La Belgique est-elle obligée d’exécuter le mandat d’arrêt de la CPI contre Benjamin Netanyahou ?
08 sept. 2025 à 10:53•
Que se passerait-il si le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou foulait le sol belge ? Lui qui est visé par un mandat d’arrêt pour crime de guerre et crime contre l’humanité depuis près d’un an serait-il arrêté ? Si l’on en croit le Premier ministre belge Bart De Wever, c’est un NON, si l’on en croit son prédécesseur, Alexander De Croo ou encore l’actuel ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot, c’est un OUI. Que dit la loi ?
INFO
Par Maud Wilquin
Nous sommes le 21 novembre 2024 lorsqu’à la suite d’une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, la Cour pénale internationale, la CPI, émet un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, mais aussi contre l’ancien ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, et contre le chef de la branche armée du Hamas, Mohammed Deif, aujourd’hui décédé.
Concrètement, cela veut dire que les 125 États qui ont signé et ratifié le Statut de Rome, le statut fondateur de la Cour pénale internationale, seront tenus de les arrêter s’ils se trouvent sur leur territoire. Et ce, malgré le principe d’immunité qui protège les Premiers ministres en fonction. "Tant que Benjamin Netanyahou sera Premier ministre en fonction, il bénéficiera d’une immunité en vertu du droit international", relève Frédéric Dopagne, professeur de droit international à l’UCLouvain. "Et cette immunité l’empêche d’être arrêtélorsqu’il voyage à l’étranger. Il y a un conflit entre ces deux règles." Toutefois, du point de vue de la Communauté internationale, "c’est très clair", assure le professeur, "ce qui prime, c’est le mandat d’arrêt !" Voilà pour le principe de base.
© Statista
Mais cette obligation d’arrêter un sujet visé par un mandat d’arrêt, quel que soit son statut, est-elle vraiment appliquée par chacun des États-membres ? La décision finale revient-elle à la CPI ou au gouvernement de chaque État ?
Le refus de la Hongrie
D’un point de vue politique, c’est bien à l’État que revient la décision finale. Et pour cause, "la Cour pénale internationale n’a pas de moyen de forcer de façon contraignante un État à agir comme elle le voudrait", précise Christophe Deprez, professeur de droit international à l’ULiège.
Ainsi en avril dernier, la Hongrie, alors membre de la CPI, a décidé de ne pas procéder à l’arrestation du leader israélien lors de sa venue sur le sol hongrois.
Une sanction symbolique
Or, si la décision finale revient à chaque État, refuser d’arrêter une personne placée sous mandat d’arrêt par la CPI n’est pas sans conséquence. "La Cour pénale enclenchera une procédure spéciale pour non-respect des Statuts de Rome. Mais cette procédure reste assez symbolique. Elle n’a pas de conséquence véritable contre l’État qui a refusé d’exécuter le mandat d’arrêt", souligne Frédéric Dopagne. "La Cour pénale renverra le dossier à tous les États-membres qui diront peut-être que ce n’est pas bien, mais ça s’arrête là." "La vraie sanction est plutôt réputationnelle", confirme Christophe Deprez.
La Belgique divisée sur la question ?
En Belgique, État-membre de la CPI, le Premier ministre Bart De Wever a immédiatement commenté le choix du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán. "Je pense que nous ne le ferions pas non plus. Il y a la realpolitik. Je pense qu’aucun État européen n’arrêterait Netanyahou s’il devait se trouver sur son territoire." Des propos qui vont à l’encontre des déclarations de l’ancien Premier ministre belge, Alexander De Croo ou encore de celles de l’actuel ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot, et qui sont loin de mettre l’ensemble des membres de l’actuel gouvernement d’accord. Quelques jours à peine après la polémique, la ministre de la Justice, Annelies Verlinden, rappelait d’ailleurs que "la Belgique comme partie étatique est juridiquement obligée d’exécuter les requêtes, en vue d’arrêter et de transférer une personne, qui lui sont adressées par la Cour" et que "la bonne coopération de la Belgique avec la Cour pénale internationale et d’autres tribunaux internationaux" était "unanimement reconnue". "Je ne vois pas la moindre raison pour laquelle nous devrions avoir l’ambition de changer cela à l’avenir", avait-elle déclaré.
Cette situation ne se produira pas
Michel Liégeois
Alors
la Belgique procéderait-elle ou non à une arrestation ? On l’a vu, en
principe, OUI. Mais selon le professeur de relations internationales à
l’UCLouvain et membre du Centre d’étude des crises et des conflits
internationaux, Michel Liégeois, la question ne se pose même pas. "Cette
situation ne se produira pas", assure-t-il. "Le Premier
ministre israélien ne va pas arriver sans crier gare sur le sol belge. Ce
genre de visite se prépare via des canaux diplomatiques, soit parce qu’il
s’agit d’une visite d’État, soit parce qu’il s’agit d’une visite de travail
pour assister à une réunion à Bruxelles par exemple". Or, "une
visite d’État n’a aucune chance de se produire dans les circonstances actuelles
puisque cela marque une proximité diplomatique."
Et quand bien même une rencontre serait envisagée, "la
question de son immunité et du fait qu’il ne risquera pas d’être arrêté lors de
son passage sur le territoire belge sera évidemment posée par les services du
Premier ministre israélien. Si la Belgique répond qu’elle a une
obligation d’arrestation au regard du droit international, il est évident qu’il
ne viendra pas", conclut-il.