La Faillite Haïtienne : Une Analyse Acerbe, Documentée et Sans Concessions*
Introduction : L’impasse haïtienne n’est pas un mystère — elle est un système
Depuis plus de deux siècles, Haïti offre au monde un cas d’étude unique :
Une société convaincue que son déclin est causé entièrement de l’extérieur, alors qu’elle produit elle-même, jour après jour, les conditions de son effondrement.
Les discours publics, les réseaux sociaux, les élites politiques, et même certains intellectuels participent à un même mécanisme :
Mythification du passé,
victimisation perpétuelle,
Refus de la responsabilité historique,
Incapacité à produire des structures fonctionnelles,
Compensation narcissique par l’exceptionnalisme rhétorique.
Ce texte examine ce mécanisme avec l’exactitude froide que nécessite toute analyse sérieuse.
I. L’illusion d’une grandeur imaginaire : une pathologie collective
La première erreur structurelle consiste à croire que le prestige révolutionnaire de 1804 confère une immunité historique, morale, ou politique.
*C’est faux.*
Aucune société moderne ne se maintient grâce à un événement fondateur fossilisé.
Les États-Unis n’existent pas grâce à 1776, mais grâce à une architecture politique évolutive.
La France n’existe pas grâce à 1789, mais grâce à un État bureaucratique cohérent.
La Chine n’existe pas grâce à Sun Yati-sen, mais grâce à une stratégie institutionnelle sur un siècle.
Haïti, au contraire, substitue le mythe à l’institution.
Elle transforme la mémoire héroïque en analgésique identitaire, empêchant la critique, la réforme et l’auto-confrontation.
Ce décalage crée une dissonance profonde :
Une population qui se perçoit comme exceptionnelle alors que ses institutions sont parmi les plus dysfonctionnelles du monde.
II. La dérive politique : neuf présidents, zéro gouvernement;
La scène politique haïtienne actuelle résume 221 ans d’anomie :
Neuf prétendants au pouvoir exécutif pour un pays incapable d’en gouverner un seul.
C’est plus qu’un symptôme.
C’est un diagnostic.
Cette prolifération de “présidents” n’obéit pas à une logique démocratique, mais à une logique de clan, de prédation et de fragmentation. Elle montre :
L’absence totale de légitimité interne ;
La décomposition avancée du système étatique ;
La transformation de la charge présidentielle en butin, non en fonction ;
L’inexistence d’un imaginaire commun ;
Une incapacité structurelle à organiser le pouvoir.
Dans la littérature comparative, un tel cas n’apparaît que dans les États effondrés (Somalie, Yémen).
Haïti y figure désormais pleinement.
III. Le rapport toxique au passé : entre héroïsme et aveuglement
L’évocation de Dessalines utilisant la peau, le sang et le crâne du colonisateur n’est pas une légende anodine. C’est un indice culturel de la violence sacrée, telle que l’analyse René Girard :
_un acte de fondation dans le sang qui crée un imaginaire politique obsédé par l’ennemi, incapable de construire l’institution._
Que s’est-il passé quelques mois plus tard ?
Le massacre systématique des Français restants.
Un acte historiquement compréhensible, mais politiquement catastrophique :
Il ferme la porte au monde moderne, érige la violence en clef symbolique de l’État, et inscrit la défiance comme principe fondateur.
Pendant ce temps, Mandela négocie, construit, intègre, et produit un État moderne.
Personne n’a puni Mandela.
Parce que Mandela construit un pays ;
Haïti détruit le sien.
IV. La grande falsification : le monde “qui nous trahit”
L’idée qu’Haïti aurait été “puni” pour avoir aboli l’esclavage est un mythe que tout historien sérieux démonte aisément.
Ce discours sert à :
Éviter l’examen des échecs internes,
Masquer l’incompétence politique chronique,
Consolider une identité victimaire,
Remplacer l’analyse par l’émotion.
Aucune nation ne punit un État fonctionnel.
Mais toutes les nations se protègent d’un État chaotique.
C’est une règle constante du système international.
Haïti confond répulsion géopolitique et punition morale, erreur qui révèle une immaturité politique profonde.
V. La faillite intellectuelle : dire au peuple ce qu’il veut entendre
Vous évoquez De Ronceraie.
Sa trajectoire est un cas d’école : un homme brillant, avalé par le piège haïtien —
La nécessité politique de flatter le mythe plutôt que d’affronter le réel.
Les intellectuels haïtiens, depuis le XIXᵉ siècle, se divisent en deux catégories :
1. Ceux qui caressent le mythe national pour être acceptés.
2. Ceux qui disent la vérité, et sont immédiatement rejetés.
*Résultat* :
Une élite qui n’ose plus nommer les pathologies culturelles et institutionnelles du pays.
Une population qui exige réconfort plutôt que réforme.
Un système qui se nourrit du mensonge comme carburant identitaire.
VI. La vérité nue : Haïti ne manque pas de héros, mais de maturité institutionnelle
Ce que le monde observe n’est pas une tragédie mystérieuse, encore moins une injustice divine.
C’est un effondrement rationnel, explicable, cumulatif :
Absence de discipline civique,
Fragmentation extrême des élites,
Incapacité à produire un récit national moderne,
Déni permanent des responsabilités historiques internes,
Glorification toxique du passé,
Haine du réel,
Refus des contraintes institutionnelles.
Dans la comparaison des nations, Haïti ne souffre ni de malédiction, ni d’infériorité, ni de complot mondial.
Elle souffre d’un problème plus simple, plus banal, plus humiliant :
Un refus systématique de devenir adulte dans l’histoire.
**Conclusion* :
Sans vérité, aucune refondation n’est possible
La vérité que les élites politiques refusent d’affronter est simple :
> Haïti n’est pas détruit par les autres.
Haïti est détruit par Haïti.
La refondation ne viendra pas de mythes, de drapeaux, de cris, de chants, ni de commémorations.
Elle viendra d’un choc frontal avec le réel —
Un réel que les mauvaises élites, les “vauriens à cravate”, ont passé deux siècles à maquiller.
La “tabula rasa” que vous évoquez n’est possible qu’après cela :
Un acte de lucidité nationale.
Et cet acte commence précisément par les mots que vous osez employer.
Carl-Henri Yedidiah Gomez
28 Novembre 2025
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