La «
vérité » peut-elle faire l’objet d’un droit ? La question aurait de quoi
laisser le lecteur perplexe. Pourtant, en l’espace d’une décennie,
l’idée d’un « droit à la vérité » dû aux victimes d’atrocités est
parvenue à s’imposer de manière globale : elle occupe aujourd’hui une
place centrale dans le paysage des institutions de protection des droits
de l’homme et dans les politiques internationales de pacification de
sociétés en conflit.
Comment ce concept a-t-il pu être consacré
aussi rapidement, alors qu’il ne figurait dans aucun catalogue de droits
fondamentaux ? S’agit-il d’un nouveau droit justiciable ou d’un simple
recyclage sémantique d’autres droits existants ? Le « droit à la vérité »
annonce-t-il une révolution juridique, ou se résume-t-il à une façade
rhétorique, voire un fétichisme juridique ?
Cet ouvrage inédit
reconstitue la généalogie du « droit à la vérité » en droit
international, des luttes sociales concrètes pour sa reconnaissance à
ses développements contemporains, afin d’en déterminer les enjeux
socio-politiques et juridiques. À ce titre, il présente une cartographie
complète des mobilisations du « droit à la vérité » et de leurs effets
en droit international. D’une part, l’étude examine dans quelle mesure
le « droit à la vérité » est reconnu en droit international et quels
sont ses contours normatifs et ses bénéficiaires. D’autre part, elle
sonde le rôle des entrepreneurs du « droit à la vérité » dans la
construction d’un nouveau droit, afin de comprendre les conditions
empiriques de sa diffusion internationale et les enjeux qui la
sous-tendent.
En particulier, la thèse montre comment les
mobilisations du « droit à la vérité » tentent d’orienter dans un sens
particulier certains débats qui demeurent ouverts en droit international
et qui sont liés à des enjeux de justice contemporains : les victimes
d’atrocités ont-elles un droit à la punition des responsables ? Les
amnisties sont-elles licites en droit international ? Peut-on
restreindre le secret d’État et contraindre les autorités à communiquer
des informations aux victimes de violations des droits de l’homme et à
leurs proches ?
En définitive, l’ouvrage révèle l’ambivalence du «
droit à la vérité », qui agit tantôt comme ressource, et tantôt comme
contrainte pour ses promoteurs, en raison de la diversité de ses
représentations et de ses réappropriations successives au fil du temps.