Le génocide commis par Israël sur les Palestinien·nes décredibilise l'Occident

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Oct 23, 2025, 5:05:11 PM (3 days ago) Oct 23
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La crédibilité de l’Occident balayée

Le sociologue Rachad Antonius raconte comment la conquête de la Palestine et la déshumanisation des Palestinien·nes a permis le génocide en cours.
mercredi 22 octobre 2025
Julie Jeannet

Rachad Antonius dénonce la déshumanisation des Palestinien·nes par les Occidentaux depuis la déclaration Balfour de 1917. Ici des Palestinien·nes chassé·es lors de la Nakba, en 1948. KEYSTONE
Palestine
Rachad Antonius est professeur émérite de sociologie à l’université du Québec à Montréal et membre du conseil scientifique de l’Observatoire éthique et santé humanitaire, ONG basée à Neuchâtel. Spécialiste du Proche-Orient, il est l’auteur de La Conquête de la Palestine – de Balfour à Gaza, une guerre de cent ans. Dans cet ouvrage, il raconte la conquête de la Palestine et explique comment les rapports de pouvoir entre l’Occident et les sociétés arabes, ces cent dernières années, ont entraîné une déshumanisation des Palestinien·nes, qui a permis le génocide en cours.

Que faut-il penser du plan de Trump?

Rachad Antonius: La fin des bombardements et le passage de l’aide humanitaire sont une nécessité absolue. En revanche, il ne s’agit pas d’un plan de paix. Sur le moyen terme, c’est absolument catastrophique. Le processus est confié à un organe international de transition chapeauté par Tony Blair et Jared Kushner. Ce dispositif vise à éradiquer la possibilité même d’un Etat de Palestine. Ces accords, comme ceux d’Oslo, n’étant pas placés sous l’égide de l’ONU, permettent à Israël de violer le droit international.

Dans votre livre, vous dites que les accords d’Oslo ont accentué l’accaparement de la Palestine par Israël. Ce «plan» pourrait-il avoir un effet similaire?

Oui. Le processus d’Oslo a autorisé Israël à violer ouvertement le droit international qui soulignait l’inadmissibilité de l’acquisition des territoires par la guerre. Ces accords lui ont permis d’intensifier la colonisation et la déshumanisation des Palestinien·nes. Au final entre 1993 et aujourd’hui, nous sommes passés de 100 000 à 750 000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

Ces accords n’ont donc pas œuvré à la reconnaissance de l’Etat palestinien?

Non, le texte mentionnait une reconnaissance asymétrique. Les Palestinien·nes reconnaissaient l’Etat d’Israël, mais ce dernier reconnaissait seulement le droit de l’autorité palestinienne à parler au nom de sa population, sans évoquer la possibilité d’un Etat. Aujourd’hui tout le monde scande « revenons à une solution à deux Etats ». Cette reconnaissance de la France, du Canada, du Royaume-Uni et d’autres pays est un acte fort et nécessaire, mais qui arrive avec trente-deux ans de retard. Comment parler d’une solution à deux Etats si l’un des deux n’est pas considéré à part entière?

Votre livre explique que, contrairement au narratif israélien, repris par la plupart des médias occidentaux, la guerre contre les Palestinien·nes a commencé il y a plus de cent ans…

Oui. La plupart des médias commencent leurs articles sur Gaza avec «Depuis le massacre du 7 octobre 2023 commis par le Hamas, etc.». Mais l’histoire ne commence pas il y a deux ans. J’ai voulu remettre les choses dans leur contexte et raconter les trois phases historiques de la conquête de la Palestine. Je me suis appuyé sur les faits avérés, révélés par des historiens israéliens, dont certains soutiennent le projet sioniste et d’autres pas, ainsi que sur des documents légaux significatifs. C’est l’ensemble des événements survenus depuis le début du XXe siècle qui permet de donner du sens au comportement actuel des acteurs politiques, à la stratégie de la puissance occupante et aux moyens de résistance des victimes.

Vous prouvez, à chacune de ces étapes, que les Palestinien·nes ont été discriminé·es, réprimé·es et humilié·es depuis plus d’un siècle, et que cela a permis le génocide actuel commis à Gaza…

Oui. La question n’a jamais été la sécurité d’Israël, il s’agit depuis toujours de s’emparer des terres et de se débarrasser des Palestinien·nes. Ce nettoyage ethnique a eu lieu en trois phases. En 1917, la déclaration Balfour annonce le soutien de la Grande-Bretagne à la création d’un foyer national juif. Elle est complétée par le mandat britannique sur la Palestine. Ce texte donne des droits politiques aux Juifs mais ne reconnaît pas ceux-ci pour les Arabes de Palestine. L’organisation sioniste, interlocutrice privilégiée des Britanniques, va mettre sur pied des instances de gouvernance et créer des milices qui vont chasser les Palestinien·nes, avant même la déclaration de l’Etat d’Israël.

«Israël est la seule puissance occupante du monde qui se considère comme une victime» Rachad Antonius

En 1947, l’ONU opte pour la partition de la Palestine en deux Etats. La question d’un Etat binational est écartée. On donne 56% du territoire aux immigrants juifs, qui ne représentent pourtant que 33% de la population, et on leur réserve les meilleures terres. En 1948, Israël s’empare de 78% de la Palestine historique. En revanche, après la guerre de 1967, la stratégie change. Les Conventions de Genève adoptées en 1949 interdisent à la puissance occupante de déporter une partie de sa propre population dans le territoire qu’elle occupe. Israël cherche alors à pousser les Palestinien·nes à l’exil en rendant leur vie sous l’occupation insupportable.

Comment expliquer qu’une grande partie des médias occidentaux reprennent, parfois mot pour mot, la propagande israélienne en occultant souvent le point de vue palestinien?

Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la culpabilité liée au génocide des Juifs en Europe durant la Seconde Guerre mondiale. Deuxièmement, de par la proximité culturelle entre l’Europe et Israël. Et troisièmement, en raison du projet colonial qui sert les intérêts occidentaux au Moyen-Orient. Le journaliste de Haaretz Giddon Lévy donne une explication que je partage. Selon lui, les Israéliens se permettent tout parce qu’ils se considèrent comme le peuple élu. Les rôles sont inversés: l’Etat hébreu affirme qu’il est agressé par les Palestinien·nes et qu’il est en position de légitime défense. C’est la seule puissance occupante du monde qui se considère comme une victime. Cette idée est totalement intégrée par les régimes occidentaux. C’est pourtant Israël qui occupe militairement Gaza et la Cisjordanie. L’idée qu’Israël est le défenseur des Juifs du monde entier a tellement été intégrée par ses partisans que ces derniers se sont transformés en ambassadeurs de l’Etat hébreu. Son système de lobbying est très puissant et efficace.

Ce génocide marque-t-il la fin de la crédibilité occidentale en matière de droits humains?

Je pense que Gaza va marquer très durablement nos sociétés. Le génocide montre le peu d’importance accordée aux droits des populations qui ne se trouvent pas dans les pays du Nord. C’est la crédibilité politique et morale de l’Occident tout entier qui est remise en cause à mesure que les massacres se poursuivent avec l’appui direct des Etats-Unis et de certains pays européens, et celui, tacite, de tous les autres. Les gouvernements occidentaux n’ont pas encore pris conscience du prix qu’ils devront payer pour leurs prises de position dans ce conflit.

Antonius Rachad, 2024, La Conquête de la Palestine – De Balfour à Gaza, une guerre de cent ans, Ecosociété. 168 p.


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