Tonton Pinuche avait prétendu :
> Chez le Diable, Brilliant à 28 €, DG à 27,99 * ;-)
>
> Je l'ai payée bien moins que cela (Brilliant) lors d'une promo de Noël il y a
> quelques années.
Ces débats d'épiciers ne font pas les affaires de la musique. Dans
l'esprit du grand public, le prix a un effet psychologique : plus c'est
cher, plus ça a de valeur, donc meilleur c'est. Les marques de
fringues, de godasses ou d'Iphones l'ont parfaitement compris, qui te
fourguent des produit 15 ou 20 fois fois plus cher que leur prix de
revient, et dont les boutiques ne désemplissent pas. Rappelons-nous les
propos de Jean Baudrillard : "On ne consomme jamais l’objet en soi, on
manipule toujours les objets comme signes qui vous distinguent soit en
vous affiliant à votre groupe pris comme référence idéale, soit en vous
démarquant de votre groupe par référence à un groupe de statut
supérieur." Les politiques de démocratisation de la musique classique
ne fonctionnent pas, c'est une évidence. L'argument : "la musique est
trop chère" est une couillonnade idéologique. On trouve désormais des
Cds à des prix dérisoires, et malgré ça, personne ne les achète.
Il faut donc, dans l'intérêt même de la musique classique, augmenter
considérablement le prix des Cds. Je verrais bien des galettes autour
de 100 à 150 euros pièce - pour les moins chères. Et des anthologies
autour de 1.000 à 1.500 euros, prix d'appel. Les gens économiseraient
pour se les offrir, ils étudieraient soigneusement les catalogues,
discuteraient en famille de l'opportunité de tel ou tel acquisition, de
tel ou tel choix, certains prendraient des crédits sur 60 mois pour se
payer l'intégrale Maria-Joao Pires (5 P&MV d'honneur, rappelons-le) et
ils les écouteraient consciencieusement, avec dévotion, jouissant de
chaque note, commentant chaque tempo et chaque nuance. Et ils les
feraient déguster à leurs amis, comme le vieux cognac millésimé qu'ils
ne sortent parcimonieusement que pour les grandes occasions : "J'ai
trouvé un petit Franz Schubert de derrière les fagots, mon cher, vous
m'en direz des nouvelles. Évidemment, ce n'était pas donné (et encore,
le commerçant m'a fait un prix), mais de toute façon, de la musique de
cette qualité, c'est inestimable."
Franchement, le coffret Mozart 170 Cds de Brilliant à 50 euros, ça fait
le Requiem à 0,30 centimes, Don Giovanni à moins d'un euro, ça fait
minable, bradé, on se dit qu'à ce prix-là, c'est forcément de la daube.
Redonnons à la musique son lustre, son éclat, ne manquons pas une
occasion de rappeler qu'elle s'adresse d'abord et surtout à l'élite,
aux ceusses qu'ont de la thune, comme les blousons Bidule, les jeans
Machin, les godasses Trucmuche ou les smartphones Machinchose, soyons
inventifs, innovants. Proposons des Cds en or 23 carats (c'est le
maximum. À vingt-quatre, c'est trop mou, ça se gondole) avec boîtier en
platine serti d'émeraudes, proposons des enregistrements numérotés,
sous coffret de velours, avec le nom de l'acquéreur gravé en lettres
d'or sur la galette, des soirées de prestige avec présentation de la
nouvelle intégrale des sonates de Beethoven (à acquérir absolument),
sur invitation, tenue de soirée de rigueur, champagne à volonté et
séance d'autographes.
Quant aux disques de variétoche, à la purée commerciale, au
rap,rock,techno,fusion,metal et autres saloperies amerloques
(pléonasme), que leurs prix soient le plus bas possible, et même qu'on
les refile en prime pour l'achat d'une pompe à vélo ou d'un litre de
liquide débouche-chiottes (de toute façon, ça ne vaut pas plus). Ainsi,
dans l'esprit du consommateur moyen (pléonasme derechef) s'établira une
hiérarchie entre la bonne musique, forcément très chère, et la
mauvaise, forcément bradée.
Mais bon, comme d'habitude, je suis sûr que ces propositions de bon
sens ne rencontreront aucun écho et risquent même de choquer une
populace largement abêtie par le football et le Tour de France, et
profondément crétinisée par un idéal d'égalité qu'elle est par ailleurs
la première à remettre en question dès que ses petits intérêts sont en
jeu.
--
Paul & Mick Victor
élitiste