La cartographie
du mouvement anti-Erdogan
Ragip Duran
‘’Tu as cassé la génétique de notre pays
En 20 ans tu as volé toute ma jeunesse
Rends-le moi
Tu ne peux pas me le rendre ce que tu as confisqué
J’étais le cible du gaz lacrymogène comme à Gezi
Pourquoi donc la police est ici,
alors que les voleurs ne sont pas dans la rue
Les temps vont changer, les bons vont sourire
La peur s’enfuit là où l’espoir est présent
Celui qui est venu via les urnes, quittera via les urnes
Moi j’agitais le drapeau glorieux
Et tu me traites de terroriste, bah!
L’hymne national commence avec ‘’N’aie pas peur!’’
Ataturk avait dit: Soyez prêt contre l’insouciance et la traîtrise
Quel ennemi donc a pu battre la jeunesse! ‘’
Chante Don Arte, le surnom d’un chanteur de rap turc qui a déjà reçu en deux jours plus d’un million de visiteur sur la Toile, principal média qui relate les manifestations de protestation contre le régime depuis le 19 mars, date de l’arrestation du maire d’Istanbul M.Ekrem Imamoglu.
Faut-il préciser que les masses de manifestant ne sont pas organisées et dirigées par un seul centre politique. Des Kémalistes aux divers gauches, des libéraux aux musulmans anti-Erdogan, des activistes d’extrême-droite aux nationalistes purs et durs tous les mécontents, mais surtout la jeunesse estudiantine, sont dans la rue. Le Kémalisme est le culte de la majorité des manifestants.
Le CHP, principale formation de l’opposition essaie de récuperer ce mouvement et de le limiter uniquement pour le cas d’Imamoglu. ‘’On n’est pas venu ici à un meeting politique, on est venu pour l’action’’ rétroque les jeunes. ‘’D’accord pour Imamoglu, mais notre conflit est avec l’ordre établi’’ ajoutent-ils.
Les manifestants appellent le pouvoir à la démission et célébrent ‘’Le Président de la République Imamoglu’’. Mais ils critiquent également la direction du CHP. Les jeunes crient: ‘’La solution est dans la rue, pas dans les urnes’’. Et ils invitent le Président du CHP à leurs cotés: ‘’Ozgur viens avec nous, tu goûteras du gaz lacrymogène’’.
Les slogans écrits à la hâte sur les banderoles sont plus riches que les analyses des observateurs petits malins.
* ‘’La jeunesse c’est le changement’’.
* ‘’Nous sommes des gens de Gezi, tu prendras la porte’’.
* ‘’Nous voulons des procureurs étrangers’’, en référence à la demande des fans de football qui veulent des arbitres étrangers.
La terminologie du football très populaire en Turquie apparaît dans les slogans de rue:
* ‘’Vous avez des TOMAs, nous avons Osimhen’’, TOMA est le Véhicule de la police Qui İntervient Contre les Actions Sociales, les blindés qui jettent de l’eau sous pression pour disperser les manifestants. Osimhen est le meilleur footballeur du championnat de Turquie.
* ‘’Je vais lutter jusqu’au bout. Je n’ai rien à perdre. Je suis fan de Fenerbahce’’. Référence au club de foot Fenerbahce, grande équipe de la côte asiatique qui n’a pas pu remporter la coupe depuis 10 ans.
* ‘’Aucun homme n’a pu m’arroser autant que le TOMA’’ lançait une jeune femme avec le symbole de l’anarchisme.
Il y a également des slogans et des banderoles, minoritaires, contre les kurdes.
La Haute Autorité des TV et Radios (RTUK) a interdit d’antenne les 5 chaînes de TV pendant 10 jours, alors qu’elles relataient simplement les protestations. La répression policière et les arrestations se poursuivent et vont de paire. Berkay Gezgin, 22 ans, le créateur du slogan ‘’Tout sera très bien, très beau’’ de la campagne électoral d’Imamoglu de 2019 a été arreté. Il est accusé d’insulter le Président de la République et de résister contre la police. Un des avocats du maire, Mehmet Pehlivan et 3 autres avocats qui défendent les étudiants mis en garde à vue ont été également arretés vendredi tôt dans la matinée.
Quant au front du pouvoir, Erdogan durcit le ton et accuse les manifestants de ‘’vandalisme’’ et le CHP de de ‘’gauchisme’’.
Dans un pays où la stabilité politique et économique est très fragile, la carence d’une culture et de tradition d’opposition rationelle contre le régime réduit les chances des manifestants. ‘’En Turquie personne ne peut prévoir le futur proche ni l’avenir à moyen terme d’ailleurs’’ estime un professeur d’économie en exil en Allemagne. ‘’On ne sait pas pour le moment pendant combien de temps la base de l’iceberg peut résister contre les vagues chaudes des masses’’ conclut-il.
* Liens pour voir la vidéo de Don Arte https://www.instagram.com/donarte.flp/reel/DHoXhjEoU-b/
Ou bien
https://x.com/barisinsesitv/status/1905207792358555739
(FIN/RD)