« On trouve la trace de polluants organiques persistants [POP]) chez des femmes enceintes et allaitantes dans le monde entier, ajoute la FIGO. L’Institut national américain du cancer se dit préoccupé par le fait que les bébés naissent en quelque sorte “prépollués”. »Les polluants entraîneraient retards et malformations chez l’enfantLes effets de ces expositions in utero ou sur les nourrissons ont aussi des répercussions sur la fertilité ultérieure des individus.En France, environ 15 % des couples en âge de procréer consultent pour infertilité, selon un rapport récent de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Agence de la biomédecine sur les troubles de la fertilité.Et le nombre de couples ayant recours aux techniques de procréation médicalement assistée ne cesse de croître, « très probablement en raison de modifications environnementales, notamment l’exposition à certains toxiques comme le tabac et/ou à certains perturbateurs endocriniens ».Dans les consultations, le constat est préoccupant. « Au cours de ces dernières années, nous avons vu une recrudescence du syndrome des ovaires micropolykystiques, cause importante de l’infertilité, de l’endométriose, qui touche des femmes de plus en plus jeunes, et la qualité du sperme s’est effondrée », souligne Richard Benhamou, gynécologue obstétricien, spécialisé dans l’infertilité, installé depuis 1985.Certes, le tabac et l’alcool sont très délétères pour la femme enceinte et pour la fertilité, mais « le rôle de l’environnement invisible est capital », avertit le docteur Benhamou.Lire aussi : « Chute spectaculaire de la qualité du sperme »« Les preuves des dégâts sanitaires des perturbateurs endocriniens sont plus définitives que jamais, estimeAndrea Gore, professeur de pharmacologie à l’Université du Texas, à Austin, qui a présidé le groupe de scientifiques chargés de rédiger la déclaration de l’Endocrine Society. Des centaines d’études pointent dans la même direction, que ce soit des études épidémiologiques menées à long terme sur des humains, des études menées sur l’animal ou sur des cellules, ou encore sur des groupes de personnes exposées dans leur métier à des produits spécifiques. »Hausse des pathologies
« En particulier, depuis 2009, les éléments de preuve du lien entre exposition aux perturbateurs endocriniens et troubles du métabolisme, comme l’obésité et le diabète, se sont accumulés, alerte la biologiste Ana Soto (Tufts University à Boston, Ecole normale supérieure), coauteure de la précédente version du rapport.Et il faut noter que rien de ce qui était avancé en 2009 n’a dû être retiré ou revu à la baisse. Tout ce que nous suspections à l’époque a été confirmé par les travaux les plus récents. »La part prise par l’exposition aux substances chimiques toxiques dans l’augmentation d’incidence de certains troubles ou maladies – obésité, cancer du sein, de la prostate, etc. – ne peut être précisément quantifiée.Mais la société savante rappelle que ces pathologies, en lien avec le dérèglement du système hormonal, sont toutes en hausse inquiétante.Aux Etats-Unis, 35 % de la population est obèse et la moitié est diabétique ou prédiabétique.Hasard du calendrier, Pesticide Action Network (PAN Europe), une ONG sise à Bruxelles, rappelait, à la fin de septembre, qu’une dizaine de pesticides catégorisés comme perturbateurs endocriniens par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) étaient actuellement examinés par la Commission européenne afin d’être autorisés ou réautorisés sur le marché européen.A l’heure actuelle, il n’existe pas de définition réglementaire stricte de ces substances : l’exécutif européen devait au plus tard établir une telle définition en décembre 2013, mais a cédé sous les pressions de l’industrie et a repoussé sine die la mesure.
- Pascale Santi Journaliste au Monde