Jean Foyer ou les paradoxes du gaullisme

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Jan 8, 2011, 1:58:25 AM1/8/11
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SARKO, ENTENDS-TU ?

Jean Foyer ou les paradoxes du gaullisme

L'ancien garde des Sceaux de De Gaulle, Jean Foyer, s'est éteint le 3
octobre. Figure historique du gaullisme, il aura incarné tous ses
combats. D'abord pour le pire (les drames attachés à la guerre
d'Algérie), ensuite pour le meilleur (la défense indéfectible de la
Constitution de la Ve République et de la souveraineté de l'État).

Nous sommes le 6 juin 1962. Un garçon de vingt-huit ans, Claude
Piegts, attend son exécution dans sa cellule. Membre de l'OAS, il est
accusé d'avoir participé à l'assassinat du commissaire central
d'Alger, Roger Gavoury. Il a eu beau clamer son innocence, les
magistrats ne l'ont pas entendu. À dix heures, le garde des Sceaux
signifie à son avocat, Maître Tixier-Vignancour, le rejet de sa
demande en révision. À vingt et une heures, l'avocat apprend que
l'exécution est fixée au lendemain à quatre heures du matin. Absent de
Paris, il ne peut rien pour son client. Même présent, il eût été
impuissant, le chef de l'État refusant par principe de le recevoir.

À partir de vingt-deux heures, un autre avocat, Bernard Le Coroller,
tente de joindre le garde des Sceaux. II y parvient à une heure du
matin. Dans trois heures, la salve doit retentir. L'avocat lui
présente le caractère. monstrueux d'une exécution capitale non
précédée de la présentation du recours en grâce. II lui demande de
surseoir à cette exécution pour permettre cette présentation. Le garde
des Sceaux l'écoute, avant de répondre que la réception de l'avocat
par le chef de l'État « est un usage et non pas une loi ». Piètre
réponse de la part d'un ministre de la Justice, avocat lui-même, fin
juriste et agrégé de droit. Regrettable réponse de la part de Jean
Foyer qui vient, à son tour, de s'éteindre, à l'âge de 87 ans.

Un défenseur résolu de la « culture de vie »

Nicolas Sarkozy a salué « cette grande figure de la Ve République », «
gaulliste passionné, juriste exigeant, défenseur de convictions
entières ». Des convictions, Jean Foyer n'en manquait effectivement
pas. Elles n'étaient sans doute pas tout à fait celles des voix qui
s'élèvent aujourd'hui pour saluer sa mémoire. Catholique convaincu, il
fut un défenseur résolu du droit à la vie et un adversaire convaincu
de l'avortement légalisé.

Le 26 novembre 1974, en pleine discussion de la loi Veil, il n'avait
pas hésité à lancer à ses collègues : « Vous allez amener le Parlement
à porter une atteinte au respect de la vie humaine, et je crains que
cette atteinte ne soit suivie de beaucoup d'autres. Déjà, ici et là,
autour de nous et même en France, un avenir particulièrement sinistre
commence à se dessiner. En France, déjà, nous entendons réclamer la
stérilisation des infirmes et de certains handicapés. Plus tard,
lorsque dans une France dépeuplée, le nombre des vieillards et des
handicapés sera devenu , insupportable, parce que disproportionné à
celui des actifs, on expliquera à nos successeurs qu'une vie diminuée
ou ralentie n'est plus une vie humaine et qu'elle ne vaut plus la
peine d'être vécue. » Trente-quatre ans plus tard, cette apostrophe
résonne comme une incroyable prophétie que le législateur des années
1970 n'a pas voulu entendre.

Ce 7 octobre 2008, il devait prononcer un discours en présence du chef
de l'État pour le 50e anniversaire de la Ve République. Qu'allait dire
celui qui fut, avec Michel Debré, l'un des rédacteurs de sa
Constitution ? Nous ne le saurons pas. Mais s'il avait décidé d'être
fidèle, une dernière fois, à ses convictions, il aurait probablement
été sévère avec ceux qui, se référant sans cesse à De Gaulle, n'ont
cessé de trahir son héritage en dénaturant toujours plus la
Constitution voulue par ce dernier.
« Il faut que les Français soient pour la France »

Le 1er mai 1999, le traité d'Amsterdam, qui consacre, après celui de
Maastricht, de nouveaux abandons de souveraineté au profit de
Bruxelles, doit entrer en vigueur. Jean Foyer publie un livre. Son
titre est éloquent :

France, qu'ont-ils fait de ta liberté !(1) II s'agit d'un formidable
plaidoyer pour la souveraineté de l'État. Nous ne sommes pas dans les
incantations nostalgiques, mais dans une véritable dissertation
juridique. Le processus enclenché depuis Maastricht est parfaitement
analysé. La souveraineté est désormais démembrée. L'État est sous la
tutelle d'une Cour des droits de l'homme. II est subordonné à l'Union
européenne. La souveraineté territoriale est aliénée. La Constitution
n'est plus la loi suprême. Après le traité d'Amsterdam, la France est-
elle toujours un État ou n'est-elle déjà plus qu'un Land ? Poser la
question, c est y répondre.

Jean Foyer se livre également à une attaque en règle contre les
héritiers illégitimes : « Les mots me manquent pour exprimer mon
indignation. Le général De Gaulle n'a jamais eu de mots trop durs pour
le régime exclusif des partis. Est-il désormais un parti plus partisan
que le parti se disant gaulliste ? il fait obéir au doigt et à l'œil
les députés et sénateurs élus sous sa bannière par la crainte d'un
refus d'investiture. De cette manière, la majorité du RPR tourne te
dos, depuis 1999, à ce qui a été la raison d'être du gaullisme et le
principal héritage spirituel de Charles De Gaulle. » Avec cette
conclusion sans appel : « La construction européenne, comme la
dénomment ses adeptes, évoque le roman de Swift, Gulliver à Lilliput.
Les Lilliputiens, juristes et fonctionnaires, s'appliquent à ficeler
les États, à les ligoter. Aucun État fédéral n'en a jamais fait
autant. »

La colère de Jean Foyer ne retombe pas. Un mois avant le référendum du
24 septembre 2000 voulu par Jacques Chirac pour imposer le
quinquennat, il reprend sa plume. Pour dénoncer la stupidité d'une
telle réforme. Pour appeler au sursaut face à une nouvelle
désintégration de la Constitution : « Par un acharnement bien
difficile à expliquer et à comprendre, le démantèlement du dispositif
constitutionnel a été entrepris par la droite comme par la gauche et
non point toujours par l'opposition du moment. Les gouvernants au
pouvoir, des parlementaires majoritaires se sont acharnés à ruiner le
socle sur lequel était fondé leur pouvoir. Exemple le plus parfait
d'une démagogie stupéfiante parce que stupide »(2).
Jean Foyer aimait citer Richelieu s'adressant à Louis XIII : « Il faut
que les Français soient pour la France. » Nous pourrions ajouter : «
Ses dirigeants également. » Mais pour ces derniers, la partie est loin
d'être gagnée.

Thierry Normand, Minute du 8 octobre 2010.
____________
(1). François-Xavier de Guibert, 1999.
(2). Quinquennat ? Dites-leur non, « parce que sept ans, c'est une
chance pour la France », ouvrage collectif, François-Xavier de
Guibert, 2000.
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