Le français pauvre?
Certes, Beckett a préféré écrire ses pièces en français parce qu'il
en... "appréciait" la pauvreté. Et il est vrai que la "musique
beckettienne" est consubstantielle au français; c'est le français qui
l'a révélé à lui-même et c'est tant mieux. Affaire de "rencontre".
Claudel est consubstantiel au français, Gezelle au néerlandais,
Shakespeare à l'anglais, Dante à l'italien... Là est le génie de
l'écrivain: s'approprier une langue pour en faire son univers. Toute
langue a un génie qui lui est propre et Proust se traduit très mal en
anglais, tout comme Shakespeare en français...
Quant à affirmer que l'anglais est plus facile que le français (la
facilité, critère de richesse?)...
L'anglais courant (langue massacrée s'il en est, parce que
véhiculaire) ne correspond bien évidemment pas à l'anglais dans toutes
ses virtualités qui, comme toute langue, est difficile. Quant à
l'allemand dont Heidegger considérait (préjugé?) qu'il était le
successeur du grec par sa richesse lexicale et la complexité de sa
grammaire, il est difficile d'en nier la difficulté.
Toute critique adressée à une langue n'a qu'une signification
politique. Le désir de dominer l'autre en méprisant sa langue n'est
guère très honorable. L'arrogance de celui qui croit parler la plus
belle langue qui soit est tout aussi méprisable et stupide.