Le Monde : Pékin avertit les intellectuels chinois : " Soyez positifs !"

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Guy NICOLAS

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Nov 20, 2014, 8:12:30 AM11/20/14
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Bonjour !

Parce que justement depuis des semaines de je travaille avec une jeune doctorante chinoise à la correction de ses travaux de thèse et qui portent sur les débats intellectuels du début du XXème à partir de la pensée occidentale et l’implantation du communisme en Chine…

A plus - Guy

Le Monde daté du 21 novembre 2014

 

Pékin avertit les intellectuels chinois : " Soyez positifs !"


Les universitaires sont accusés de " noircir " la réalité chinoise et de manquer de patriotisme 

En lançant des appels à adopter une pensée " positive " jusque dans les amphithéâtres des universités, le pouvoir chinois a relevé d'un cran son degré d'hostilité à l'égard des esprits critiques – non sans profondément inquiéter, et indigner, le monde intellectuel, à l'heure où les arrestations pour délit d'opinion se multiplient.

La dernière initiative en date est venue du Quotidien du Liaoning, de la province du Nord-Est chinois. Ce média officiel, qui dépend du comité provincial du parti, a envoyé ses reporters dans une vingtaine de grandes universités. Son enquête, publiée le 13  novembre, sous forme d'une " Lettre ouverte aux professeurs de philosophie et de science sociale ", y avance que " 80  % des étudiants ont rencontré des professeurs qui exprimaient ouvertement leurs complaintes - au sujet de la Chine - ", et que " cette manière de noircir notre pays et la société mettait les étudiants mal à l'aise ". " Ces professeurs, poursuit l'article, se plaisent à partager les impressions superficielles qu'ils ont tirées de séjours d'études à l'étranger. Ils font l'éloge de la séparation des pouvoirs occidentale et sont persuadés que la Chine doit emprunter la voie occidentale. "

Le reste se lit comme un petit manuel de ce que ne doit pas faire le professeur patriote, c'est-à-dire loyal au parti, dans la Chine du président Xi Jinping : " Ils questionnent ouvertement les décisions politiques majeures du comité central du Parti communiste chinois (PCC), et les critiquent même directement ! " Ils " déconstruisent l'histoire " et " rejettent les innovations théoriques du parti communiste ", enfin, " considèrent les problèmes que nous rencontrons dans notre développement comme des déficiences de notre ADN politique ".

" Rhétorique occidentale "

Un professeur, d'ailleurs, a été pris en flagrant délit. Il faut dire qu'il enseigne le droit constitutionnel au sein même de l'Université populaire de la sécurité publique (la police) : Wang Shoutian, rapporte le 18  novembre le quotidien Global Times, porte-parole belliqueux du PCC, a été " récemment convoqué par la police ", et " suspendu ", pour avoir soutenu, dans un article sur le succès de la révolution tunisienne, que " la mise en œuvre d'une Constitution ne devrait pas être le fait d'un seul grand parti, mais prendre en compte les demandes de tous les partis politiques ". Un point de vue qui " ne correspond manifestement pas avec la réalité chinoise ", a jugé un confrère interrogé par le journal.

" Xi Jinping semble lancer une véritable attaque frontale contre la négativité ", note China Media Project, l'observatoire des médias chinois au sein de l'université de Hongkong, qui rappelle que le concept " d'énergie positive " (" zheng nengliang "), promu depuis quelque temps par le parti, est appelé à un avenir radieux depuis que le numéro un chinois l'a validé, lors du fameux discours prononcé le 15  octobre dernier devant un aréopage de personnalités de la culture choisies pour leur loyauté. M.  Xi s'est alors adressé à un jeune blogueur de 33  ans, Zhou Xiaoping, qui ne cesse de dénoncer les Etats-Unis, en l'incitant à " continuer - d'où il est -  à apporter de l'énergie positive sur Internet ".

China Media Project signale que les médias officiels ont largement fait écho aux positions faussement candides du Quotidien du Liaoning. Ainsi du quotidien Clarté, l'organe du Comité central, qui, dans son édition du 15  novembre, s'attaque aux " citoyens intellectuels ", un groupe qui " grossit de manière infinie " les " aspects noirs de la société ", puis se " permet des remarques irresponsables " pleines de " rhétorique occidentale ". Un seul média chinois, Caixin, connu justement pour ses positions critiques, donne un autre son de cloche en citant le professeur de journalisme Zhang Jian, de l'Université des langues étrangères de Pékin, pour qui il est nécessaire de laisser s'exprimer les opinions divergentes dans l'esprit d'un " libre marché des idées ". Mais l'article daté du 15  novembre, où Zhang Jian cite le poète anglais John Milton, a vite été censuré.

Plusieurs professeurs d'université ont réagi sur le réseau social Weibo, dénonçant l'imposture que constitue ce " meilleur des mondes " orchestré par la propagande dans un régime qui ne cesse de manipuler l'histoire, la presse et ses propres lois : le professeur de droit constitutionnel He Weifang en a ainsi appelé à " respecter la transaction autonome " que constitue l'échange dans une salle de classe, entre les professeurs, maîtres de ce qu'ils enseignent, et leurs étudiants, qui sont, signale-t-il, des adultes. Et renvoie à leur responsabilité des éditeurs dont les journaux sont " incapables de se vendre ". Le professeur Dai Jianye, de l'université de Huazhong à Wuhan, relève lui que le problème dans le milieu académique est bien moins la propension à la critique que " l'apathie " d'enseignants qui ne pensent qu'à leurs petits soucis matériels.

" Chaque nouvelle génération de dirigeants invente de nouvelles expressions, c'est assez ridicule ", déclare au Monde la dissidente Dai Qing, jointe par téléphone, au sujet du concept " d'énergie positive ". Pour elle, l'extrême réactivité du régime aux critiques est le signe d'un " grand manque de confiance ", en partie dû à la situation à Hongkong, tant " ils craignent que quelques étincelles convergent et mettent le feu à la prairie " : " C'est simplement qu'ils devraient se poser la question de savoir pourquoi ils sont aussi inflammables, car si cela était réglé, ce n'est pas de simples critiques qui risqueraient de déclencher un incendie massif… "

Brice Pedroletti

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