Depuis plusieurs jours, la Belgique est donc particulièrement ciblée par des survols de drones d’origine indéterminée. Pour Théo Francken, les médias, la majorité des commentateurs, il n’y a pas de doute : même s’il ne peuvent accuser formellement, c’est les Russes ! « De qui, je ne sais pas. J’ai des idées mais je vais être prudent » (Théo Francken sur la Première). Suivez mon regard. Le chef de la Défense Fréderik Vansina : « On sait que les Russes sont très forts là-dedans. Prenez les coupures de câbles, les campagnes de désinformation, les cyberattaques… L’utilisation de drones, fait partie de tout ce modus operandi… » « Il s’agissait d’un drone de très grande taille, contrôlé non pas par radiofréquences, mais par 4G ou 5G. En bref: un drone pilotable depuis Moscou, explique Het Laatste Nieuws. » (7 sur 7)
Mais pourquoi ? Et bien, c’est la « guerre hybride ». C’est un concept très pratique. Personne ne comprend, mais justement c’est ça le but : Poutine veut « instiller un climat de peur dans la population », « déstabiliser le pays », « semer la panique », « le chef du Kremlin envoie un message sinistre » etc. ...
Avec, ça c’est certain, on va arrêter de soutenir la guerre en Ukraine, et on va se plier à toutes les exigences de Moscou... Ah non ? ça ne marche pas, Poutine, c’est encore raté ! Ces Russes sont vraiment nuls.
Quels sont en fait les effets objectifs, concrets de ces survols de drones ?
- Réclamer, justifier encore plus d’argent pour l’armée : Vansina réclame urgemment des moyens supplémentaires, Francken « On doit investir dans l’antiaérien, . On veut investir 50 millions d’euros pour un système de détection. »
- Entretenir un climat de préparation à la guerre
- Cela démontre à quel point la « menace russe » est une réalité : heureusement que les Ukrainiens sont là pour les arrêter ! et quoi, la Belgique refuse de « libérer » les avoirs russes qui permettrait aux Ukrainiens de continuer à faire rempart de leurs corps ?? La coïncidence entre les pression subies actuellement par la Belgique et la multiplication des drones est curieuse (cf ci-dessous)
Comme a finement rappelé André Flahaut hier à propos du sabotage du Nord Stream : « Tout de suite, on a dit que ce sont les Russes. Et puis alors après, on a constaté que c'était les Ukrainiens... »
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Un article typique
Drones et avions russes : comment Poutine fait progressivement monter la pression sur l’Europe
Pierre Haski, Nouvel Obs, 23 septembre
Les récentes incursions de drones et d’avions russes dans l’espace aérien de pays membres de l’Otan constituent une nouvelle dimension de la guerre hybride menée par Moscou. Avec elles, le chef du Kremlin envoie un message sinistre aux Européens.
A quoi joue Vladimir Poutine avec l’Europe ? Notre vision rationnelle nous pousse à considérer, non sans arguments, que la Russie a déjà tellement de mal à conquérir l’Ukraine, après trois ans de guerre intense, qu’elle ne va pas se lancer à l’assaut de la puissante Otan… La même rationalité qui nous avait amenés à exclure une attaque de l’Ukraine en 2022. Mais les incursions russes ces dernières semaines dans les espaces aériens de pays membres de l’Alliance atlantique – Pologne, Roumanie, Estonie – ne sont pas nécessairement la répétition générale d’une invasion à grande échelle. A force de raisonner avec les paramètres de la guerre froide – un ex-officier français me racontait récemment ses exercices de parachutage sur les autoroutes allemandes pour freiner une hypothétique avancée des chars soviétiques… –, on risque de rater ce qui se joue en ce moment.
Poutine nous met sous tension à peu de frais. Quelques drones, dont des leurres, et une poignée de vieux Mig poussifs envoyés vers l’Ouest génèrent plus de bruit et de fureur que des centaines de drones et de missiles qui explosent sur des cibles civiles en Ukraine. Ils provoquent un climat de stres… (suite prévisible)
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Le différend sur les avoirs russes déclenche une réunion de crise entre la Commission européenne et la Belgique
Les responsables lancent une nouvelle initiative pour sortir de l'impasse politique concernant un prêt de 140 milliards d'euros à l'Ukraine à titre de réparation.
Par Bjarke Smith-Meyer,
Politico, 4 novembre
https://www.politico.eu/article/russian-assets-european-commission-ukraine-cash-funds-war-loan/
Les hauts responsables de la Commission européenne et du gouvernement belge se réuniront vendredi afin de tenter de sortir de l'impasse politique concernant l'utilisation des actifs gelés de l'État russe pour financer un prêt de 140 milliards d'euros à l'Ukraine, ont déclaré deux hauts responsables de l'UE à POLITICO.
La Belgique s'est montrée réticente à approuver ce plan, proposé par la Commission comme un moyen d'utiliser les fonds russes sanctionnés pour soutenir l'Ukraine sans saisir définitivement l'argent, car les fonds en question sont détenus par la société financière Euroclear, basée à Bruxelles.
Le Premier ministre Bart De Wever craint que son gouvernement ne soit contraint de rembourser les milliards de Moscou si une équipe d'avocats du Kremlin intente une action en justice contre cette initiative.
Lors d'une réunion des dirigeants de l'UE en octobre, M. De Wever a exigé des garanties plus solides de la part des dirigeants de l'UE afin de protéger son pays contre les risques financiers et juridiques que pourrait entraîner cette initiative.
La réunion décisive de vendredi intervient après que les vice-ministres des Finances n'ont pas réussi mardi à faire avancer les négociations sur le prêt de réparation, la Commission avertissant que le temps presse.
« Plus nous tardons à agir, plus la situation deviendra difficile. Cela pourrait soulever des questions sur certaines solutions transitoires possibles », a déclaré mardi le commissaire à l'économie, Valdis Dombrovskis, aux journalistes dans la capitale bulgare, Sofia.
L'Ukraine sera confrontée à un déficit budgétaire l'année prochaine si les fonds ne sont pas versés d'ici le printemps. Sans accord sur l'utilisation des actifs russes, la Commission avertit les gouvernements de l'UE qu'ils devront soutenir Kiev avec leurs propres ressources financières, ce qui n'est guère souhaitable après une pandémie qui a mis à mal les budgets nationaux.
« Comment allons-nous trouver 140 milliards d'euros dans les budgets européens à cette période de l'année ? », a demandé un vice-ministre des Finances, qui a exprimé sa frustration à l'égard de la Belgique et qui, comme d'autres personnes citées dans cet article, a souhaité garder l'anonymat afin de pouvoir s'exprimer librement. « C'est impossible. »
La Commission présentera à la Belgique une note sur les autres options de financement pour l'Ukraine qui impliquent des emprunts de l'UE. L'espoir est que Bart De Wever, qui est également confronté à des contraintes financières, se rallie à cette solution lorsqu'il verra qu'il n'y a pas d'autre option viable.
Ce que souhaite la Belgique
Pour sa part, M. De Wever a exposé les conditions nécessaires pour que la Belgique soutienne ce plan.
Tout d'abord, la Belgique souhaite éliminer la menace d'un veto de la Hongrie — ou d'un autre pays — sur les sanctions.
Tous les six mois, l'UE doit réautoriser à l'unanimité ses sanctions contre la Russie, ce qui signifie que tout pays favorable au Kremlin, comme la Hongrie ou la Slovaquie, pourrait débloquer les avoirs russes et contraindre Euroclear à transférer toutes les sommes sanctionnées au Kremlin.
La Commission s'efforce d'annuler le droit de veto afin de garantir à la Belgique la sécurité à long terme dont elle a besoin sur ce front.
Deuxièmement, la Belgique souhaite que les autres pays de l'UE partagent le risque.
La Commission a répété à plusieurs reprises que l'Ukraine ne devrait commencer à rembourser le prêt de 140 milliards d'euros qu'une fois que la Russie aurait mis fin à la guerre et versé des réparations. Cependant, les Belges souhaitent que les capitales de l'UE fournissent des garanties financières contre le prêt si la Russie met fin à la guerre et réclame le remboursement de ses avoirs, ou si les avocats du Kremlin convainquent un tribunal que Moscou doit être remboursée.
Même si tous les pays de l'UE fournissent des garanties nationales, la Belgique souhaite s'assurer que ces remboursements seront immédiats. La Commission a suggéré qu'elle pourrait prêter de l'argent à tout pays qui aurait des difficultés à fournir des liquidités dans l'immédiat. Cependant, cette approche alourdirait la dette d'un pays, une perspective peu populaire pour des pays comme la France et l'Italie.
Enfin, la Belgique exhorte la Commission à envisager d'utiliser le budget actuel de l'UE, établi pour sept ans, pour garantir le prêt, plutôt que de s'en remettre aux gouvernements nationaux.
En théorie, la Commission pourrait utiliser à cette fin une partie de la réserve de trésorerie, appelée « marge de manœuvre », prévue dans le budget de l'UE. Cette idée présente un intérêt une fois que le nouveau budget sera dévoilé en 2028. Cependant, il n'est pas certain que la marge de manœuvre soit suffisante pour la réserve de trésorerie actuelle.
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« C'est terrifiant – mais nous allons faire preuve de fermeté ! »
La Russie veut nous saigner à blanc [les salopards, alors qu’on ne leur fait rien]
L'agression du Kremlin dans la zone grise épuise nos ressources, rendant de plus en plus coûteux le fait d'être une entreprise basée dans un pays occidental.
La Russie a attaqué des centres commerciaux, des aéroports, des entreprises de logistique et des compagnies aériennes.
Elisabeth Braw,
Politico, 5 novembre
https://www.politico.eu/article/russia-kremlin-donald-tusk-atm-poland-financial-losses/
Elisabeth Braw est chercheuse senior à l'Atlantic Council, auteure du livre primé « Goodbye Globalization » et chroniqueuse régulière pour POLITICO.
Au cours des deux dernières années, des pirates informatiques russes liés à l'État ont attaqué à plusieurs reprises le conseil municipal de Liverpool, et ce n'est pas parce que le Kremlin nourrit une aversion particulière pour cette ville portuaire du nord de l'Angleterre.
Ces attaques s'inscrivent plutôt dans une stratégie visant à infliger des pertes financières importantes aux villes, aux gouvernements et aux entreprises, et leurs répercussions dépassent largement le cyberespace. Dans le golfe de Finlande, par exemple, les dommages causés aux câbles sous-marins par le navire fantôme Eagle S en décembre ont entraîné des coûts s'élevant à plusieurs dizaines de millions d'euros, et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. [nb : la Finlande a été contrainte de libérer en mars le pétrolier saisi et les plaintes contre l’équipage ont été rejetée en septembre par les tribunaux finlandais faute d’éléments probant : cf https://www.politico.eu/article/finnish-court-dismisses-eagle-s-cable-cutting-case/]
La Russie a attaqué des centres commerciaux, des aéroports, des entreprises de logistique et des compagnies aériennes, et ces perturbations ont toutes un point commun : elles ont un coût élevé pour les entreprises ciblées et leurs assureurs.
On ne peut s'empêcher de compatir avec le conseil municipal de Liverpool. En plus de s'occuper des quelque 500 000 habitants de la ville, il doit également lutter contre les cyber-gangs russes qui, selon un rapport récent, n'ont cessé de mener des attaques : « Au cours des deux dernières années, nous avons subi de nombreuses attaques de la part de ce groupe et de ses alliés utilisant leur botnet distribué », indique le rapport, faisant référence au groupe de hacktivistes NoName057(16), qui serait lié à l'État russe. [apprécier le conditionnel]
« Les attaques par déni de service à des fins financières ou politiques constituent un risque courant pour toute entreprise présente sur le web ou qui dépend de systèmes basés sur Internet. »
En effet. Au cours des dernières décennies, des pirates informatiques russes liés à l'État [oops, plus de conditionnel] ont pris pour cible toutes sortes de municipalités, d'agences gouvernementales et d'entreprises européennes. Cela inclut l'attaque NotPetya de 2017, qui a paralysé « quatre hôpitaux rien qu'à Kiev, six compagnies d'électricité, deux aéroports, plus de 22 banques ukrainiennes, des distributeurs automatiques de billets et des systèmes de paiement par carte dans les commerces et les transports, ainsi que pratiquement toutes les agences fédérales », ainsi qu'une série de multinationales, causant des pertes colossales d'environ 10 milliards de dollars.
Plus récemment, la Russie s'est également mise à cibler des organisations et des entreprises par d'autres moyens. Il y a eu des incendies criminels, dont un impliquant le plus grand centre commercial de Pologne, que le Premier ministre Donald Tusk a ensuite déclaré avoir été « commandité par les services spéciaux russes » [puisque Tusk le dit...]. Des colis piégés ont été livrés à DHL ; une activité croissante de drones a été signalée autour des installations de fabrication de défense européennes ; et une série d'incidents suspects ont endommagé ou sectionné des câbles sous-marins et même un pipeline.
La liste des coûts s'allonge : en raison de l'intrusion de drones dans l'espace aérien réglementé, les aéroports danois et allemands ont été contraints de fermer temporairement, ce qui a entraîné le déroutement ou l'annulation de dizaines de vols. Le brouillage et l'usurpation du GPS par la Russie affectent une grande partie des vols commerciaux autour de la mer Baltique. En mer Rouge, les attaques des Houthis obligent la plupart des navires appartenant à des pays occidentaux ou battant leur pavillon à emprunter la route beaucoup plus longue du cap de Bonne-Espérance, ce qui augmente les coûts. Les Houthis ne sont pas la Russie, mais la Russie (et la Chine) pourraient facilement aider les efforts occidentaux pour mettre fin à ces attaques, ce qu'elles ne font pas. Elles profitent simplement de l'énorme privilège de voir leurs navires naviguer sans être attaqués. [bien sûr, la Russie devrait aider les occidentaux qui cherchent eux à étrangler leur économie, et ce pour que le génocide israélien puisse se dérouler en paix]
Les organisations et les entreprises touchées par la Russie ont jusqu'à présent réussi à éviter des dommages catastrophiques. Cependant, ces attaques sont si dangereuses et imprudentes que tôt ou tard, des personnes perdront la vie.
De plus, leurs cibles continueront à subir des pertes financières importantes.
À eux seuls, les travaux de réparation d'un câble sous-marin de données coûtent généralement jusqu'à plusieurs millions d'euros. Les propriétaires d'EstLink 2, le câble électrique sous-marin touché par l'Eagle S, ont subi des pertes de près de 60 millions d'euros. La fermeture d'un aéroport pendant plusieurs heures est également extrêmement coûteuse, tout comme l'annulation ou le déroutement de vols. Certes, la plupart des entreprises ont souscrit une assurance pour se couvrir contre les cyberattaques ou autres dommages similaires, mais cette assurance n'est viable que si les dommages sont occasionnels.
Si elles deviennent systématiques, les assureurs ne peuvent plus se permettre de prendre le risque, ou doivent augmenter considérablement leurs primes. Et c'est là que réside le problème : un acteur intéressé peut rendre les perturbations systématiques.
C'est en fait ce que fait la Russie. Elle épuise nos ressources, rendant de plus en plus coûteux le fait d'être une entreprise basée dans un pays occidental, ou même un conseil municipal ou une autorité gouvernementale, d'ailleurs.
C'est terrifiant, - et pas seulement pour les entreprises qui pourraient être touchées. Cependant, même si la Russie semble totalement insensible à tout tentative de la raisonner, nous pouvons toujours faire preuve de fermeté. Les forces armées font preuve de fermeté, bien sûr, mais les entreprises et les organisations civiles peuvent s'entraîner et se préparer à toute attaque que la Russie ou d'autres pays hostiles pourraient décider de lancer contre elles.
Une telle préparation limiterait les dommages potentiels de ces attaques. On pourra alors se demander : si une attaque ne cause que des perturbations minimes, quel est l'intérêt de la lancer ?
C'est pourquoi les exercices de zone grise menés par le gouvernement et impliquant le secteur privé sont si importants. Je les préconise depuis plusieurs années maintenant, et chaque mois qui passe, ils deviennent encore plus essentiels.
A l’instar de l'armée, nous ne devrions pas nous contenter de mener ces exercices, nous devrions également le faire savoir au monde entier. Montrer que nous sommes prêts pourrait contribuer à dissuader les acteurs malveillants qui pensent pouvoir vider nos coffres. Cela présente également un avantage secondaire : cela aide les entreprises à montrer à leurs clients et à leurs investisseurs qu'elles sont effectivement capables de résister à tout ce que la Russie pourrait imaginer.