Turquie: Le tyran désire liquider l’opposition
Ragip Duran
Le 45ème Tribunal Civil de Première Instance d’Istanbul a décidé le 2 septembre dernier d’annuler le 38ème congrès local du CHP (Parti Républicain du Peuple, Kémaliste, 137 sièges au Parlement sur 592, principale formation de l’opposition, grand gagnant des dernières élections locales du 31 mars 2024). Ainsi l’ensemble des membres de la direction locale et y compris le Président sont démis de leurs fonctions. Le Tribunal a également nommé provisoirement 5 administrateurs à leur place.
Ce dernier ‘’Coup du Judiciaire’’ contre les élus est violemment protesté par l’opposition. Les juristes rapellent que le tribunal civil n’a pas la compétence de nommer des administrateurs.
La montée en masse de l’opposition kémaliste contre le régime Erdogan dérange visiblement le Palais. L’ensemble des sondages d’opinion publique montre qu’Erdogan est au moins en arrière de 10 points contre Ekrem Imamoglu maire d’Istanbul, en prison depuis le 19 mars 2025 et contre Mansur Yavas, maire CHP d’Ankara en poste.
L’opposition continue à organiser dans plusieurs villes du pays de grandes manifestations de protestation contre Erdogan.
Le pouvoir vise en particulier les municipalités dirigées par le CHP mais aussi celles du DEM (Parti de l’Egalité et de la Démocratie des Peuples, kurdes et gauches, 56 sièges au Parlement).
Le Palais par l’intermédiaire des tribunaux ou bien directement par les arrêtés du Ministère de l’Intérieur a déjà nommé 13 administrateurs à la place des maires élus depuis 2024. Et aujourd’hui 35 maires, dont la majorité des membres du DEM, sont toujours en prison.
La nouvelle stratégie du pouvoir est de menacer les maires du CHP, qui ont des problèmes avec les tribunaux et les forcer à quitter l’opposition et joindre l’AKP. Si le maire n’a pas de problème avec le judiciaire alors le pouvoir trouve un membre de la famille du maire, poursuivi par la justice.
Le dernier coup local à Istanbul, la plus grande ville du pays où vivent plus de 15 millions de citoyens a renforcé les inquiétudes des observateurs: ‘’Erdogan désire liquider complètement l’opposition. L’opération d’Istanbul peut être le début d’une grande attaque et demain il peut aussi nommer un adminstrateur à la tête du CHP au niveau national’’ croit Yalcin Dogan, chroniqueur du site d’information T24. ‘’Il peut même ne pas organiser des élections’’ ajoute-t-il.
Dans l’absence de la séparation des pouvoirs, donc d’un système judiciaire indépendant les tribunaux sont en générale sous les ordres du Palais. L’opposition n’a pas beaucoup de moyen pour contrecarrer les opérations illégales et illégitimes du régime.
‘’Tout ce qui est mauvais est déjà réalisé. Désormais on voit le pire. Mais on ne sait pas jusqu’où ira cette décadence’’ conclut un journaliste en exil en Belgique. (FIN/RD)