Stglitz a raison, c'était déjà le résultat des analyses que nous avons faites en 2015 lorsque nous avons constats l' échec de nombreux engagements pris par l’assemblée des N.U. en adoptant à l'unanimité les ODM en l'an 2000.
C’est un nouveau signal d’alarme – un de plus – tiré pour mettre en garde sur le niveau des inégalités dans le monde. Un rapport commandé par la présidence sud-africaine du G20, le club des vingt pays les plus avancés, et publié mardi 4 novembre, alerte sur les conséquences – économiques, sociales, démocratiques – d’inégalités extrêmement profondes à l’échelle globale. Près de la moitié des richesses créées entre 2000 et 2024 ont été accaparées par 1 % de la population la plus riche, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en ont reçu que 1 %, selon ce rapport rédigé par un groupe d’experts chapeauté par le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz.
Les inégalités se sont réduites entre les habitants de la planète, en grande partie grâce au recul de la pauvreté de la Chine, mais elles se sont creusées dans la plupart des pays et elles « sont bien plus élevées » pour le patrimoine que pour les revenus.
Le rapport préconise la création d’une task force internationale, inspirée du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), pour analyser l’évolution des inégalités et formuler des recommandations aux gouvernements. « Le monde comprend que nous sommes confrontés à une urgence climatique, explique M. Stiglitz, il est temps que nous reconnaissions que nous sommes également confrontés à une urgence en matière d’inégalités. »
Cette menace doit être combattue « en urgence », selon les experts du comité, tant les conséquences politiques, sociales et environnementales sont dramatiques. « L’inégalité rend la vie des individus plus précaire, [et] suscite frustration et ressentiment, peut-on lire dans le rapport. Les conséquences en sont l’instabilité politique, la perte de confiance dans la démocratie, la montée des conflits et un moindre appétit pour la coopération internationale. »
Cette mise en garde résonne avec les mouvements de contestations de la « gen Z » qui ont récemment secoué le Pérou, le Népal, le Sri Lanka, Madagascar ou encore le Maroc, sur fond de défaillance des services publics d’éducation ou de santé.
Les pays les plus inégalitaires auraient des risques sept fois plus élevés de connaître un déclin démocratique. « Les grandes richesses peuvent fragiliser la démocratie, car leurs détenteurs exercent souvent une influence disproportionnée sur l’économie et la vie politique », ajoutent les experts du comité. Les inégalités brident également le développement puisque, comme l’écrivent ces derniers, « si une large part de la population n’a pas accès à une éducation, à des soins de santé ou à une alimentation adéquats, sa productivité s’en trouvera réduite – et l’ensemble de l’économie en pâtira ».
Si la mondialisation de ces trente dernières années est, selon le rapport, responsable du creusement de ce fossé, elle est loin d’en être la seule en cause. Les auteurs citent également les changements technologiques, la transition des économies (de l’industrie vers les services), la pandémie de Covid-19 (qui a entraîné les pays en développement et les plus précaires dans la spirale infernale de la dette), puis la flambée de l’inflation et, enfin, la politique protectionniste du président américain, Donald Trump. Ils attribuent la diminution de la part des salaires dans le revenu national à une mobilité accrue du capital et à l’usage des nouvelles technologies de production qui ont « réduit le pouvoir de négociation des travailleurs moins qualifiés ».
Leur rapport pointe enfin du doigt « une fiscalité devenue moins progressive » avec, dans la plupart des pays, « des taux d’imposition des entreprises et des individus les plus riches qui ont chuté de manière spectaculaire ».
La lutte contre les inégalités passe donc, selon les experts du comité, par une réforme de la fiscalité – notamment sur les successions, avec 70 000 milliards de dollars (60 000 milliards d’euros) qui devraient être transmis aux héritiers au cours des dix prochaines années – et par de nouvelles règles internationales.
Encore faut-il trouver un consensus. Un accord sur la taxation minimale à 15 % des multinationales a été trouvé en 2021, au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques, après plus de dix ans de négociations. Or Donald Trump a retiré les Etats-Unis de cet accord et les pays membres du G7 ont annoncé, en juin, qu’ils étaient prêts à exempter les multinationales américaines de cet impôt minimum mondial.