Le 08/03/2018 à 08:53, MELMOTH a écrit :
> Ce cher mammifère du nom de GhostRaider nous susurrait, le jeudi
> 08/03/2018, dans nos oreilles grandes ouvertes mais un peu sales quand
> même, et dans le message <p7qm4j$sl6$
1...@dont-email.me>, les doux mélismes
> suivants :
>
>> je n'allais pas ramener ma science.
>
> *MMMOOOUUUAAARRRFFF* !!!...©
MELMOTH, le 22/2/2018 :
CITATION :
Bon...
Ceux qui Me lisent ici connaissent mon *amour absolu* pour un chef que
Je considère comme un des 5 ou 10 plus grands de la direction
d'orchestre...J'ai nommé Hermann SCHERCHEN...
Je M'en va donc vous raconter (en plusieurs épisodes) la vie incroyable
de ce fabuleux bonhomme !...
Ma source : le petit bouquin de plus de 100 pages
français/anglais...Avec une remarquable iconographie) inclu dans un
extraordinaire coffret Tahra (5 CDs - TAH 185-189), contenant des
oeuvres de Bach, Beethoven, Schönberg, Krenek, Berlioz Prokofiev, et
Kalinnikov...
NB : Ce chef est probablement, parmi tous les chefs du XXème siècle,
celui qui a joué et enregistré le plus vaste répertoire, et fut en
particulier, comme vous pourrez le voir, un ardent défenseur des
compositeurs de son époque, fait assez rare pour le souligner...
Commençons donc !
I - LE PREMIÈRE VIE : 1891-1950
Carl Hans Hermann Scherchen est né à Berlin, d'une famille très modeste,
le 21 juin 1891, au 8 de la Göbenstrasse où ses parents tenaient un
débit de boisson. Le père Carl Hermann Julius (1857-1912) avait épousé
le 12 mai 1885 Jihana Berka Burke (1862-1950), et de ce mariage était né
un autre fils, Alfred (1886-1951).
Les grands-parents, Cral Gotlob (1830-1896), coordonnier de son état, et
sa femme Johanna Ranze (1830-1866) étaient originaires de Striegau en
Silésie, tout comme l'arrière-grand père, le charpentier Christian
Scherchen (1756-1833) qui avait épousé Anna Rosina Langner (1797-1847).
À l'âge de sept ans, l'enfant découvre le violon et en joue dans le
bistrot de ses parents, où les clients viennent l'écouter. Autodidacte
complet, Scherchen ne fera jamais partied'un quelconque conservatoire
mais, grâce à ses excercices d'écoute intérieure et à la fréquentation
des concerts, il se forge un impressionnant répertoire, allant de Bach
aux compositeurs les plus contemporains (Reger, Debussy, Mahler etc...).
En 1903, les concerts du virtuose Franz von Vecsey, à la prodigieuse
technique, lui font prendre conscience de ses limites de violoniste et,
dans une dissertaion scolaire, à la question «Que voulez-vous faire ?»,
il répond : «À vingt ans, je dirigerai l'orchestre philharmonique et
serai chef d'orchestre à Berlin» (!).
En 1907, il devient altiste de l'orchestre Blüthner et de la
Philharmonie de Berlin, où il joue sous la direction de Arthur Nikisch,
Oskar Fried, Felix Motl, Felix Weingartner, Richard Strauss e tc...Il
joue également dans les cafés, au Krolloper, au Deutsches Theater de Max
reinhardt, au Lunapark de Berlin. En octobre 1910, il assiste au concert
où Fried dirige Pelléas et Mélisande de Scoenberg et, en janvier 1911,
la 7ème de Mahler. L'exécution de Pelléas luis procure des sensations
nouvelles, inconnues jusqu'alors et, dans la symphonie de Mahler, il
perçoit pour la première fois une nouvelle signification de l'Art
préfigurant l'Expressionnisme, qui se révèlera à lui dans toutr son
acuité avec l'oeuvre de Schœnberg.
1912 est une année cruciale dans la vie de Scherchen : c'est celle de la
création du Pierrot Lunaire, de Schœnberg qui en donne la première
exécution le 16 octobre. L'oeuvre est ensuite jouée lors d'une tournée
allemande que se partagent le compositeur et Scherchen, qui fait ainsi
ses débuts officiels de chef d'orchestre à l'Hôtel Bayerischer Hof de
Munich, le 5 novembre 1917. Il rejoue l'oeuvre à Berlin, le 1er décembre.
[Suite au prochain numéro !]
L'année suivante, il donne la première exécution privée de la
Kammersinfonie de Schœnberg (7 mai 1913) : grâce à ce concert,il devient
l'ami de Carl Flesch et Arthur Schnabel et, grâce à eux, fait la
connaissance du banquier juif Franz von Mendelssohn qui, avec 3000
marks, finance son permier concert avec un grand orchestre.
Ainsi, le 4 février 1914, il dirige l'orchestre Blüthner dans un
programme comportant la 5ème de Mahler et la symphonie de Schœnberg. Le
mois suivant (18 mars), il donne son second concert (103ème de Haydn,
les Petits Riens de Mozart et la 9ème de Bruckner. Au printemps, il est
invité, comme second chef auprès de Paul Scheinpflug, à diriger
l'orchestre symphonique de Riga, dans la cité balnéaire russe de
Dubbeln. Durant plus de deux mois, il dirige quatre fois par semaine,
tout un répertoire en grande partie russe (Dargomyzsky, Glinka,
Mussorgsky, Cui, Liadov, Rimski etc...Le dernier concert a lieu le 11
août et est interrompu par l'arrivée de soldats portant drapeaux et
fusils. Le lendemain, l'annonce est faite que l'Allemagne a déclaré la
guerre à la Russie. Les musiciens allemands et autrichiens de
l'orchestre n'ont qu'une seule issue : fuir le plus loin possible, à
l'intérieur du pays, avec tous les risques que cela représente.
Scherchen est devenu un prisonnier civil de guerre et, à ce titre,
restera en Russie jusqu'en avril 1918.
Devant cette captivité forcée, il ne reste pas inactif mais apprend le
vocabulaire et la grammaire russes, parvenant à lire la littérature
russe dans sa langue originelle, avant tou Dostoïevsky. Il devient
également réparateur d'horloges, compose un quatuor et des lieder, mais
fait aussi l'expérience de la faim et du froid, de l'insomnie et des
privations en tout genre. Un jour, on lui donne l'ordre de rejoindre la
ville de Wjatka, où il arrive à l'hiver 1916. On voulait en effet créer
un orchestre avec un vrai chef à sa tête et le nom de Scherchen avait
été prononcé. L'année suivante, il devient professeur dans une école de
fortune, enseignant l'allemand, l'histoire des religions et de la
musique. Les classes comprenaient aussi bien des enfants de 4 ans que
des adultes analphabètes de 23 ans !
1917 est avant tout l'année de la révolution russe. Le 6 mars,
Saint-Petersburg est tombée, le Tsar a fui, c'est la libération de tout
ce qui était insupportable. La révolution bolchévique se produisit en
octobre, la première n'ayant détruit que l'insoutenable prédominance
d'une caste. Les événements d'octobre changent tout car, pour la
première fois, la possibilité d'un retour des prisonniers allemands dans
leur pays est possible. Au cours de l'exode, Scherchen fait la
connaissance à Moscou de l'éditeur de la revue russe Melos, Piotr
Souvtchinsi et de l'électro-acousticien Auraamov. Dans ses mémoires, il
résuma ainsi cette très longue période de 44 mois passés en Russie :
«Melos et l'acoustique sont les deux derniers cadeaux que je reçus
pendant ma captivité et qui s'ajoutent à mon quatuor à cordes, à mes
expérience de pédagogue et à ma pratique de la direction d'orchestre»
[Suite quand J'en aurai le courage, Mes bons...]
Rempli de nouveaux horizons, Scherchen retrouve l'Allemagne et Berlin en
avril 1918. Il crée le Quatuor Scherchen avec lequel il donne la
première écoute de son quatuor pour cordes composé en Russie (3
décembre). Il prend la direction des choeurs ouvriers berlinois (Choeur
Schubert et Choeur mixte du Grand Berlin), dirige pour la première fois
la Philharmonie de Berlin (12 septembre). L'année suivante, il fonde la
Société pour la nouvelle musique (Neue Musikgesellschaft)qui donne six
concerts annuels dans la salle de la Philharmonie et poursuit ses
concerts avec les Berliner Philharmoniker (3ème de Mahler le 23
novembre). En 1920, il est engagé à l'École Supérieure d'État pour ma
Musique, afin de donner des cours sur les problèmes de la Nouvelle
Musique, cours auxquels participent Schrecker, Haba, Horenstein, Krenek
etc. Le 1er février paraît le premier numéro de la revue MELOS. En
septembre, il effectue une tournée en Silésie avec le Choeur Schubert et
le 10 octobre, dirige pour la première fois à Leipzig, l'Orchestre
Grotrian-Steinweg et fait la connaissance personnelle de Nikisch. Le 17
juin 1921, il épouse Auguste Maria Jansen qui lui donnera un fils, Wulf.
1922 est une année importante dans son développement artistique et
l'avancement de sa carrière : le 17 mars, lors d'un concert avec la
Phikharmonie de Berlin, il durige la création de la première symphonie
de Krenek ; à partir d'octobre, il prend la succession de Furtwängler à
la tête des concerts de la Museumgesellschaft de Frankfurt mais surtout,
devient le chef invité permanent du Musikolllegium de Winterthur avec
lequel il restera lié jusqu'en 1950 (premier concert le 25 octobre).
Parallèlement, il poursuit ses concerts à Leipzig.
En 1924 (13 septembre), il donne son premier concert radiophonique à
l'émetteur de Frankfurt, qui lui fait immédiatement prendre conscience
des problèmes liés à l'acoustique. Cette découverte est à l'origine de
la recherche qu'il poursuivra jusqu'à la fin de sa vie (c'est-à dire
dans son studio de Gravesano èds 1954) : «l'existence acoustique de la
musique». (Scherchen fut un incontestablement pionnier de la musique à
la radio, comme le prouve une récente thèse d'une jeune musicologue
allemande, M.Kreikle).
En 1927, il se rend quatre fois en Roumanie où il dirige un cycle
complet des symphonies de Beethoven. 1928 marque une nouvelle étape dans
sa carrière : il est invité par la ville de Königsberg comme Directeur
de la Musique. En effet, la radio du Reich voulait créer avec lui un
orchestre symphonique et le baser à Königsberg, comme représentatif de
l'Ostmark. Cette proposition séduisit Scherchen qui put ainsi créer un
orchestre à partir de rien. (Il le dirigera jusqu'en octobre 1931). À
partir de 1928, l'activité radiophonique de Scherchen ne cessera de se
développer, dirigeant ainsi de nombreux opéras à l'émetteur de Berlin,
où il pur réaliser des expériences de spacialisation et de mises en
ondes sonores. Cette même année marque un autre événement important de
sa vie : il dirige pour la première fois l'Art de la Fugue de Bach qui
avait été "recréé" l'année précédente à Leipzig par le cantor Karl
Straube. Cette oeuvre ne cessera jamais d'accompagner Scherchen, qui la
jouera durant 38 années, allant même jusqu'à en écrire sa propre
instrumentation qu'il créera à Lugano l'année précédant sa mort.
Le 24 octobre 1929, il dirige pour la première fois le célèbre orchestre
du Gewandhaus de Leipzig, puis part en tournée avec l'orchestre de
Radio-Königsberg et donne ses premiers concerts avec l'orchestre
symphonique de Paris (décembre NB : créé par Mon Maître Pierrot Monteux
!). Cette même année paraît à Leipzig, aux éditions Weber, son premier
et célèbre ouvrage, le Manuel de la direction d'orchestre, qui fut
traduit en de très nombreuses langues et qui fait toujours autorité. En
juin 1930, il donne son premier cours de direction d'orchestre à
Königsberg, activité qu'il poursuivra dans de nombreuses autres villes
(Paris, Vienne, Bruxelles, Budapest etc.), et, à partir de 1954, dans
son propre studio de Gravesano, sous forme de Congrès qui sont resté
célèbres.
En 1932, il donne des concerts à Moscou et Léningrad, dirige un concert
du Deutscher Arbeiter Sängerbund à Braunschweig dont le morceau final
consista en une grandiose orchestration de l'Internationale. De
septembre à novembre, il travaille à Vienne à la formation d'un
orchestre de jeunes, le Studio Orchester. Après un dernier concert à
Berlin à la mi-décembre (opéra Jürg Jenatsch de Kaminski), il quitte
l'Allemagne car, avec la montée du nazisme, sa vision de la vie ne lui
aurait pas permis d'exister. Il passe une grande partie de 1933 à
Strasburg, sur l'invitation de Fritz Munch, en particulier en août où il
organise une grande manifestation qu'il baptise "15 ans de musique", et
en octobre-novembre, où il dirige Tristan et Othello à l'Opéra. En
janvier-février 1935, il dirige Lohengrin et Don Giovanni à Trieste et
en juin fait la connaissance à Bruxelles d'une jeune chinoise de 30 ans,
Xiao Shusien. Il en tombe amoureux et part en Chine au début de 1936
pour l'épouser. Chronologiquement, elle sera la quatrième femme de
Scherchen, après Paula Schramm (Pauline Retting, la mère du chef
d'orchestre Karl Ristenpart), Gustel Jansen, et l'actrice de théâtre
Gerda Müller (1884-1951). D'autres femmes ont plus ou moins partagé sa
vie : l'actrice Carola Neher (1900-1942), morte du typhus dans un camp
de concentration russe situé près du Kazakstan, une harpiste suisse, etc...
De retour en Europe, il par pour Barcelone où, le 19 avril, il crée le
Concerto pour violon de Berg, avec Louis Krasner en soliste. En 1937, on
le retrouve à Bucarest mais aussi à Budapest (cours de direction
d'orchestre) et surtout à Vienne où il crée, gr^^ace à des fonds privés
et au soutien de Alma Mahler-Werfel, le fameux orchestre Musica Viva,
dans le but de donner en concert toutes les oeuvres de Mahler. À la fin
de l'année l'orchestre effectue une tournée en Italie, mais le 10 mars
1938, la belle aventure prend brutalement fin en raison des événements
politiques (Anschluss). Cet ensemble, que l'on a baptisé le Musica
Telaviva, était composé en majorité de musiciens juifs qui avaient fui
l'Allemagne fasciste.
En 1939, il est invité en Palestine pour diriger l'orchestre dont
Toscanini venait de donner les premiers concerts. Il y restera de mai à
juillet, alternant concerts et conférences qui connurent un incroyable
succès. Il passe la période de la guerre (1940-45) en Suisse, continuant
ses concerts à Winterthur et fréquentant assidûment les bibliothèques
dans le double but d'exhumer des partitions oubliées et de rechercher
des tectes anciens pour écrire ses livres (Vom Wesesn der Musik, Muzik
für Jedermann). Il ne quittera la Suisse qu'à deux reprises : en janvier
et juiller 1940 pour des concerts et conférences en Grèce. Chahque été,
de 1941 à 1944, il donne des concerts à Gstaad et enregistre pour His
master's Voice suisse ses premiers 78 tours (46 faces gravées en
1941/42, que nous rééditerons probablement).
[Suite quand J'aurai le moment]...
À partir de 1945, il est chargé de la Direction musicale du
Studio-Orchester de Beromüster - c'est à dire la BBC de Zürich - où il a
comme assistant le suisse Rolf Liebermann. Dès 1946, il reprend le
chemin des tournées et des concerts à l'étranger : Amsterdam (février),
Venise (juillet). En 1947, il est appelé à Ankara pour réorganiser toute
la vie musicale turque (festival Beethoven en mai). En juin, il part
pour pa première fois en Amérique du Sud (Chili)et, au retour, fait sa
première apparition au festival de Darmstadt, consacré à la musique
contemporaine (création de Furioso de Liebermann).
En 1948, nouveaux concerts au Chili, ainsi qu'en Uruguay et en
Argentine. Durant l'été, il donne un cours de direstion d'orchestre à
Venise. Le 13 novembre, le maire de Leipzig lui adresse le télégramme
suivant : «/Vous appelons à la direction du Gewadhaus. Autorités de Saxe
et Radio pr^tes à vous accorder le Conservatoire et la direction
artistique des concerts symphoniques de Radio-Leipzig/». Les autorités
allemandes lui avaient également proposé la direction de la Philharmonie
de Berlin et du Staatsoper. Pour diverses raisons, avanttout
personnelles, Scherchen renoncera à tous ces postes.
En 1949, il dirige à nouveau en Allemagne (Bonn, Munich, Berlin Drede,
Leipzig), et retourne en Uruguay (juillet). Le 5 octobre, il crée à
Winterthur la première symphonie de Liebermann.
L'année 1950 est celle de toutes les catastrophes : il donne son dernier
concert à Winterthur, sa mère meurt le 12 mai à l'âge de 88 ans, sa
femme chinoise retourne à Pékin avec leurs trois enfants et surtout,
après une conférence à Prague avec la Philharmonie tchèque (4 juin), il
tient une conférence en Suisse où il vante les mérites de la culture des
pays de l'est. Une incroyable campagne hystérique se développe dans la
presse suisse, véritable modèle de délit d'opinion et il est obligé de
renoncer à tous ses postes. C'est la période la plus noire de sa viie,
qui le mènera au bord du suicide. C'est aussi la période où Rolf
Liebermann lui fait connaître une jeune mathématicienne suisse d'origine
roumaine, Pia Andronescu.
FIN DE LA PREMIÈRE VIE de cet homme extraordinaire...
Suite quand J'uarai le temps...
(supersedes <
mn.8ae17da5b...@free.fr>)
II - LA DEUXIÈME VIE d'HERMANN SCHERCHEN (1950 - 1966)
«/Que puis-te dire de maeilleur que cette vérité : c'est avec toi, grâce
à toi qu'a commencé ma véritable seconde vie ? Ma douce Pia, le 1er mai
il y a dix ans, tu es entrée dans ma vie, alors que je crus devoir
suivre à ma mère/».
Scherchen écrivit ceci, les 12 juin 1958 et 3 février 1960 à celle qui
devint sa cinquième et dernière épouse, et qui lui donna cinq enfants.
Elle était sa cadette de trente ans et mathématicienne, et cet élément
fut très important pour lui, car il a toujours priis en compte
l'importance des mathématiques dans leur relation avec la musique. À ses
côtés, une nouvelle vie prend forme : après la catastrophe des mois
précédents, le bonheur lui sourit à nouveau. En juillet, ils partent
ensemble pour Rome où Scherchen doit donner cinq concerts. Puis c'est à
nouveau Darmstadt et en septembre, il dirige la Passion selon Saint-Jean
à l'Aquila (le 3) et Israël en Égypte à Pérouse (le 23). À la
mi-octobre, il enregistre ses premiers disques pour la firme américaine
Westminster (Symphonies londoniennes et Messe en Si) et en novembre, il
est à Londres pour trois concerts radiophoniques avec le Philharmonia
Orchestra.
En 1951, après deux mois au Brésil, il crée à Berlin-Est le Lukullus de
Brecht-Dessau. Le 5 juin, il dirige à Prague la Philharmonie tchèque
puis, en juillet-août, crée à Darmstadt la Dance autour du veau d'or,
extraite du Moïse et Aaron de Schœnberg. Après un mois au Mexique,
l'année s'achève par des concerts à Rome (intégrale de l'Oratorio de
Noël, le 21 décembre). Parallèlement, il développe une importante
activitéau San Carlo de Naples et en juin 1953, organise un séminaire à
Bayreuth. En décembre, il achète une immense propriété à Gravesano, dans
le Tessin suisse où il bâtit son studio de recherche électro-acoustique
qui deviendra célèbre et deviendra le point de convergence de nombreux
scientifiques, musiciens et artistes. Le premier congrès se tient du 9
au 14 août 1954, sue le thème Musique et électro-acoustique. Il épous à
Londres Pia Andronescu (17 septembre) et le 2 décembre il dirige à Paris
la création de Déserts, de Varèse, qui donne lieu à un mémorable
scandale. En juillet 1955 paraît le premier numéro de Gravesaner Blätter
(à la mort de Scherchen, 29 numéros auront été publiés) et a lieu le
second congrès («Qu'est-ce que la musique légère ?»). Après avoir vendu
à Schott Söhne son édition Ars Viva Verlag, il effectue en
octobre-novembre une très longue tournée en Scandinavie.
Scherchen poursuit sa carrière de chef invité et son activité
discographique (il enregistrera cent disques pour Westminster). En
janvier 1956, il dirige 3 fois la /Messe en Si à Budapest et en
octobre1957 enregistre à Munich la bande sonore du film Don Jiovanni,
produit par la firme Bavaria. En 1959, il commence son activité avec
l'orchestre de Herford (Nordwestdeutsche Philharmonie). En août a lieu à
Gravesano un congrès sur le thème «/5 années à Gravesano ; synthèse de
l'expérience du studio/», avec présentation du stéréophoner et exécution
dans les jardins de l'Erwartung de Schœnberg avec Helga Polarzyk.
L'événement essentiel de cette année reste la Prelière scénique
allemande (très controversée), à Berlin, du Moses und Aron de Schœnberg.
Ces six conncerts donnèrent lieu à un scandale et Scherchen fut même
menacé téléphoniquement d'être vitriolé ! (Il dirigera l'oeuvre à
Vienne, Paris, Milan, Rome et Munich).
En 1960 commence son activité à la Scala de Milan qui durera jusqu'en
1964 (Doctor Faust, de Busoni...Arianne à Naxos, Don Giovanni, Macbeth,
Noces de Figaro, Rienzi). En avril, il dirige à Palermo trois
représentaions scéniques de la Passion Saint Mathieu de Bach ; l'une
d'elle est filmée et retransmie en Eurovision.
À la fin de 1961, il dirige trois représentaions du Wozzeck de Berg au
Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Un nouveau congrès se tient à
Gravesano (/Musique et TV, Musique et médecine, Musique et
mathématiques), avec la participation de Xénakis.
[@ +]
À la demande générale....
En 1962, Scerchen dirige en Espagne (la Création à Barcelone), donne un
cours de direction d'orchestre au Mozarteum de Salzbourg (août) et
dirige à Paris tout un concert dédié à son élève Igor Markevitch (4
décembre). En 1963, il dirige en Sicile (Requiem de Verdi à Palerme),
part en tournée en Uruguay et au Chili et commence son activité annuelle
à la Sagra Umbra de Pérouse. En 1964, un projet de donner Theodora de
Haendel, dans les ruines de Pompéi ne voit pas le jour. Le 30 octobre,
il donne son premier concert en Amérique du Nord, à Philadelphie (5ème
de Mahler), puis part pour New-York donner cinq concerts, dont deux fois
le Requiem de Mozart, en hommage au Président Kennedy. De janvier à mai
1965, il donne l'intégrale des symphonies de Beethoven à Lugano, dirige
la 7ème de Mahler à Toronto (22 avril), donne des concerts à Madrid,
Grenade, Palerme puis part au Chili. En juin, il enregistre ses derniers
disques pour Westminster (Danzi), qui va faire faillite et l'obliger à
augmenter le rythme de ses concerts. En décembre, une seconde tournée
américaine le conduit à Toronto, Minnéapolis et New-York.
APrès trois représentations de Moïse et Aaron à Rome (janvier 1966), il
retourne aux USA pour une 3ème tournée (Washington, Saint-Louis,
Pittsburg, Baltimore). En mars, une répétition de l'Art de la Fugue de
Bach, en l'Église Saint Roch de Paris, est filmée par la télévision
française. On y voit un homme fatigué, mais en pleine possession de ses
facultés intellectuelles. Après des concerts à Bologne, Palerme, Brême,
Catania et au Festival de Royan (création de Terretektorh de Xenakis le
3 avril), il part pour Florence où ilo doit donner trois représentations
de l'Orféide de Malipiero, tentant ainsi de redonner une seconde vie à c
ette œuvre créée en 1925. Le 7 juin, après le premier acte, il est
victime d'un malaise, mais réussit à terminer le concert. Cinq jours
plus tard, il meur à son hôtel terrassé par une crise cardiaque. Le 12
juin était aussi l'anniversaire de sa femme qui l'avait rejoint à
Florence. Il aurait eu 75 ans neuf jours plus tard.
La prédiction du télépathe américain qui lui avait affirmé en 1914 qu'il
mourrait à l'âge de 84 ans - et que Scherchen avait toujours crue ! - ne
se trouvait pas vérifiée. Il est inhumé dans le petit cimetière de
Gravesano, dans le décor des montagnes du Tessin qu'il aimait tant et
dont il avait parlé dans une interview à la RTSI, pour ses 70 ans : /«Le
plus important est cette merveilleuse nature, cette beauté que je
ressens chaque fois que je monte sur la montagne de ma petite propriété
et où, lorsque j'avais 63 ans, j'eus la sensation pour la première fois
dans ma vie, qu'il est possible d'être heureux dans cette existence»/.
Ainsi s'achevait brutalement une vie entièrement dédiée à la Musique. Ce
que cet homme a pu mener à bien est unique et écrasant : écrivain,
pédagogue, conférencier, philosophe, éditeur, chercheur, compositeur,
chef d'orchestre etc. Un congrès était prévu à Gravesano, sur le thème
Art et ordinateur, il devait donner des concerts au Japon en
octobre-novembre, diriger Wozzeck à Bologne, et faisait partie des chefs
invités du Chicago Symphony pour la saison 1966-67.
En mai 1966, l'Ingénieur du son de la Radio Télévision suisse italienne,
Ermanno Briner, rendit visite à Scherchen dans sa maison de Gravesano. À
la fin de la conversation, Scherchen évoqua son infatigable dévouement
en faveur de la musique contemporaine. De manière tout à fait imprévue,
il dit lentement et pensivement : /«Vous savez, je ne sais pas si tout
ce que j'ai fait dans ma vie a un sens. En musique moderne, j'attends
toujours que quelque chose se passe, mais seul, le conditionnement
extérieur change et l'intérieur reste constamment identique. Par
exemple, j'essaye de tirer quelque chose de cette partition mais c'est
très difficile...»/.
À E.Briner, Scherchen - qui était avare de confidences intimes - avait
déjà fait cet aveu : Quand je serai mort, très rapidement on ne parlera
plus de moi. Ce jugement met en lumière le but que Scherchen a toujours
poursuivi : celui de servir une cause noble, poure le seul amour d'un
art qui se place au-dessus du destin de chacun. Cette modestie n'a pas
de justification, car l'empreinte laissée par Scherchen est d'une telle
importance que son nom est inscrit aujourd'hui, de manière indélébile,
dans l'histoire de l'interprétation musicale.
FIN DE LA VIE DE CET HOMME UNIQUE ET EXTRAORDINAIRE...
J'ai acquis Mon premier disque de Scherchen à l'âge de 15 ans (1960) :
c'était les 2ème et 8ème du GS...Qui sont encore actuellement des
références incontournables...Surtout la 8ème !...
Jaiparlé©
FU2 fr.rec.arts.musique.classique
HERMANN SCHERCHEN et la SYMPHONIE PRÉCLASSIQUE
[Tiré de l'excellente plaquette écrite par René Trémine, dans le double
CD Tahra 152/153)
Le fait d'avoir sytématiquement catalogué Scherchen comme un ardent
défenseur de la musique contemporaine - ce qu'il fut assurément ! - a
souvent occulté ses autres activités, en particulier celle qu'il
consacra à à la musique baroque et préclassique ! En effet, il a
toujours affirmé que sa mission était de faire connaître TOUTE la
MUSIQUE, sans exclusive, et il l'illustra en dirigeant des programmes
mixtes, alternant oeuvres du XVIIème siècle, classiques et modernes !
Durant la guerre, Scherchen vécut en Suisse. Une étude de ses agendas de
cette période montre qu'il fréquenta assidûment les bibliothèques
helvétiques dans le double but de rechercher des textes anciens comme
matériau pour écrire ses livres [Vom Wesen der Musik (1946) - Musik für
Jedermann (1950)], et d'exhumer des partitions oubliées pour les jouer
en concert (et les éditer dans son propre Ars Viva Verlag, qu'il céda à
Schott Söhne en 1954). D'autre part, de 1945 à 1950, il fut Directeur
des programmes de Radio-Zürich (Je vous en ai déjà causé dans mon
précédent opus sur cet immense chef) et, à ce titre, dirigea les
concerts de l'émetteur de Radio-Beromünster.
Une recherche dans les archives de la radio suisse nous a permis de
découvrir que 300 oeuvres avaient été enregistrées (!) et que,
malheureusement, seule une infime quantité a survécu aux campagnes
systématiques d'effacement des bandes, réalisées par la Radio suisse !
(et après, on s'étonnera que Je n'ai jamais aimé ce pays !)...
L'étude de ces programmes est également très révélatrice : il programma
le premier opéra bouffe français, Platée de Rameau, donna des concerts
consacrés à la musique chinoise, aux préclassiques français (Le
Duc...Barrière...Saint-Georges), tchèques (Beck...Stamitz...Richter),
anglais (Abel...J.Chr. Bach...Haendel), italiens
(Sammartini...Nardini...Tartini), à la musique sud-américaine
(Gnattali...Catunda...Vianna...Villa-Lobos), norvégienne (Sparre
Olsen...Fongsedt...Farstein...Valen), argentine etc...QUI DIT MIEUX
?!!!...Jene posemêmepaslaquestion©...
Il consacra également deux émissions à la Naissance de la Symphonie
(Peurl...Monteverdi...Purcell...Rameau...Lully...Leonardo
Leo...J.J.Rousseau...Piccini etc.).
À Winterthur, la musique ancienne occupa une grande partie de ses
programmes : ainsi, le 24 février 1940, il consacra tout un concert aux
compositeurs suisses du passé (Fritz...Fröhlich...Schnyder von
Wartensee...Lefèvre) ; le 12 août 1941, aux Maitres du préclassique
(Lully...Corelli...Peurl...Monteverdi...Purcell...Rameau) ; le 22 mai
1943, aux Maîtres inconnus du préclassique
(Wagenseil...Tartini...Gossec...Keller...Beck etc...). Le 21 novembre
1943, il célmébra le 300ème anniversaire de Monteverdi par une exécution
des Vêpres de 1610.
Historiquement, la forme symphonique est née de l'ouverture de l'opéra
italien. Dès 1632, Stefano Landi faisait débuter son oeuvre théâtrale,
Il Sant'Alessio, par une ouverture importante en trois parties. C'est
Alessandro Scarlatti qui, le premier, donnera à l'Ouverture le nom de
Sinfonia et en fixera la structure : trois parties distinctes,
comprenant un allegro énergique et brillamment illustré, un court
andante de caractère lyrique confié aux cordes, et un presto fougueux.
Ce type d'ouverture sera utilisé durant tout le XVIIème siècle.
Parralèlement se développa en France, avec J.B.Lully, un autre type
d'ouverture en trois parties enchaînées. La symphonie issue de
l'ouverture italienne verra le jour, lorsque l'une de ces ouvertures, ou
sinfonia, sera détachée de l'œuvre dont elle constitue l'introduction et
lorsqu'elle sera exécutée comme pièce de concert. G.Sammartini fut l'un
des premiers à publier des ouvertures, ou symphonies de concert.
La symphonie dite préclassique se développa au milieu du XVIIIème
siècle, grâce notamment aux deux écoles de Vienne et Mannheim. Leur
apport respectif se situe dans deux domaines différents : la forme pour
Vienne, le style pour Mannheim.
Les viennois (Monn...Wagenseil) fixèrent le plan de la symphonie en
trois mouvements (allegro, andante, presto), voire quatre (avec un
menuet). L'allegro et le presto adoptent la forme sonate ; les
tonalités, en général majeures, sont variées ; les rythmes sont heurtés,
à base de syncopes ; l'instrumentation la plus courante groupe le
quatuor à cordes, deux flûtes opu deux hautbois et deux cors.
Ves innovations furent également adoptées à Mannheim par Stamitz,
Richter, Beck etc...Stamitz introduisit dans la symphonie un nouveau
style instrumental caractérisé par l'utilisation d'une grande dynamique
(puissants crescendi, brusques oppositions de nuances), et une
orchestration nouvelle (abandon du continuo, introduction de la
clarinette, utilisation des vents comme solistes). Divers procédés
d'écriture se font juour : arpèges ascendahnts, appogiatures, rythmes
pointés etc..Cette école influencera la symphonie française du XVIIIème
siècle, principalement représentée par Fr.Martin et Fr.Gossec, et dont
l'âge d'or se situera entre 1778 et 1789.
L'Encyclopédie de la Musique, publiée par Johann Gottfried Walther en
1732 à Leipzig est la première qui donne une dfinition du mot symphonie
: /Elle signifie tout ce qui résonne en harmonie et caractérise une
oeuvre jouée uniquement par des instruments. Dans cette forme musicale,
le compositeur a une totale liberté et n'a nul besoin d'adhérer à des
nompbres et des proportions particuliers, il peut en utiliser autant
qau'il veut, tout en évitant de créer le chaos/.
Cette définition symbolise une grande diversité, mais seulement en
apparence car, en ces premiers temps de la symphonie, nous ne trouvaons
aucune des règles que nous connaissons aujourd'hui. Le termesymphonie
englobait alors diverses forme musicales, telles les sonates
instrumentales jouées en guise d'introduction ou d'entracte aux œuvres
vocales, des mouvements introductifs à des partitas allemandes, voire
des ouvertures jouées dans le style italien (rapide-lent-rapide).
L'événement décisif dans le développement de la forme classique de la
symphonie se produisit peu avant 1750, lorsque la sonate fut adoptée
comme une forme obligatoire du mouvement introduisant l'œuvre.
FU2 fr.rec.arts.musique.classique
*Existe-t-il un style particulier pour interpréter la musique
préclassique ?*
[Texte écrit par SCHERCHEN, forcément]...
Laugier, un auteur très apprécié du 18ème siècle, résume ainsi ce que
devrait être une bonne exécution d'une oeuvre orchestrale :«Pour donner
une bonne exécution d'une œuvre, il faut d'abord se transposer dans les
pensées du compositeur et dans l'esprit de l'œuvre. Ensuite il faut
restituer la valeur exacte de chaque note, en suivant scrupuleusement
les indications du compositeur et n'apporter, de sa propre initiative,
ni changements, ni embellissements. Que l'on se contente d'ajouter à
l'œuvre interprétée, uniquement l'âme et le feu, sans lesquels les notes
ne peuvent rien exprimer. Toutes les voix doivent être jouées avec le
même soin, afin d'atteindre le maximum d'effet. Par contre, les paries
les plus importantes, c'est-à-dire la mélodie et la basse, doivent régir
le tout».
Ce que l'on nomme ici feu et âme, Rameau l'appelait déjà expression,
cette expression qui doit être le seul but du musicien. Plus loin, on
peut lire : «Le violon, le hautbois et le clavecin devraient être joués
avec âme ; ce "jouer avec âme" ne deviendra audible que grâce à
l'opposition entre graves et aigus, à l'augmentation ou à la diminution
des sons et à une certaine modification des valeurs des notes,
transformation qui ne doit absolument pas concerner la mesure. Autrement
dit, grâce à un nombre de procédés qu'il est plus facile d'utiliser que
de définir».
Dès 1552, Josquin des Près disait : «Pour écrire, le compositeur doit
être poussé par une force plus puissante que lui-même, tellement forte
qu'ilo en oublie la faim et la soif, et qu'il oubliera toutes les
nécessités de la vie quotidienne avant d'avoir parachevé son œuvre».
Nous savons d'ailleurs que G.F.Haendel composa plusieurs de ses oeuvres
au milieu des larmes et des sanglots. Le grand flûtiste Quantz,
contemporain de Bach résuma tout ceci en 1752 en une phrase très simple,
que Beethoven reprit plus tard : seulement, ce qui vient du coeur pour
retourner au coeur.
Il existe une opinion communément répandue qui veut que la musique
préclassique soit une musique savante, qui doit être jopuée de manière
particulière, qui n'est comprise que par des initiés, et qui n'est
incluse dans les programmes de concert qu'aux fins d'ennuyer le public.
Il a même été dit qu'en interprétant les auteurs préclassiques, on
voulait éliminer - sous le prétexte de la science - une grande partie de
ce qui appartient à l'expérience sensuelle de la musique. C'est ainsi
qu'il n'y aurait pas de place ici pour le crescendo ou le decrescendo.
Le vibrato était, paraît-il, inconnu de ces anciens Maîtres, et leurs
tempi devaient être beaucoup plus lents que ceux utilisés aujourd'hui.
Mais, puisqu'un bon musicien sensible n'est pas si aisément influencé
par de tels caprices, on préférait souvent confier de telles
interprétations d'oauvres plus anciennes à des semi-amateurs, au sein
d'associations spécifiques, et ainsi on parvenait effectivement à faire
croire au public que, pour comprendre cette musique, il fallait être
organisé de manière particulière.
Faisons le point sur cette situation et essayons maintenant de
déterminer ce qui correspond véritablement à ces revendications
prétentieuses "d'en savoir plus".
J'ai un coup de fatigue, là...
La suite plus tard, ô amis mélosiciens et autres idiophiles...
FU2 fr.rec.arts.musique.classique
Il est démontré que les Maîtres anciens connaissaient les modifications
de tempo, à tel point qu'un auteur écrivit : «Je crois que dans la
musique instrumentale, on utilise trop de riatardandi. À mon avis, la
rigueur du tempo ne devrait quee rarement être rompue, car trop de
liberté devient un travers si elle est répétée trop fréquemment.
L'hypothèse de l'usage du ritardendo consistera à ne l'employer qu'avec
goût et de manière expressive».
J.J.Rousseau attaque l'article Métronome publié par l'Encyclopédie, de
la manière suivante : «Notre misique a l'ambition de tyranniser la
mesure en fonction du goût de l'interprète, c'est-à-dire de l'accélérer
ou de la ralentir».
Le vibrato - une prétendue invention de la nouvelle technique
violonistique - est déjà mentionné en 1648 par Mersenne (théoricien
français qui a abordé pratiquement tous les domaines qui relèvent
aujourd'hui de la MUSICOLOGIE. Son oeuvre reste une mine inépuisable
pour la connaissance des musiques des 16ème et 17ème siècles : «Il faut
utiliser le vibrato pour rendre le son plus agréable. Les compositeurs
du 18ème siècle l'exigent et le recommandent souvent, pour donner plus
de vie aux notes tenues logtemps. Les contemporains de Lully racontent
qu'il accélérait tous les tempi : tous ceux qui avaient entendu Lully en
personne diriger ses opéras, lorsque le grand maître pouvait encore dire
à ses musiciens et à ses chanteurs ce qui ne se laisse pas écrire que
par les notes, regrettent aujourd'hui cette façon de jouer qui, alors,
les avait tellement enchantés. En même temps, ils disent qu'aujourd'hui
ces opéras durent beaucoup plus longtemps qu'à l'époque de Lully et ce,
malgré le fait que, de nos jours, on ne répète plus tous les airs de
violon qui étaient alors joués une deuxième fois.
Un tempo plus lent pour jouer les oeuvres des préclassiques pourrait se
justifier si les musiciens d'alors n'avaient pas été capables de
maîtriser les difficultés techniques, comme nous le pouvons aujourd'hui.
Mais nous savons par ailleurs quele maniement technique du clavecin
n'était guère pire que celui d'aujourd'hui, qu'on ne pouvait pas jouer
vite à l'orgue, dans les forte, et que dans le piano, il était aussi
maniable que le clavecin.
La technique des cordes enseignée dans les écoles de violon du 18ème
siècle était si avancée que la pratique des sept positions en était la
base (jusqu'à la fin du 18ème siècle, l'écriture d'orchestre du violon
n'utilisait que 5 positions ; ce nombre passa à 9 chez Beethoven, puis
11 chez Wagner. L'alto connaît 7 positions, le violoncelle 4). Par
ailleurs la maîtrise de tous les types de gammes et arpèges était la
condition tout à fait normale pour le jeu du virtuose. On utilisait déjà
les doubles cordes et on rencontrait même des difficultés, telles que le
trille double sur deux sons d'une tierce et les sons du flageolet. Il
est également démontré que la technique des cordes était tout
particulièrement développée. En raison de la prédominance des formes
dansantes dans la musique instrumentale, on était arrivé à établir pour
chacune de ces danses des shémas précis pour chaque coup d'archet, et il
n'était pas rare que les danseurs soient déconcertés par
l'inobservation, par l'orchestre, de ces coups d'archet, et n'arrivent
plus à suivre le rythme. Tout ceci vaut pour les violons et toute la
famille des cordes. On trouve par ailleurs toute une série
d'instructions très précises pour les différents types de coups
d'archet, depuis le staccato très bref jusqu'au martellato. On disait
que l'archet du violon était lême de l'instrument et qu'il lui
permettait d'exprimer toutes les émotions.
Évidemment, à côté de ces concordances de la technique, l'exécution
musicale des préclassiques est fort différence de celle des nôtres : par
exemple, la proportion totalement différente des instruments de
l'orchestre entre eux. En 1719, nous trouvons : 14 violons, 6 altos,
face à 8 basses et 4 bassons ; en 1747, 10 violons et 2 altos face à 7
violoncelles et 3 bassons. Le fameux orchestre de Popelinière ne
comptait par compte que 5 violons, 1 basson, 1 violoncelle et 1
contrebasse. Tous ces exemples montrent que les basses d'alors avaient
une importance bien plus grande qu'aujourd'hui.
Ce serait donc une erreur que de négliger, dans l'exécution de la
musique préclassique, cette proportion des basse par rapport à la
mlodie. Aussi importante que la force des basses pour ce qui concerne la
clarté, était la participation de groupes entiers de flûtes, de hautbois
et éventuellement de trompettes pour la couleur sonore de l'orchestre
préclassique. Pour s'en rendre compte, il suffit de comparer la sonorité
mélancolique de l'orchestre de la Suite en si de Bach (avec ses groupes
de flûtes), avec la brillante et lumineuse suite en ré majeur, avec ses
hautbois, trompettes et timbales. Rien ne peut mieux exprimer cette
différence qu'une connaissance de la tonalité en 1745 : ici, la Messe en
si est dite mélancolique, alors que la .Suite en ré/ est indiquée comme
plus joyeuse et très belliqueuse.
L'importance du tempo juste est documentée dans presque tous les écrits
sur la musique des 17ème et 18ème siècles : un tempo incorrect peut
rendre artificiel l'effet musical et en changer complètement
l'expression. Ceci eut pour conséquence que, dès 1701, l'Académie
Française de Sciences présenta un métronome dont on fit largement usage
durant tout le 18ème siècle, bien avant Mälzel ! Des annotations basées
sur ce premier métronome nous permettent ainsi de reconstruire les tempi
authentiques pour les plus importantes danses de la musique
préclassique. En voici un bref panorama :
Menuet : 72-80
Chacone : 120 - 156
Rigaudon : 116 - 152
Gavotte : 96 - 152
Passepied : 84 - 136
Bourrée : 112 - 120
Gigue : 112 - 120
Sarabande : 63 - 84
Chose unique, on doit mentionner que Lully a toujours joué la reprise de
son Ouverture Armida, de plus en plus rapidement, et ce depuis le début.
À la grande différence du son orchestral d'aujourd'hui, les instruments
étaient accordés un demi-ton ou un ton plus bas que les instruments
contemporains ; par contre la puissance sonore des instruments
préclassiques était plus faible que celle de nos jours. LKe clavecin
comme l'orgue d'alors n'avaient pas la même puissance que les nôtres, et
cela vaut
--
Car avec beaucoup de science, il y a beaucoup de chagrin ; et celui qui
accroît sa science, accroît sa douleur.
[Ecclésiaste, 1-18]
MELMOTH - souffrant
FIN DE CITATION