Je voudrais montrer que la reconnaissance de la coutume dans un système juridique ne témoigne pas de l'hybridité de ce système mais de sa capacité à intégrer une diversité de sources dans un langage unique. S'il fallait utiliser une métaphore musicale, je dirais que le morceau intitulé Islamey, de Mili Balakirev, n'est pas le produit hybride des musiques islamique et russe, mais la compréhension musicale russe d'un certain folklore asiatique.
Pour documenter cette affirmation, je vais présenter le cas d'une coutume locale, au Maroc, qui s'est récemment transformée en une disposition du Code de la famille. A travers cet exemple, je vais tenter de montrer trois choses : premièrement, il faut une autorité pour rendre les coutumes contraignantes ; deuxièmement, il faut un processus de positivisation pour transformer une coutume en droit coutumier ; et troisièmement, le concept de droit n'est pas universel et il ne se traduit pas en un paysage pluraliste.
La démonstration procédera en cinq étapes: (1) la clarification de la confusion conceptuelle entourant les termes associés à la notion de coutume ; (2) l'exploration de la littérature de théorie générale du droit traitant de la distinction entre coutume, droit coutumier et sources coutumières du droit ; (3) le passage en revue des études traitant de la question du 'urf dans l'histoire musulmane, dans le fiqh classique aussi bien qu'en dehors de lui ; (4) l'étude du cas marocain spécifique du al-kadd wal-si'aya, qui offre un exemple frappant de transformation d'une coutume locale en règle de droit positif ; (5) l'élucidation de la confusion relative à la notion d'hybridité, en sorte de souligner le caractère historiquement contingent du droit et d'être plus efficace d'un point de vue analytique