https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-illusions-europeennes-se-262597
_____________________________
La première d'entre elles est sans doute la souveraineté de l'Ukraine.
L'Ukraine est depuis longtemps une colonie étasunienne. Pour s'en
convaincre, il suffit de lire la loi 9432 de la Rada[1], qui intronise
l'anglais comme langue de communication inter-ethnique en Ukraine. À
cela s'ajoute un impôt linguistique, que les contribuables ukrainiens
devront payer à l'Oncle Sam. Il s'agit d'une subvention au cinéma
Outre-atlantique, que le pantin Zelensky a défendu avec beaucoup
d'enthousiasme en commission parlementaire.
On pourra aussi noter l'étrangeté de l'accord sur les terres rares[2].
S'il s'agissait d'un pays indépendant, il pourrait exploiter ses
ressources minières lui-même, sans d'intervention d'une puissance
étrangère en retirant la moitié des bénéfices. La moitié ? C'est encore
être bien gentil avec les Ukrainiens, car selon le texte de l'accord
avec les States, la participation aux bénéfices pourra être augmentée si
les ÉUA donnent des armes à l'Ukraine. Or il s'agit de dons, puisque ce
sont les européens qui payent.
Si le terme colonie vous parait exagéré, peut-être vous accorderez vous
sur celui de protectorat. La première souveraineté est la souveraineté
militaire, et là en l'occurrence force est de constater que l'Ukraine
est complètement dépendante des État-Unis pour la fourniture en armes et
en renseignement. C'est d'ailleurs pour cela que sitôt Trump et Poutine
se seront mis d'accord sur un découpage du pays, il sera très difficile
pour les Ukrainiens de refuser cet état de fait.
D'ailleurs cela fait un certain temps que le peuple ukrainien s'est
rendu compte que la démocratie était une pure illusion chez lui. Inutile
de remonter jusqu'à 2004, où une révolution orange avait éclaté, suite
notamment à la découverte d'un corps de journaliste coupé en morceaux
quelques années plus tôt[3]. Il avait eu la mauvaise idée d'enquêter
d'un peu trop près sur les réseaux de corruption liés au pouvoir.
Inutile de revenir sur cette fameuse élection présidentielle à trois
tours, alors que la constitution n'en prévoit que deux.
Il peut cependant être intéressant d'intéresser les deux derniers
scrutins nationaux, qui ont eu lieu en 2019 : une présidentielle et une
législative anticipée. À la présidentielle, Porochenko, qui avait signé
les premiers accords de Minsk, s'est incliné face à Zelensky, qui disait
vouloir la paix. On pouvait s'attendre à ce qu'il en fût ainsi. D'autant
plus qu'aux législatives qui sont suivi, la tête de liste qui — fait
unique en Ukraine — a remporté la majorité absolue des sièges de la
Rada, disait qu'il fallait laisser les russophones tranquilles.
Or c'est l'exact inverse qui s'est produit. C'est comme si en France,
Emmanuel Macron menait une politique encore plus lepeniste que celle
qu'aurait pu tenir Marine Le Pen. Ce changement de cap total de Zelensky
s'explique en partie par la forte pression de groupes
ultra-nationalistes dans la rue, voire jusque sous son bureau
présidentiel comme en 2020. Mais force est de constater que Zelensky a
éjecté de son équipe Razoumkov, le politicien en qui les Ukrainiens
faisaient confiance pour les représenter à la Rada.
En 2021 il l'a éjecté aussi du Conseil de défense et de sécurité
ukrainien, pour qu'il ne s'oppose pas à la reprise du Donbass par la
force. On connaît la suite : Zelensky a amassé des troupes pour mater la
rébellion du Donbass, et du coup le reste du pays était moins défendu,
ce qui a permis à Poutine de lancer une attaque éclair pour se
rapprocher de Kiev en février 2022. Cependant il était prévu que la dite
opération spéciale ne dure que trois jours ou au pire trois semaines,
puisqu'avec uniquement 150 mille hommes les Russes ne pouvaient pas
espérer tenir plus que l'équivalent de deux départements français.
Mais les État-Unis, qui avaient déjà mené de nombreuses ingérences en
finançant l'opposition à Ianoukovitch pour arriver au coup d'état de
2014, ont estimé qu'ils n'avaient pas retiré encore assez de bénéfices
de leurs investissements en Ukraine. En envoyant le Premier ministre
britannique en Turquie pour faire capoter la paix de mai 2022, ils se
sont assurés de belles rentes : ventes de gaz liquéfié aux européens,
alors que jusqu'à présent il l'achetaient moins cher à la Russie. Peur
des européens, qui les pousse à dédier une plus grande par de leur
budget à acheter des armes, le plus souvent américaines.
On pourrait aussi rajouter les différentes matières premières, comme le
pétrole, que les États-Unis interdisent aux européens d'acheter à la
Russie, mais eux peuvent le faire, pour les revendre ensuite aux
européens. Bref, c'est en grand vainqueur que Trump va accueillir son
homologue russe à Anchorage, alors que son armée régulière n'a pas eu à
verser trop de sang. Les Russes, eux, ont dû en verser, mais ils
repartiront avec de belles compensations territoriales. Les Ukrainiens,
eux, font penser au gazon du proverbe africain : quand les éléphants se
battent, les herbes sont piétinées.
_____________________________________________________________________
Sources :
[1] Rada ukrainienne : loi sur la langue anglaise (ukr)
https://itd.rada.gov.ua/billInfo/Bills/Card/42201
[2] Gouvernement ukrainien : accord sur les terres rares (en)
https://www.kmu.gov.ua/storage/app/uploads/public/681/33c/e8f/68133ce8f2e82842702204.pdf
[3] Wikipédia : Guéorgui Gongadzé
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gueorgui_Gongadz%C3%A9