Racisme dans l'hôpital universitaire de Genève

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Oct 14, 2025, 9:40:43 PM (13 days ago) Oct 14
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Discriminations dans les soins

«Négresse, dégage»: à Genève, le racisme gangrène les couloirs de l’hôpital
Une enquête a recueilli une septantaine de témoignages relatant des propos discriminatoires au sein du Département réadaptation et gériatrie. La direction, qui reconnaît le problème, est critiquée dans sa gestion de la crise.

Dimitri MatheyChloé Dethurens
Chloé Dethurens
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Dimitri Mathey
Publié: 14.10.2025, 17h01
En bref. Un audit confirme des propos racistes au sein de l’institution entre cadres et soignants.
Les employés dénoncent l’insuffisance des mesures prises par la direction.
La responsable des soins, victime de discrimination, n’est pas autorisée à reprendre le travail.
Deux mots. Et un profond malaise, alimenté depuis plusieurs mois déjà. «Négresse, dégage!!!» L’inscription retrouvée sur la porte de la responsable des soins du Département réadaptation et gériatrie (DRG) de l’hôpital cantonal, ce lundi, fait froid dans le dos. Elle illustre un climat nauséabond qui règne au sein de ce secteur.

Un audit vient de recueillir une septantaine de témoignages, confirmant l’existence de propos racistes au sein de l’institution, en particulier entre les cadres et le personnel de terrain, souvent d’origine étrangère. Si le problème est reconnu par la direction, la gestion de la crise est critiquée à l’interne. «On dénonce, mais rien ne se passe», affirme un collaborateur.

Propos dénigrants

Les premiers signalements dans ce département – qui gère notamment l’hôpital des Trois-Chêne, de Loëx, de Beau-Séjour ou encore la clinique de Jolimont – remontent au mois de juillet, comme l’avait déjà révélé en septembre la «Tribune de Genève».

Remarques sur la couleur de peau, stéréotypes dégradants: des collaborateurs ont rapporté à la direction générale et aux représentants du personnel des propos dénigrants à l’encontre de certaines communautés. Comme nous l’écrivions en septembre, des unités seraient surnommées «le Maghreb» et «Bamako», en référence à l’origine de certains soignants, selon plusieurs sources.

Ce n’est pas tout. La responsable des soins, d’origine africaine, a été visée par des paroles discriminatoires lors de réunions entre cadres et en présence de son adjointe. On l’y aurait accusée de «favoriser les Noirs et Arabes» ou d’être trop conciliante avec les «aides-soignantes noires incompétentes».

La responsable ainsi que plusieurs collaborateurs ont dénoncé ces propos. La direction générale des HUG a alors mandaté un cabinet d’avocats vaudois, Id Est, pour mener un audit. Lors de celui-ci, 23 collaborateurs ont été entendus. Quatre autres dénonciations anonymes ont été reçues. Quarante employés ont également sollicité l’étude d’avocats.

«Racisme systémique»

Les résultats de l’enquête ont été présentés ce vendredi au personnel, devant près de 250 personnes. L’audit a confirmé l’existence de propos racistes dans les couloirs du département (lire ci-contre). Mais il fait aussi état de dysfonctionnements managériaux.

Ce constat fait réagir plusieurs employés, qui estiment que l’enquête minimise les propos discriminatoires en les expliquant en partie par des conflits interpersonnels. «La problématique est bien plus importante que des problèmes de management. Il y a un racisme systémique au sein de l’institution», relève une source interne.

La manière dont a été mené l’audit dérange également. Lors de la séance, le directeur général Robert Mardini a assuré que le cabinet d’avocats n’était pas connu des HUG. Or, en 2024, l’un de ses associés a animé une conférence sur l’intelligence artificielle au sein de l’hôpital. L’institution, elle, réfute tout conflit d’intérêts.

Plusieurs employés regrettent que peu de collaborateurs de terrain, contrairement aux cadres, aient été entendus durant l’enquête et ne comprennent pas qu’aucune sanction n’ait été prise jusqu’ici. Certains ont interpellé la direction à ce sujet.

Peur des représailles

Beaucoup craignent des représailles en cas de dénonciation. Le 18 septembre, la direction a organisé une séance pour entendre les préoccupations des collaborateurs. S’ils sont une quarantaine à s’y être pressés, rares sont ceux qui ont pris la parole. «Nous faisions face à tous les cadres, comment s’exprimer librement dans ce contexte?» interroge une participante, qui évoque un écart de plus en plus béant entre la base et la hiérarchie. «La pression est forte.»

Dans la foulée, les syndicats ont convoqué une assemblée générale du personnel pour que les employés puissent «partager leurs expériences» et «définir des revendications pour rétablir un climat de travail serein et exempt de tout comportement ou propos discriminatoire». Certains cadres insistent pour y participer, alors que d’autres empêchent la distribution de flyers dans les couloirs des Trois-Chênes. «Une collaboratrice a dû déchirer ses tracts devant une cheffe», relève une source syndicale.

Le 3 octobre, près de 250 employés ont tout de même pris part à l’assemblée générale, en ligne ou sur place. Ils demandent à la direction générale de revoir la portée de l’audit pour que l’enquête externe traite du problème de discriminations à l’échelle de l'institution. Ses conclusions devraient aboutir, selon le personnel, à «des recommandations concrètes (suivi, prévention, procédures claires) pour améliorer le climat de travail et corriger les comportements problématiques».

Les collaborateurs plaident également pour que des «personnes-ressources» soient nommées pour accompagner les victimes de discrimination et exigent que les auteurs soient sanctionnés.

Processus critiqué

Les mesures prises jusqu’ici sont critiquées. Notamment le fait que la responsable des soins visée par les propos racistes a été invitée à ne pas reprendre le travail après son arrêt maladie, comme le montre un document que nous avons pu consulter. La responsable RH du département, dont proviendraient certains commentaires discriminatoires, a quant à elle changé de poste.

En clair, des voix s’élèvent pour dénoncer une «sanction» et une «mise à l’écart» de la victime potentielle, alors que la cadre mise en cause dans l’affaire, elle, poursuit ses activités sur un autre site. Depuis le début de notre enquête, les témoignages affluent. Anonymisés par peur de représailles, ils dénoncent «le silence» d’une hiérarchie des Trois-Chêne qui «fait bloc» contre la base.

Une lettre adressée à la direction de l'hôpital et au conseiller d’État Pierre Maudet, cosignée par plus de 200 collaborateurs, demande la réintégration de la responsable des soins. «Elle a eu le courage d’agir en tant que lanceuse d’alerte, dénonçant des propos à caractère raciste et discriminatoires envers des collaborateurs du site des Trois-Chêne et elle-même a été une victime de propos inacceptables», argumentent les signataires.

«Tolérer l’injustice»

Selon ce collectif, «un tel acte (ndlr: dénoncer les cas problématiques), qui relève autant de son rôle de responsable des soins que du devoir de protection des valeurs fondamentales des HUG, devrait légitimement appeler reconnaissance et soutien, et non exclusion laissant penser à des représailles». Refuser une réintégration, ajoute le collectif, c’est «tolérer l’injustice».

Pour l’heure, c’est encore un vœu pieux. À la question d’une potentielle réhabilitation de la responsable des soins, les HUG temporisent: «La situation actuelle nécessite encore des investigations pour disposer d’éléments probants permettant de prendre d’éventuelles décisions managériales ou des mesures individuelles. Cela prend du temps.»

Reste que l’attente creuse un fossé à l’interne qui, demain, risque d’être infranchissable.

Des mesures correctives et d’accompagnement
Contactés, les HUG confirment que l’«investigation a mis en lumière la tenue de propos à caractère raciste ainsi que des dysfonctionnements managériaux. Un nombre important de messages ont été reçus.» Mais l’institution tempère: «Une grande partie d’entre eux faisaient état de mécontentements ou de propos généraux mais n’étaient pas des témoignages au sens du constat direct d’un fait.»

L’existence d’un groupe WhatsApp entre cadres contenant des propos racistes, relatée à la «Tribune de Genève» par plusieurs sources concordantes, n’a quant à elle pas pu être prouvée.

Les HUG assurent avoir mis en place «des mesures correctives et d’accompagnement pour améliorer le fonctionnement des équipes et permettre aux équipes de retrouver un climat serein et apaisé», indique Nicolas de Saussure, porte-parole. On parle ici d’entretiens individuels, mais aussi de l’instauration de deux intérims: l’un à la direction des soins, l’autre à celle des ressources humaines.

Affirmant entendre les préoccupations des organisations syndicales, l’institution dit aussi miser sur la formation, le renforcement du dialogue au sein des équipes et des cadres ou encore du renforcement des actions du Pôle DEI (Diversité équité et inclusion) au sein des Trois-Chêne.

Quid du tag raciste découvert ce lundi? «L’institution le juge absolument inadmissible et adresse une dénonciation pénale au Ministère public. Cette découverte vient rappeler, s’il en était besoin, la pertinence et la nécessité des mesures de protection et de soutien que la Direction générale met en place en faveur des personnes concernées.»

Le racisme dans les soins, un problème récurrent.




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