L’économie-politique d’Erdogan violemment critiquée
par le quotidien du régime
Ragip Duran
Les lecteurs mais également l’ensemble des observateurs de l’opposition étaient affolés dans la matinée du 26 mai lundi à la lecture du quotidien Yeni Safak (Nouvel Horizon, 6ème plus grand tirage, 100 milles exemplaires, dirigé par le beau-père d’Erdogan).
‘’Les taux d’interêts augmentent, la valeur du dollar américain monte, l’inflation grimpe: La production en baisse, l’industrie au seuil de l’arrêt’’ annonce en première page.
Trois autres titres inattendus ornent la première page:
- Effrondement rationel de l’économie
- L’arrêt des investissements
- La faillite des sociétés en progrès
4 informations publiées à la une qui sont correctes depuis très longtemps. Mais Yeni Safak n’est pas du tout un journal d’opposition. Ce quotidien a peut être oublié de parler des bas salaires des travailleurs et des retraités, des privilèges accordés aux hommes d’affaires proche d’Erdogan et des corruptions. Il ne parle pas non plus de la répression contre les membres de l’opposition.
Les procureurs de la République, sous les ordres stricts du Palais Présidentiel, ouvrent automatiquement une information contre les responsables des médias quand ce genre d’information est publié dans les colonnes des journaux d’opposition. Ils poursuivent les journalistes accusés ‘’d’insulter le Président de la République’’, ‘’de divulger de fausses informations’’, ‘’de provoquer la haine contre l’Etat turc’’ voire ‘’de faire de la propagande du terrorisme’’! Ce qui n’est pas le cas pour Yeni Safak.
Ces informations sont complètement le contraire de ce que disent les porte-paroles du régime.
Alors pourquoi donc Yeni Safak s’oppose ouvertement contre la politique économique d’Erdogan?
Son nom n’est pas mentionné mais il est clair que l’objectif de cette campagne est bien le Ministre des Finances et du Trésor M.Mehmet Simsek (58). Ancien député, technocrate bien connu des milieux de finance américains et européens, vivant à Londres, il a été spécialement invité par Erdogan pour diriger l’économie turque depuis 2014.
Selon l’adage bien connu, ‘’Les dictateurs ont toujours raison et ils ne font jamais de fautes’’, il faut alors trouver un homme ou une femme qui sera accusé car l’économie turque est en berne depuis longtemps.
Le gendre d’Erdogan, M. Berat Albayrak (47), fils du patron du quotidien Yeni Safak était l’ancien ministre de l’économie mais il a du démissionner en 2020 car il n’avait pas pu bien gérer l’économie et les finances du pays.
‘’La Bourse d’Istanbul est encore en chute libre, la livre turque perd toujours de sa valeur devant le dollar américain et l’euro, le pointage de crédit de la Turquie recule’’, constate Orhan Bursali, chroniqueur du quotidien d’opposition Cumhuriyet. (La République, Kémaliste, environ 12 milles exemplaires)
Ces jours ci, on parle dans les coulisses du pouvoir d’une possibilité de remaniement au sein du Conseil des Ministres et le fauteuil de M.Simsek risque de changer de propriètaire.
Les médias turcs ont déjà relaté le mécontentement dans les rangs de l’AKP (Parti de la Justice et du Développement au pouvoir depuis 2002, actuellement 273 sièges sur 592 au Parlement) surtout depuis l’arrestation du maire d’Istanbul, M.Ekrem Imamoglu, principal rival et candidat pour les élections présidentielles de mai 2028.
Le trésor turc a perdu environ 80 milliards de dollars lors de l’opération d’Erdogan contre le maire d’Istanbul, pour freiner la chute de la valeur de la livre turque contre le dollar.
M.Simsek serait donc le bouc émissaire nommé par Erdogan pour ombrer la défaite économique du régime. Sinon Yeni Safak n’oserai pas s’opposer contre le Grand Patron. Mais même si le Président change son ministre des finances est-ce que l’économie turque peut se redresser? Personne n’a une réponse affirmative à cette question. (FIN/RD).