« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le
dire vous viennent aisément. » Le bulletin du Collège Stanislas
publiait en 1976 la copie d'un élève de 3ème, classé lauréat national
dans un concours écrit sur le thème de la « Patrie ».
Le sujet exact du devoir était : « Que signifie pour vous le mot
Patrie ? »
Voici sa copie: Étranger, mon ami, tu me demandes ce que signifie le
mot « Patrie ». Si tu as une mère et si tu l'honores, c'est avec ton
cœur de fils que tu comprendras mes propres sentiments. Ma patrie,
c'est la terre de France où mes ancêtres ont vécu. Ma patrie, c'est
cet héritage intellectuel qu'ils m'ont laissé pour le transmettre à
mon tour.
Viens voir, étranger, la beauté des paysages de France, la splendeur
des monuments édifiés par mes aïeux. Va te reposer dans le vert
marais poitevin, admire les roches rouges d'Agay qui se baignent dans
le bleu de la mer de Provence. Chemine simplement de Paris vers Lyon.
Sur la route, près d'Avallon, l'élégance raffinée de la basilique de
Vézelay fera surgir pour toi l'épopée de nos croisades. Tu arriveras
plus loin au château de la Rochepot qui donne à la région un air
médiéval. N'oublie pas de visiter en Bourgogne le ravissant hospice
de Beaune. Ne néglige pas le barrage de Génissiat. Continue,
regarde, réjouis-toi de tant de beauté.
Mais si la France, ma patrie, n'était que belle et aimable, mon amour
pour elle ne serait pas si grand. Elle est mieux encore : intelligente
et cultivée. La clarté de sa pensée, la finesse de son esprit,
l'excellence de son goût te sont déjà connus. Des idées venues de
France ont influencé l'humanité toute entière. Sais-tu par exemple,
que la bibliothèque personnelle de Frédéric II de Prusse, conservée
à Berlin, ne contient que des livres écrits en français ? Ainsi, bien
au-delà de nos frontières, des hommes de France sont célèbres :
philosophes, écrivains, poètes, artistes, savants. Pascal, Molière,
Vigny, Delacroix, Berlioz, Pasteur : tous ont contribué à la gloire
de la France.
Et vous, héros humbles et méritants, qui avez fait la France brave et
fidèle, vous guerriers morts pour la patrie, comme je vous suis
reconnaissant de m'avoir conservé ce précieux bien de mes ancêtres !
De Bayard à Guynemer, des premiers chevaliers aux soldats des
dernières guerres, que de dévouements, que de sacrifices !
Et toi mon ami, qui es aussi comme moi une créature de Dieu, ne vois-
tu pas qu'ici en France, tu es en terre chrétienne ? Les oratoires
pittoresques, les calvaires aux croisées des chemins, les flèches de
nos cathédrales sont les témoins de pierre d'une foi vivante. Ma
patrie, bonne et pieuse, a vu naître de grands saints. Le sens
missionnaire de saint Bernard, la vertu de saint Louis, la charité de
saint Vincent de Paul, le zèle du Curé d'Ars sont le vrai trésor
laissé par nos ancêtres. De la grande sainte Jeanne d'Arc à la
petite Thérèse, de l'épopée de l'une à la vie si simple de l'autre,
je retrouve le courage et la bonté des femmes de France. Aux plus
humbles d'entre elles, s'est montrée la Vierge Marie. A travers
Catherine Labouré, Bernadette de Lourdes, quel honneur pour la
France !
Tu comprends maintenant pourquoi, ami étranger, j'aime et je vénère
ma patrie comme ma mère ; pourquoi, si riche de tout ce qu'elle me
donne, je désire transmettre cet héritage. Ne crois pas que cet amour
que j'ai au cœur soit aveugle. Mais devant toi, je ne dirai pas les
défauts de ma mère Patrie. Car tu sais bien qu'un fils ne gagne rien
à critiquer sa mère. C'est en grandissant lui-même qu'il la fait
grandir. Si je veux ma patrie meilleure et plus saine, que je
devienne moi-même meilleur et plus sain.
La France, ma patrie a tant de qualités que je ne saurais, ami
étranger, te priver de sa douceur ; si tu sais découvrir ses charmes
et ses vertus, tu l'aimeras, toi aussi. Je partagerai avec toi ses
bontés et, loin de m'appauvrir de ce don, je m'enrichirai de cette
tendresse nouvelle que tu lui porteras. Mais ne l'abîme pas, ami
étranger, la France, ma douce patrie, ma chère mère ; ne la blâme
pas, ne la pervertis pas, ne la démolis pas car je suis là, moi son
fils, prêt à la défendre.
A faire suivre
« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire vous viennent aisément. »
est une maxime de Nicolas Boileau.
On 20 mar, 09:50, Delacroix René ARN <a.r.n-connex...@hotmail.fr>
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