Delacroix René ARN
unread,Jun 2, 2010, 4:53:13 AM6/2/10Sign in to reply to author
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to ARNif
NE PAS LÂCHER LA PROIE POUR L’OMBRE
Dans son entreprise méthodique de démolition des compétences
régaliennes des Etats, le rouleau compresseur bruxellois avance
irrésistiblement dans la parfaite indifférence des opinions publiques
nationales.
Avec l’audace que lui confère une impunité jamais démentie, l’Union
européenne se propose à présent de s’attaquer résolument à la
souveraineté fiscale et budgétaire des États.
*
Depuis plusieurs années, la Commission européenne exige de la France,
avec une détermination qui s’avère payante, qu’elle mette sa
législation en conformité avec la directive de 2003 sur l’énergie.
Appliquant sans faille cette redoutable directive européenne, dont nos
compatriotes peinent encore à en mesurer exactement les effets
dévastateurs, la bureaucratie bruxelloise réclame la suppression
définitive du régime français des taxes locales d’électricité.
Fixée librement par les collectivités territoriales, cette taxe
rapporte bon an mal an au budget des communes et des départements, la
bagatelle de 1 milliard d’euros pour les ménages et 400 millions pour
les entreprises.
Jusqu’à présent prélevée sur le montant de la facture, cette taxe
devrait être désormais calculée et perçue sur la quantité
d’électricité consommée, dans le cadre d’un dispositif imposé par
l’Union européenne qui pénalisera globalement les entreprises grandes
consommatrices d’électricité, avec à la clé, pour celles-ci, une
augmentation dissimulée d’impôt de l’ordre de 150 millions d’euros
(Les Échos, mercredi 12 et jeudi 13 mai 2010).
La réforme est aujourd’hui sur les rails et le gouvernement s’apprête,
aux ordres de Bruxelles, à la soumettre prochainement au Parlement, en
l’intégrant sans doute à la loi sur la nouvelle organisation des
marchés sur l’électricité (Nome) qui doit être débattue à l’Assemblée
nationale à partir du 7 juin 2010.
A l’issue d’un débat parlementaire confiné, qui marginalisera
probablement l’opinion publique sur cette question capitale, la
réglementation française des marchés de l’électricité subira de
profondes mutations qui retentiront, au bout du compte, sur la facture
du consommateur français, dont on a pris le soin évidemment de ne pas
consulter l’avis.
Nul ne semble s’alarmer de ces bouleversements à venir.
Comme à l’accoutumée, nos parlementaires feront mine, le moment venu,
à droite comme à gauche, de vouloir faussement s’attaquer aux
rigidités présumées de notre réglementation, au nom de la nécessaire
adaptation du marché français de l’électricité aux exigences de la
concurrence internationale, sans avouer aux Français que cette réforme
nous est imposée en réalité de Bruxelles.
Dans ce théâtre d’ombres qui dissimule mal l’impuissance de nos
gouvernants, que reste-t-il au fond de la liberté de nos
parlementaires à légiférer au nom du peuple français, en ce domaine
comme en beaucoup d’autres ?
*
De l’effacement des compétences exclusives des Etats dans le domaine
des finances locales à la remise en cause, extraordinairement
symbolique, de leur souveraineté séculaire en matière budgétaire, il
n’y a qu’un pas que l’implacable machine européenne s’apprête à
franchir, en jouant abusivement des anxiétés nées d’une crise grecque
qui a tant malmené la zone euro.
Sous influence allemande, Bruxelles avance ses pions, en silence.
Le président du Conseil, Herman Van Rompuy en discussion avec la
chancelière allemande Angela Merkel - mars 2010.
Au lendemain de la création par les Vingt-sept d’un fonds de
stabilisation destinée à contrecarrer les attaques spéculatives des
marchés financiers contre la zone euro, la Commission européenne a
proposé, le 12 mai dernier, que les Etats soumettent leurs projets de
budget à l’examen de Bruxelles, avant qu’ils ne soient présentés aux
Parlements nationaux.
« Une proposition absolument indispensable si l’on veut renforcer
l’Union économique et monétaire », selon Olli Rehn, commissaire
européen aux Affaires économiques et monétaires, qui entend mettre au
pas les Etats qui laissent filer leurs déficits au-delà des 3 % du PIB
autorisés, en les privant s’il le faut de subventions européennes
provenant d’un budget communautaire pourtant alimenté par les
ressources des Etats !
Au moyen de ce contrôle « a priori » des comptes de la France, que
l’on présente partout sous les traits fallacieux d’une mesure purement
technique, chacun pressent en vérité que le budget de notre pays est
appelé ni plus ni moins, à terme, à être mis sévèrement sous tutelle.
Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, ne
dit pas autre chose, à mots couverts : « Les budgets seront toujours
votés par les Parlements nationaux, mais ils pourraient être regardés
au préalable par nos partenaires européens. Ainsi chacun saura si les
budgets des autres sont bien dans les lignes de la discipline commune
» (Le Parisien, mercredi 12 mai 2010).
De l’aveu même de l’ancien député de Paris, l’indépendance des Etats
sera ainsi davantage remise en question : « C’est une évolution
considérable plutôt qu’une brèche (dans la souveraineté de la France),
puisqu’au sein de l’Union européenne, les Etats ont déjà accepté de
transférer des pans entiers de leur souveraineté : la politique
agricole, la politique commerciale par exemple sont déjà des
politiques européennes ».
En plaçant de la sorte les budgets nationaux sous son contrôle
politique, l’Union européenne affirme ouvertement sa folle ambition de
déposséder les Etats membres des derniers attributs de leur
souveraineté, pour mieux s’affranchir de leurs ultimes velléités
d’indépendance.
*
Au delà de cette réforme de nature institutionnelle, décidée sans
aucune consultation des Parlements nationaux, et encore moins des
peuples européens, c’est bien la menace d’un gouvernement économique
européen autonome qui s’émanciperait progressivement du contrôle
légitime des Etats, qui se dessine ainsi peu à peu.
Peut-on au moins espérer de cette perte certaine de la souveraineté
budgétaire et fiscale des Etats qui s’annonce sournoisement, une
contrepartie économique réelle au bénéfice des peuples européens ?
Rien n’est moins sûr.
Contraints par l’Union européenne d’adopter de sévères mesures
d’austérité pour rétablir l’équilibre de leurs comptes, les Etats
devront nécessairement réduire drastiquement leurs dépenses publiques
au risque d’amplifier, dans la plus grande confusion, l’actuelle
récession économique.
En réalité, la logique d’intégration imposée autoritairement par les
autorités de Bruxelles ne peut manifestement qu’être vouée à l’échec,
tant demeurent considérables les écarts de compétitivité entre les
différentes économies européennes, tandis que les vaines tentatives
actuelles de rafistolage d’une zone euro appelée tôt ou tard à
imploser, se solderont à coup sûr par une forte dégradation du climat
social et une augmentation sévère du chômage.
Pris dans une fuite en avant permanente vers un ensemble européen
déraciné qui leur promet une zone de prospérité économique, aussi
illusoire que le progrès politique qui en est escompté, les
gouvernements européens bradent rien moins que les intérêts des
peuples qu’ils sont censés pourtant représenter et défendre, au nom
d’une idéologie européiste qui, en définitive, a perdu dans les faits
la bataille des idées.
Il est encore temps, pour la France, de ne pas lâcher la proie pour
l’ombre.
Une seule issue s’offre à elle : la sortie pressante d’une Union
européenne qui, en somme, a fait la preuve de son impuissance durable
et de son incapacité à se réformer.
Karim Ouchikh, le 13 mai 2010
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