La censure par le Conseil constitutionnel de la contribution carbone
n’était pas imprévisible. Dès lors que la loi affiche comme objectif
de réduire les émissions de CO2 et que les mesures qu’elle prévoit
n’ont pas cet effet en raison des multiples exonérations consenties,
cette loi est contraire au principe constitutionnel de conformité à
ses objectifs, ainsi qu’à celui d’égalité fiscale.
Le chef de l’Etat n’entend pas renoncer, mais le gouvernement a déjà
reculé la date du nouveau projet de plusieurs mois (début juillet).
C’est qu’il n’est pas si simple de ne pas risquer d’encourir une
nouvelle censure. Le Conseil admet en effet qu’il puisse exister des
exonérations, mais à condition qu’elles soient expressément justifiées
et partielles. Cela conditionne le respect du redoutable car incertain
principe d’égalité devant la loi.
En ce qui concerne les entreprises industrielles jusqu’à présent
exonérées au motif, non admis par le Conseil, qu’elles étaient par
ailleurs soumises aux quotas européens, le gouvernement entend
maintenant les soumettre à la taxe, mais de façon diversifiée, en
tenant compte de leur degré d’exposition relative à la concurrence
internationale ainsi qu’à leur intensité de consommation énergétique.
C’est un casse-tête redoutable, d’autant que les situations peuvent
varier dans le temps et qu’il ne faut pas donner l’impression de
s’incliner devant les lobbies.
En ce qui concerne les particuliers, le remboursement de la taxe
pourrait aussi être un sujet d’inquiétude. Le Conseil ne s’est pas
prononcé sur ce point, mais, comme il l’a indiqué, il n’avait pas à le
faire, ayant déjà censuré la loi sur la base d’un autre motif, et
l’incertitude subsiste donc sur le reste du projet. Sans autre
information, il est difficile de partager l’optimisme de la ministre
de l’Economie qui estime que le reste du projet est au contraire
validé. Or, n’est-il pas manifestement contraire à l’objectif affiché
de la loi, d’annuler par le remboursement total de la taxe versée par
les particuliers l’effet que cette taxe aurait dû avoir sur eux ? Que
décidera le Conseil s’il est de nouveau saisi ? Suffira-t-il de taxer
les émissions industrielles pour assurer la conformité de la loi aux
principes constitutionnels ?
Reconnaissons-le, cette contribution carbone cumule les malfaçons.
Déjà une usine à gaz administrative, très coûteuse à gérer, dans sa
première version, elle le deviendra encore plus avec la taxation des
entreprises industrielles. Pour ces dernières, elle constituera une
contrainte nouvelle et inattendue et viendra encore peser sur leur
compétitivité. Quant à l’efficacité de la loi, elle est plus que
douteuse, car les dépenses d’énergie sont de toute façon prioritaires
et incompressibles, et l’on ne pourra pas imposer aux Français le
cumul de fortes augmentations touchant à la fois le prix du brut (ce
qui est largement prévisible), et la taxe carbone, qui est censée
monter rapidement en régime.
Au plan mondial, seul significatif pour l’effet de serre, la mesure ne
peut avoir qu’un résultat négligeable, la diminution d’émission
attendue au mieux en France étant calculée par certains à un millième
de la seule augmentation prévisible des émissions chinoises ! Enfin,
pour couronner le tout, l’effet redistributif le plus visible du
mécanisme de remboursement sera un transfert du produit de la taxe
récolté auprès des particuliers se chauffant au gaz ou au fioul au
profit des adeptes du tout électrique qui ne sont pas plus vertueux
que les autres !
Michel Rocard faisait récemment part de ses doutes sur la taxe
carbone, n’étant "plus sûr aujourd’hui" de la cohérence entre un
système purement français et le système européen des quotas
d’émission. Il se prononce pour un remplacement de ces quotas par une
taxe carbone européenne, d’ailleurs préconisée par la Suède,
présidente de l’Europe. C’est en effet au niveau de l’Europe qu’il
faut légiférer.
Bertrand Nouel.
http://www.ifrap.org/La-taxe-carbone-ne-peut-etre-qu-europeenne,11470.html
http://www.ifrap.org/+-Europe-et-International-+.html
Bonne lecture !
On 20 fév, 12:21, Logos <jean.michel.leha...@gmail.com> wrote:
> La taxe carbone ne peut être qu’européenne
>
(...)
>
> http://www.ifrap.org/La-taxe-carbone-ne-peut-etre-qu-europeenne,11470...