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Le mythe du "francien" Re: Picard et Françien (was: LILLE , CAPITALE des FLANDRES ?)

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PockGockAmock

non lue,
5 nov. 1997, 03:00:0005/11/1997
à

Marc Bonnaud <mbon...@francenet.fr> writes:

> PockGockAmock :
> >
> > s.r...@tornado.be (Simon RIGOT) writes:
> >
> > > Ca c'est du Picard , pas du Flamand. Le Picard est un Patois fortement
> > > influencé par l'Espagnol au 16 et 17 eme siecle.
> >
> > Du tout: c'est une langue (de nos jours patoisante, je vous l'accorde)
> > nullement influencée par l'espagnol, et dans laquelle les plus grandes
> > oeuvres de la littérature médiévale ont été écrites: on trouvera les
> > premières éditions de Chrétien de Troyes, par exemple, publiées aussi
> > bien en picard qu'en françien (ajoutons que les deux langues ne sont
> > pas fort éloignées l'une de l'autre).
> >
> > Les fabliaux, aussi, charmantes oeuvrettes un peu légères des 12è et 13è
> > siècles, sont écrits aussi bien en françien qu'en picard.
>
> Ecoutons Bernard Cerquiglini :

(cut mais conclusion gardée)

> Le francien est au mieux une intersection, au pire une vue de l'esprit.

Cette conclusion n'est pas à rejeter. Le françien est pour le moins
un instrument de travail commode. Si j'osais relancer un autre "thread",
je comparerais françien à Q.I. On ne l'a jamais vu, mais il est bien
commode pour expliquer une évolution qui s'est faite du latin au
français moderne. Idem pour l'Indo-Européen, "invention" des linguistes
du 19è siècle, mais qui donne à ce jour toute satisfaction et du point
de vue linguistique, et du point de vue proto-historique.

> Car en outre ce dialecte n'est même pas nommé. Aucun texte antérieur au
> XIIIème siècle n'atteste directement l'existence d'une littérature ou
> même d'un usage d'Ile-de-France. Le terme 'francien', comme le prouve
> son aspect disgracieux, est une invention de grammairiens modernes (le
> Trésor de la langue française (CNRS) le relève pour la première fois
> chez Gaston Paris en 1889). Il a toutefois occulté le terme médiéval de
> françois,

Bon, si vous préférez l'appeler "françois", je l'accepte bien volontier
mais cela ne change absolument rien dans son usage explicatif mentionné
précédemment.

Quant à la théorie développée par Mr Cerquiglini, (désolé, pas assez
de place dans ma boite pour prendre votre message entier et pour pouvoir
y répondre)... disons que c'est une théorie qui se défend (mais ni
d'avantage, ni moins que les explications qui lui sont concurrentes.

PGa


Marc Bonnaud

non lue,
5 nov. 1997, 03:00:0005/11/1997
à

PockGockAmock :
>
> s.r...@tornado.be (Simon RIGOT) writes:
>
> > Ca c'est du Picard , pas du Flamand. Le Picard est un Patois fortement
> > influencé par l'Espagnol au 16 et 17 eme siecle.
>
> Du tout: c'est une langue (de nos jours patoisante, je vous l'accorde)
> nullement influencée par l'espagnol, et dans laquelle les plus grandes
> oeuvres de la littérature médiévale ont été écrites: on trouvera les
> premières éditions de Chrétien de Troyes, par exemple, publiées aussi
> bien en picard qu'en françien (ajoutons que les deux langues ne sont
> pas fort éloignées l'une de l'autre).
>
> Les fabliaux, aussi, charmantes oeuvrettes un peu légères des 12è et 13è
> siècles, sont écrits aussi bien en françien qu'en picard.

Ecoutons Bernard Cerquiglini :

" Le francien, tout d'abord, et l'on pourrait s'en tenir là, est un
ectoplasme. Comme nous l'avons dit, il n'est pas décrit, étant le
négatif, le revers de tous les dialectes spécifiques : parler d'eux
c'est parler de lui, et il n'y a pas d'autre moyen de parler de lui
qu'en parlant d'eux. ayant achevé la classique description des dialectes
d'oïl, Brunot, parvenant au francien (t. I, p.325), écrit : "Il ne
saurait être question de revenir sur ses caractères. Ils ont été exposés
tout au long, puis opposés dans les pages qui précèdent aux caractères
divers de l'Est, de l'Ouest."


Le francien est au mieux une intersection, au pire une vue de l'esprit.

Car en outre ce dialecte n'est même pas nommé. Aucun texte antérieur au


XIIIème siècle n'atteste directement l'existence d'une littérature ou
même d'un usage d'Ile-de-France. Le terme 'francien', comme le prouve
son aspect disgracieux, est une invention de grammairiens modernes (le
Trésor de la langue française (CNRS) le relève pour la première fois
chez Gaston Paris en 1889). Il a toutefois occulté le terme médiéval de

françois, bien attesté, mais dont le sens évident gênait la fiction
géographico-politique : les dames e la cour d'Arthur qu'au XIIème siècle
nous présente Chrétien de Troyes comme "bien parlant en langue françois"
montrent leur distinction en utilisant un ancien français commun, de
bonne tenue, distinct du latin des clarcs et de l'usage dialectal des
rustres. Un ancien français "chic", en somme, et c'est ce qui nous
importe.
[...]
Car, pour s'en tenir à l'histoire politique, la chronologie ne conforte
pas la thèse du francien. Ce n'est en effet qu'au XIème siècle que la
monarchie capétienne se fixe en Ile-de-France. Or, à cette date, le
français écrit, commun est bien en place ; une 'scripta' interrégionale'
est à l'oeuvre dès les premiers textes, dès les 'Serments'. Comme le
notait M. Delbouille : "la langue écrite du XIIème et du XIIème siècle
n'est pas une création de cette époque, mais se conforme à un usage
depuis longtemps établi par la littérature". Si l'on peut admettre que
l'administration royale (dont l'action s'étend à tout le royaume
seulement au XIIIème siècle) diffusera cette norme, on doit admettre que
cette dernière ne peut être issue du terroir où l'administration a ses
bureaux. Elle a été élaborée autrement, ailleurs et avant. A une époque
où Paris n'avait aucun pouvoir politique, où 'Paris' n'existait pas et
où, ajouterons-nous, l'Ile-de-France ne se distinguait par aucun
dialecte. Jusqu'aux portes, et sans doute dans les rues de la modeste
bourgade parisienne, on devait parler picard, normand ou orléanais.

La genèse d'un usage écrit, traditionnel et interrégional n'est donc pas
la promotion poilitique d'un dialecte particulier, le 'francien'. Elle
est une pratique, qui tend à constituer un 'françois', langue des
lettres et des lettrés. "Norme du parler vulgaire hissé au rang de
langue des textes, officiels ou littéraires" (M. Delbouille), elle peut
certes se lier au politique (ce que les 'Serments' montrent clairement,
mais elle est issue du milieu des clercs, désireux de fabriquer des
textes en français et souhaitant pour cela mettre au point une langue
qui, avec la même dignité que le latin, voire avec une pérennité et une
universalité comparables, puisse dire le courage du héros, l'amour de
Dieu et des femmes.

Le français national, notre français, ne provient donc pas d'un terroir,
mais de la littérature.[...]"
Bernard Cerquiglini, la naissance du français, PUF, que-sais-je n°2576

JPC

non lue,
5 nov. 1997, 03:00:0005/11/1997
à

In article <34605F...@francenet.fr>, mbon...@francenet.fr says...

>Car en outre ce dialecte n'est même pas nommé. Aucun texte antérieur au
>XIIIème siècle n'atteste directement l'existence d'une littérature ou
>même d'un usage d'Ile-de-France.

Mais mon cher ami il n'y a pas que la littérature qui offre une trace de la
langue. Tous les documents administratifs, les chartes et autres actes civils,
administratifs ou d'église écrits en langue vulgaire constituent aussi un
matériau. J'ai suffisamment usé mes yeux sur iceux pour vous dire qu'il y eut
bel et bien un français spécifique à l'Ile de France parfaitement différencié
en particulier dans le traitement de certaines diphtongues du champenois, du
picard ou du normand proches.


Gianni (Paris)

non lue,
5 nov. 1997, 03:00:0005/11/1997
à

> J'ai suffisamment usé mes yeux sur iceux pour vous dire qu'il y eut
>bel et bien un français spécifique à l'Ile de France parfaitement
différencié
>en particulier dans le traitement de certaines diphtongues du champenois,
du
>picard ou du normand proches.
>
Certes, mais il était justement issu de la rencontre du picard, du
champenois, etc à Paris, et non d'un mythique "francien" qui n'a jamais été
attesté, comme l'écrivait M. Bonnaud (décidément, il remonte dans mon
estime).

Gianni
Paris

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