Le Conseil de sécurité de l’ONU a rejeté vendredi une résolution visant à empêcher la réimposition automatique de sanctions contre l’Iran pour son programme nucléaire, à quelques jours de l’ouverture du sommet annuel des Nations unies.
Le texte, présenté par la Corée du Sud, n’a pas obtenu les neuf voix nécessaires. Seuls la Chine, la Russie, le Pakistan et l’Algérie l’ont soutenu, tandis que les puissances européennes ont maintenu leur recours au mécanisme de “snapback” prévu dans l’accord nucléaire de 2015. Celui-ci permet de rétablir automatiquement des sanctions en cas de manquement iranien.[pays ayant voté contre : Grande-Bretagne, France, États-Unis, Slovénie, Danemark, Grèce, comme il se doit, plus surprenant : Sierra Leone, Panama et Somalie. La Corée du Sud s’est abstenue sur sa propre résolution...]
[Le « snapback » ne signifie pas le rétablissement immédiat des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU. Ce processus prend 30 jours à compter de son lancement jusqu'au rétablissement des sanctions du Conseil de sécurité, et une résolution du Conseil de sécurité pourrait empêcher sa mise en œuvre, bien que cette perspective ne semble pas vraisemblable étant donné l'ambiance qui y règne actuellement]
La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni accusent Téhéran de ne pas coopérer pleinement avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), malgré un nouvel accord négocié par l’Égypte pour autoriser des inspections sur l’ensemble des sites nucléaires.
Les dirigeants européens ont averti cette semaine que la voie diplomatique se referme rapidement. La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a appelé l’Iran à prendre des “mesures crédibles”, tandis que le président français Emmanuel Macron a jugé inévitable le retour des sanctions.
De son côté, le ministre iranien des Affaires étrangères a dénoncé une décision “dépourvue de toute justification légale ou logique”, tout en rappelant l’accord conclu avec l’AIEA.
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L'Europe utilise l'Iran comme un pion dans le jeu de pouvoir transatlantique
La pression de l'E3 pour rétablir les sanctions à l'encontre de Téhéran n’à rien à voir avec son programme nucléaire.
https://responsiblestatecraft.org/iran-snapback-sanctions-nuclear/
Le Conseil de sécurité des Nations Unies rétablira aujourd'hui (19 sept), via "snapback", toutes les sanctions de l'ONU qui avaient été levées dans le cadre de l'accord nucléaire de 2015 avec l'Iran. Ce déclenchement vient de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni - les mêmes puissances qui avaient conçu l'accord de 2015 - et maintenant ils ferment la dernière rampe de sortie diplomatique, consolidant une trajectoire vers la confrontation.
Comme je l'ai suggéré lorsque l'E3 a activé pour la première fois le mécanisme de snapback, il ne s'agit plus du programme nucléaire iranien, mais d'un stratagème de l'UE pour amener les États-Unis à s'aligner sur l'Ukraine :
Le partenariat de plus en plus étroit de l'Iran avec la Russie dans la guerre en Ukraine l'a transformé, aux yeux de l'Europe, en une menace directe. Les liens économiques de l'UE avec Téhéran sont négligeables après des années de sanctions. Par ailleurs, la dépendance de l'Europe à l'égard des relations transatlantiques - militaires, politiques et économiques - est bien plus grande qu'en 2003.
Dans ce contexte, l'escalade avec l'Iran sert deux objectifs européens. Premièrement, elle punit Téhéran pour s'être aligné sur Moscou, envoyant ainsi le message que le soutien à la Russie a un coût élevé. Deuxièmement, elle aligne l'Europe sur les faucons de l'administration Trump, à un moment où les relations transatlantiques sont soumises à des tensions historiques. Pour les dirigeants européens qui cherchent désespérément à conserver la bienveillance des Américains, l'Iran est devenu une offrande sacrificielle commode.
Rien de cela n’est de la spéculation. Le chancelier allemand a récemment affirmé qu'Israël, en bombardant l'Iran en juin, "faisait le sale boulot pour nous tous". Cette remarque était inhabituellement franche. Elle souligne ce que de nombreuses capitales européennes admettent en privé : les actions militaires d'Israël contre l'Iran servent les intérêts européens en affaiblissant un État désormais aligné sur la Russie.
C'est pourquoi je doute depuis longtemps de l'efficacité des efforts courageux visant à prévenir le snapback. Si l'une des parties est résolument déterminée à le déclencher à ses propres fins, il est peu probable que des concessions nucléaires suffiront.
Selon les informations disponibles, les Iraniens se sont engagés directement avec les États-Unis et ont proposé un compromis : dans un premier temps, ils récupéreraient et dilueraient leur stock d'uranium enrichi à 60 % en échange d'un report temporaire de quelques mois de l'échéance du snapback. Pendant cet intervalle, les États-Unis devraient fournir des garanties solides qu'aucune mesure de représailles militaires ne sera prise à l'encontre de l'Iran.
Une fois que l'Iran aura récupéré l'uranium enrichi, la disposition relative au snapback devrait être abolie de manière permanente, le stock d'uranium devrait être dilué à 20 % et les États-Unis devraient lever les sanctions précédemment convenues. Il s'agirait d'un accord provisoire, qui serait suivi de négociations en vue d'un règlement global et définitif. D'autres questions litigieuses - telles que l'étendue de l'enrichissement et l'intensité des inspections de l'AIEA - seront reportées à l'accord final.
Des rumeurs circulent selon lesquelles l'administration Trump rejettera l'offre, car sa stratégie est fondée sur l'augmentation des sanctions "à pression maximale", avec la conviction que l'Iran est au bord de l'effondrement et qu'il suffit de le presser davantage pour obtenir des résultats. Les E3, pour leur part, ont l'intention de doter Washington d'une autorité de rétablissement (snapback), espérant ainsi ancrer une politique US plus belliciste à l'égard de la Russie.
Puisque la défaite de la Russie est plus importante pour l'Europe que l'Iran, et puisque satisfaire d'Israël est plus important pour Washington que l'évitement d'une confrontation avec l'Iran, il semble que la substance du compromis iranien soit sans intérêt.
Cette situation fait écho à une négociation similaire en 2011, comme je l'ai décrit dans mon livre sur la diplomatie nucléaire d'Obama : la Turquie et le Brésil avaient réussi à obtenir l'acquiescement de l'Iran aux demandes des États-Unis pour prévenir les sanctions de l'ONU. Pourtant, à l'insu de Brasilia et d'Ankara, l'administration Obama avait déjà cimenté un accord avec la Russie - un accord fondé sur l'acceptation par Moscou des sanctions de l'ONU - et avait rassuré les faucons pro-israéliens du Congrès sur le fait que l'Iran finirait par être sanctionné, quoi qu'il fasse.
Ainsi, à l'heure du triomphe - après avoir obtenu un "oui" de l'Iran aux exigences étatsuniennes à l'issue de négociations marathon - Obama a gâché la fête en répudiant l'accord même qu'il avait incité Lula et Erdoğan à obtenir.
Les pourparlers avec Téhéran n'étaient qu'un mirage ; les véritables négociations se sont déroulées entre d'autres acteurs, la question nucléaire ne servant que de prétexte.
La diplomatie visant à éviter un retour en arrière donne la même impression. Le véritable conflit ne porte pas sur le programme d'enrichissement de l'Iran, mais sur la Russie, l'Ukraine et les relations transatlantiques entre les États-Unis et l'Union européenne. Le dossier nucléaire iranien semble n'être qu'un pion dans la cour des E3.
Une version de cet article a été publiée sur le site Substack de Trita Parsi.