Sans ce principe minimal de base, le scrutin du 28 avril 2019 constitue un grand recul démocratique pour le Bénin (berceau de la démocratie post-conférence nationale en Afrique de l’Ouest).
Avec le faible taux de participation enregistré (le plus bas depuis la
conférence nationale), la huitième législature doit se mettre dans une posture
de quête de légitimité : une sorte de parlement transitoire devant
rassurer les Béninois et agir pour l’apaisement politique et social. Au besoin,
cette législature doit remettre sur la table du dialogue plusieurs réformes
fortement décriées et peu consensuelles. Il convient de se débarrasser du mythe
de la dictature qui crée le développement.
Les équilibres macro-économiques et les performances obtenues dans un contexte de dictature ou d’exclusion sont des équilibres instables et des avancées précaires. Ils ne tiennent que, au mieux des cas, le temps que dure au pouvoir les leaders qui les portent. Si l’exemple de certains pays comme le Rwanda inspirent certains d’entre nous, nous ne devons pas oublier qu’il s’agit d’un peuple différent avec une histoire différente. Le cas extrême des mutations politiques brutales intervenues dans des pays comme la Libye est édifiant à plus d’un titre.
Outre les misions classiques de vote de loi et de contrôle de l’action gouvernementale, le parlement actuel avec à sa tête l’Honorable Louis Vlavonou doit chercher à se réconcilier avec le peuple en mettant en place des passerelles de dialogue avec des forces politiques non parlementaires et les forces sociales pour légitimer ses actions et rassurer le peuple. Remettre sur la table du dialogue les aspects polémiques et chrysogènes des réformes et éviter une fuite en avance avec de nouvelles réformes (notamment en ce qui concerne la constitution) serait faire preuve de sagesse et d’intelligence politique.
Abel GBETOENONMON
Journaliste économique
Expert en gouvernance et
politiques économiques
Econews-AfriPerf
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Abel GBETOENONMON
Economiste-Planificateur/ Journaliste-économique
Expert en Gouvernance et politiques économiques
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