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Sequences et conséquences

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Xavier Malbreil

unread,
Apr 14, 2001, 5:10:51 PM4/14/01
to
Hier soir j'ai vu Séquences et conséquences, bonne comédie marrante de David
Mamet. C'est tout pour la critique.

A côté de moi, il y avait une femme brune, qui portait une robe noire à
multiples volants, comme on n'en voit plus beaucoup, et c'est de cette
voisine, cette femme dont j'ai presque partagé l'intimité pendant une heure
trente, dont je vais faire le compte-rendu.
Sa robe tout d'abord, que des esprits impertinents jugeraient tout de suite
"ringarde", l'isolait du reste de la salle, jeunesse bourgeoise, couples
bien mis, assistance intellectuelle uniformisée.
Sa solitude, qui manifestement n'aurait jamais attiré mon attention dans la
rue, parce qu'elle était à côté de moi, et que nos deux corps immobiles,
certainement échangeaient des signaux
Son rire enfin, qui plusieurs fois s'est manifesté au cours du film.
Heureusement pas de cette façon un peu forcée, et par là-même très vulgaire,
que les spectateurs urbains se croient obligés d'affecter, pour bien montrer
qu'aucun sous-entendu ne leur échappe.
Ses jambes, même, que des bas, et quelle femme porte encore des bas,
n'arrivaient pas à fuseler, et qui, se décroisant, et se recroisant, me
touchaient presque parfois, et me faisaient mesurer combien cela peut être
difficile pour une femme d'avoir des jambes semblables à des poteaux.

Dès lors que par toutes ces constatations, et tous ces signes, et bien
entendu aussi parce que je pouvais presque la toucher, elle n'était plus une
spectatrice semblables aux autres, dans l'uniformité d'un public très
particulier, celui de l'Utopia, à Toulouse, je n'ai eu de cesse, aussi
discrètement que possible, par balayages successifs, d'en faire le portrait.

Un visage marqué, abîmé. Par l'alcool, sans aucun doute, et par le malheur
sans aucun doute également. Mais pourquoi. Pendant tout le film, je me suis
posé cette question. Et laquelle des deux disgrâces avait-elle commencé.
Sur ses traits, qui conservaient une certaine beauté, bien qu'ils se fussent
considérablement empatés, et ne la laissaient filtrer qu'en de rares
occasions, justement quand elle riait, de bon coeur, aux facéties de Phillip
Seymour Hoffman, on ne pouvait décider si l'alcool avait, le premier, gâché
la dernière fossette, allumé des feux rougeoyants sur les joues, et emporté
la fleur de sa jeunesse, et le malheur de l'avoir perdue n'aurait fait que
sceller ce pacte immonde avec la boisson, ou si au contraire, le malheur
l'ayant saisie au tout début de sa maturité, elle aurait cherché à l'oublier
dans la boisson, qui dès lors n'aurait fait qu'ajouter un pli supplémentaire
à l'amertume de sa vie.

Quand le film a été fini, je me suis vite enfui vers la porte de sortie.

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