Contention entre Erdogan et Ocalan
ou bien la turquisation du problème kurde?
Ragip Duran
Alors que le problème kurde reste encore, depuis 1925, le sujet politique le plus important de l’Etat et de la société turcs, alors que la Commission Parlementaire poursuit ses interminales réunions pour écouter les différents acteurs du conflit, alors que l’ensemble de la population en particulier les kurdes désirent se renseigner sur les négociations secrètes entre Abdullah Ocalan et les représentants de l’Etat turc, un livre récemment publié par deux universitaires kurdes d’Iran (Rojhelat) propose une perspective critique sur les politiques du leader kurde Ocalan: ‘’Le Paradoxe Kurde de l’Apatridie (Statelessness en anglais)- Les Stratégies d’Ocalan sur le Confédéralisme et la Turquisisation’’ (Faire partie de la Turquie, s’adapter à la Turquie) (Palgrave Macmillan, Suisse, 2025, version originale en anglais/ Traduction en turc publié chez DOZ, Istanbul, 2025).
Kamal Soleimani et Behrooz Shojai analysent les livres, les déclarations et les interviews d’Ocalan publiés avant et après son incarceration(1999). Les deux universitaires se concentrent essentiellement sur quatre sujets: L’Etat-Nation, Le Pacte National Turc (Misak-i Milli), la langue kurde en tant qu’acteur socio-politique et la fraternité kurdo-turque.
Il ya, selon les deux universitaires, un grand changement dans les politiques et les analyses d’Ocalan depuis son imprisonnement en 1999. Les auteurs, comparent les écrits et les déclarations du Président du PKK et croient qu’Ocalan se rapproche de plus en plus des thèses officielles de l’Etat turc. Ocalan n’est plus pour l’autodétermination ou la création d’un Etat indépendant kurde mais il propose ‘’une intégration démocratique de la population kurde au sein de l’Etat turc’’. Le Président du PKK, ‘’reconnait désormais la légalité et la légitimité de l’Etat turc et ne s’oppose plus contre la nature unitaire de la République Turque’’, constatent Soleimani et Shojai. Ocalan, selon les deux auteurs ne défend plus ‘’la langue maternelle kurde et sa reconnaissance officielle par Ankara’’ mais demande simplement ‘’l’apprentissage du kurde, une langue locale, dans des établissements privés’’.
Il peut y avoir au moins cinq probabilités, selon les auteurs du livre, qui peuvent expliquer ce changement politique de cap.
1- Le public d’Ocalan a changé, c’est à dire auparavant il s’adressait aux kurdes alors que désormais il parle aux officiels turcs qui se rendent fréquemment sur la prison de l’île d’Imrali (Marmara).
2- Il attendait un très bon verdict pour sa requête devant la Cour Européenne de Droits de l’Homme (CEDH- Strasbourg) alors qu’il est deçu.
3- Ocalan, à la suite des pourparlers à Imrali avec essentiellement les responsables des services de renseignement a adopté les prises de position des officiels turcs.
4- Ou bien tous ces écrits, toutes ces déclarations ne sont pas produits par Ocalan mais par quelqu’un d’autre.
5- Il se peut que la santé mentale et sprituelle d’Ocalan n’est pas très en forme.
Ce livre risque de provoquer un grand débat en particulier dans le monde kurde en Turquie.
Par ailleurs, bien que rédigé avant la dernière initiative du Président Bahceli (Extrême-droite, allié d’Erdogan) ce livre avait en générale prévu le cours des relations entre Ocalan et Ankara. Les médias turcs observent qu’il y a un très bon rapport entre Ocalan et Bahceli. Le régime au nom de la ‘’Turquie Sans Terrorisme’’ et Ocalan, au nom de la ‘’Paix et Démocratie Sociale’’, poursuivent un processus pas très transparent dont personne ne sait ni le cours ni les résulats attendus. (FIN/RD)