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TEXTE: Raymond Queneau, Exercices de Style 1/1

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Henry Churchyard

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Jun 10, 1992, 7:12:24 PM6/10/92
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Queneau, Raymond (1903-1976)

Exercices de Style

(Paris, Gallimard, 1947, revised 1968)

< an electronic version:

creation.date: 1992
distributor: Oxford Text Archive
address: 13 Banbury Road, Oxford OX2 6NN, UK
idno: OTA number 192
availability: Freely available on a non-commercial basis

Originally prepared for use by the Tre'sor de la Langue
Franc,aise.
The text has been checked against a modern reprint of the
1947 edition, and some departures from that edition marked
using <' '> before the printed text to be corrected. Most such
variations appear to derive from the 1968 edition.
Several sections of the 1968 edition are not transcribed:
these are marked with <' omitted'>. Sections of the 1968
edition which do not appear in the 1947 edition are retained
but have not yet been checked: an SGML comment appears at the
front of sections affected.
A full collation has not been carried out: there are
several unresolved anomalies.

Lou Burnard, 5 May 92

Text ASCIIfied for USENET from original TEI encoding >


1. Notations.

Dans l'S, a` une heure d'affluence. Un type dans les vingt-six
ans, chapeau mou avec cordon remplac,ant le ruban, cou trop long
comme si on lui avait tire' dessus. Les gens descendent. Le type
en question s'irrite contre un voisin. Il lui reproche de le
bousculer chaque fois qu'il passe quelqu'un. Ton pleurnichard qui
se veut me'chant. Comme il voit une place libre, se pre'cipite
dessus.

Deux heures plus tard, je le rencontre cour de Rome, devant
la gare Saint-Lazare. Il est avec un camarade qui lui dit: <<tu
devrais faire mettre un bouton supple'mentaire a` ton pardessus.>>
il lui montre ou` (a` l'e'chancrure) et pourquoi.


2. En partie double.

Vers le milieu de la journe'e et a` midi, je me trouvai et
montai sur la plate-forme et la terrasse arrie`re d'un autobus et
d'un ve'hicule des transports en commun bonde' et quasiment complet
de la ligne S et qui va de la Contrescarpe a` Champerret. Je vis
et remarquai un jeune homme et un vieil adolescent assez ridicule
et pas mal grotesque: cou maigre et tuyau de'charne', ficelle et
cordelie`re autour du chapeau et couvre-chef. Apre`s une bousculade
et confusion, il dit et profe`re d'une voix et d'un ton larmoyants
et pleurnichards que son voisin et covoyageur fait expre`s et
s'efforce de le pousser et de l'importuner chaque fois qu'on
descend et sort. Ceci de'clare' et apre`s avoir ouvert la bouche, il
se pre'cipite et se dirige vers une place et un sie`ge vides et
libres.

Deux heures apre`s et cent vingt minutes plus tard, je le
rencontre et le revois cour de Rome et devant la gare Saint-
Lazare. Il est et se trouve avec un ami et copain qui lui
conseille de et l'incite a` faire ajouter et coudre un bouton et
un rond de corozo a` son pardessus et manteau.


3. Litotes.

Nous e'tions quelques-uns a` nous de'placer de conserve. Un
jeune homme, qui n'avait pas l'air tre`s intelligent, parla
quelques instants avec un monsieur qui se trouvait a` co^te' de lui,
puis il alla s'asseoir. Deux heures plus tard, je le rencontrai
de nouveau; il e'tait en compagnie d'un camarade et parlait
chiffons.


4. Me'taphoriquement.

Au centre du jour, jete' dans le tas des sardines voyageuses
d'un cole'opte`re a` grosse carapace blanche, un poulet au grand cou
de'plume' harangua soudain l'une, paisible, d'entre elles et son
langage se de'ploya dans les airs, humide d'une protestation. Puis
attire' par un vide, l'oisillon s'y pre'cipita.

Dans un morne de'sert urbain, je le revis le jour me^me se
faisant moucher l'arrogance pour un quelconque bouton.


5. Re'trograde.

Tu devrais ajouter un bouton a` ton pardessus, lui dit son
ami. Je le rencontrai au milieu de la cour de Rome, apre`s l'avoir
quitte' se pre'cipitant avec avidite' vers une place assise. Il
venait de protester contre la pousse'e d'un autre voyageur, qui,
disait-il, le bousculait chaque fois qu'il descendait quelqu'un.
Ce jeune homme de'charne' e'tait porteur d'un chapeau ridicule. Cela
se passa sur la plate-forme d'un S complet ce midi-la`.


6. Surprises.

Ce que nous e'tions serre's sur cette plate-forme d'autobus! Et
ce que ce garc,on pouvait avoir l'air be^te et ridicule! Et que
fait-il? Ne le voila`-t-il pas qui se met a` vouloir se quereller
avec un bonhomme qui -- pre'tendait-il! ce damoiseau! -- le
bousculait! Et ensuite il ne trouve rien de mieux a` faire que
d'aller vite occuper une place laisse'e libre! Au lieu de la
laisser a` une dame!

Deux heures apre`s, devinez qui je rencontre devant la gare
Saint-Lazare? Le me^me godelureau! En train de se faire donner des
conseils vestimentaires! Par un camarade!

A ne pas croire!


7. Re^ve.

Il me semblait que tout fu^t brumeux et nacre' autour de moi,
avec des pre'sences multiples et indistinctes, parmi lesquelles
cependant se dessinait assez nettement la seule figure d'un homme
jeune dont le cou trop long semblait annoncer de'ja` par lui-me^me
le caracte`re a` la fois la^che et rouspe'teur du personnage. Le
ruban de son chapeau e'tait remplace' par une ficelle tresse'e. Il
se disputait ensuite avec un individu que je ne voyais pas, puis,
comme pris de peur, il se jetait dans l'ombre d'un couloir.

Une autre partie du re^ve me le montre marchant en plein
soleil devant la gare Saint-Lazare. Il est avec un compagnon qui
lui dit: ``tu devrais faire ajouter un bouton a` ton pardessus.''

La`-dessus, je m'e'veillai.


8. Pronostication.

Lorsque viendra midi, tu te trouveras sur la plate-forme
arrie`re d'un autobus ou` s'entasseront des voyageurs parmi
lesquels tu remarqueras un ridicule jouvenceau: cou squelettique
et point de ruban au feutre mou. Il ne se trouvera pas bien, ce
petit. Il pensera qu'un monsieur le pousse expre`s, chaque fois
qu'il passe des gens qui montent ou descendent. Il le lui dira,
mais l'autre ne re'pondra pas, me'prisant. Et le ridicule
jouvenceau, pris de panique, lui filera sous le nez, vers une
place libre.

Tu le reverras un peu plus tard, cour de Rome, devant la gare
Saint-Lazare. Un ami l'accompagnera, et tu entendras ces paroles:
``ton pardessus ne croise pas bien; il faut que tu y fasses
ajouter un bouton.''


9. Synchyses.

Ridicule jeune homme, que je me trouvai un jour sur un
autobus de la ligne S bonde' par traction peut-e^tre cou allonge',
au chapeau la cordelie`re, je remarquai un. Arrogant et larmoyant
d'un ton, qui se trouve a` co^te' de lui, contre ce monsieur,
proteste-t-il. Car il le pousserait, fois chaque que des gens il
descend. Libre il s'assoit et se pre'cipite vers une place, ceci
dit. Rome (Cour de) je le rencontre plus tard deux heures a` son
pardessus un bouton d'ajouter un ami lui conseille.


10. L'arc-en-ciel.

Un jour, je me trouvai sur la plate-forme d'un autobus
violet. Il y avait la` un jeune homme assez ridicule: cou indigo,
cordelie`re au chapeau. Tout d'un coup, il proteste contre un
monsieur bleu. Il lui reproche notamment, d'une voix verte, de le
bousculer chaque fois qu'il descend des gens. Ceci dit, il se
pre'cipite, vers une place jaune, pour s'y asseoir.

Deux heures plus tard, je le rencontre devant une gare
orange'e. Il est avec un ami qui lui conseille de faire ajouter un
bouton a` son pardessus rouge.


11. Logo-rallye.

(Dot, bai"onnette, ennemi, chapelle, atmosphe`re, Bastille,
correspondance.)

Un jour, je me trouvai sur la plate-forme d'un autobus qui
devait sans doute faire partie de la dot de la fille de M.
Mariage, qui pre'sida aux destine'es de la T. C. R. P. Il y avait
la` un jeune homme assez ridicule, non parce qu'il ne portait pas
de bai"onnette, mais parce qu'il avait l'air d'en porter une tout
en n'en portant pas. Tout d'un coup ce jeune homme s'attaque a`
son ennemi: un monsieur place' derrie`re lui. Il l'accuse notamment
de ne pas se comporter aussi poliment que dans une chapelle.
Ayant ainsi tendu l'atmosphe`re, le foutriquet va s'asseoir.

Deux heures plus tard, je le rencontre a` deux ou trois
kilome`tres de la bastille avec un camarade qui lui conseillait de
faire ajouter un bouton a` son pardessus, avis qu'il aurait tre`s
bien pu lui donner par correspondance.


12. He'sitations.

Je ne sais pas tre`s bien ou` c,a se passait... dans une e'glise,
une poubelle, un charnier? Un autobus peut-e^tre? Il y avait la`...
mais qu'est-ce qu'il y avait donc la`? Des oeufs, des tapis, des
radis? Des squelettes? Oui, mais avec encore leur chair autour,
et vivants. Je crois bien que c'est c,a. Des gens dans un autobus.
Mais il y en avait un (ou deux?) qui se faisait remarquer, je ne
sais plus tre`s bien par quoi. Par sa me'galomanie? Par son
adiposite'? Par sa me'lancolie? Mieux... plus exactement... par sa
jeunesse orne'e d'un long... nez? menton? pouce? non: cou, et d'un
chapeau e'trange, e'trange, e'trange. Il se prit de querelle, oui
c'est c,a, avec sans doute un autre voyageur (homme ou femme?
enfant ou vieillard?) Cela se termina, cela finit bien par se
terminer d'une fac,on quelconque, probablement par la fuite de
l'un des deux adversaires.

Je crois bien que c'est le me^me personnage que je rencontrai,
mais ou`? Devant une e'glise? devant un charnier? devant une
poubelle? Avec un camarade qui devait lui parler de quelque
chose, mais de quoi? de quoi? de quoi?


13. Pre'cisions.

Dans un autobus de la ligne S, long de 10 me`tres, large de
<'3'> 2,1, haut de <'6'> 3,5, a` 3 km. 600 de son point de de'part,
alors qu'il e'tait charge' de 48 personnes, a` 12 h. 17, un individu
de sexe masculin, a^ge' de 27 ans 3 mois 8 jours, <'haut'> taille
de 1 m 72 et pesant 65 kg et portant sur la te^te un chapeau haut
de <'35'> 17 centime`tres dont la calotte e'tait entoure'e d'un
ruban long de <'60'> 35 centime`tres, interpelle un homme a^ge' de
48 ans 4 mois 3 jours et de <'1 m. 68 de hauteur'> taille 1 m 68
et pesant 77 kg., au moyen de 14 mots dont l'e'nonciation dura 5
secondes et qui faisaient allusion a` des de'placements
involontaires de 15 a` 20 millime`tres. Il va ensuite s'asseoir a`
quelque <'1'> 2 m. 10 de la`.

<'57'> 118 minutes plus tard il se trouvait a` 10 me`tres de la
gare Saint-Lazare, entre'e banlieue, et se promenait de long en
large sur un trajet de 30 me`tres avec un camarade a^ge' de 28 ans,
<'haut de'> taille 1 m. 70 et pesant 71 kg. qui lui conseilla en
15 mots de de'placer de 5 centime`tres, dans la direction du
ze'nith, un bouton de 3 centime`tres de diame`tre.


14. Le co^te' subjectif.

Je n'e'tais pas me'content de ma ve^ture, ce jourd'hui.
J'inaugurai un nouveau chapeau, assez coquin, et un pardessus
dont je pensai grand bien. Rencontre' X devant la gare Saint-
Lazare qui essaye de ga^cher mon plaisir en essayant de me
de'montrer que ce pardessus est trop e'chancre' et que j'y devrais
rajouter un bouton supple'mentaire. Il n'a tout de me^me pas ose'
s'attaquer a` mon couvre-chef.

Un peu auparavant, rembarre' de belle fac,on une sorte de
goujat qui faisait expre`s de me brutaliser chaque fois qu'il
passait du monde, a` la descente ou a` la monte'e. Cela se passait
dans un de ces immondes autobi qui s'emplissent de populus
pre'cise'ment aux heures ou` je dois consentir a` les utiliser.


15. Autre subjectivite'.

Il y avait aujourd'hui dans l'autobus a` co^te' de moi, sur la
plate-forme, un de ces morveux comme on n'en fait gue`re,
heureusement, sans c,a je finirais par en tuer un. Celui-la`, un
gamin dans les vingt-six, trente ans, m'irritait tout
spe'cialement non pas tant a` cause de son grand cou de dindon
de'plume' que par la nature du ruban de son chapeau, ruban re'duit a`
une sorte de ficelle de teinte aubergine. Ah! le salaud! Ce qu'il
me de'gou^tait! comme il y avait beaucoup de monde dans notre
autobus a` cette heure-la`, je profitais des bousculades qui ont
lieu a` la monte'e ou a` la descente pour lui enfoncer mon coude
entre les co^telettes. Il finit par s'esbigner la^chement avant que
je me de'cide a` lui marcher un peu sur les arpions pour lui faire
les pieds. Je lui aurais dit aussi, afin de le vexer, qu'il
manquait un bouton a` son pardessus trop e'chancre'.


16. Re'cit.

Un jour vers midi du co^te' du parc Monceau, sur la plate-forme
arrie`re d'un autobus a` peu pre`s complet de la ligne S
(aujourd'hui 84), j'aperc,us un personnage au cou fort long qui
portait un feutre mou entoure' d'un galon tresse' au lieu de ruban.
Cet individu interpella tout a` coup son voisin en pre'tendant que
celui-ci faisait expre`s de lui marcher sur les pieds chaque fois
qu'il montait ou descendait des voyageurs. Il abandonna
d'ailleurs rapidement la discussion pour se jeter sur une place
devenue libre.

Deux heures plus tard, je le revis devant la gare Saint-
Lazare en grande conversation avec un ami qui lui conseillait de
diminuer l'e'chancrure de son pardessus en en faisant remonter le
bouton supe'rieur par quelque tailleur compe'tent.


Composition de mots

Je plate-d'autobus-formais co-foultitudinairement dans un
espace-temps lute'cio-me'ridiennal et voisinais avec un longicol
tresseautourduchapeaute' morveux. Lequel dit a` un
quelconquanonyme: ``Vous me bousculapparaissez.'' Cela e'jacule',
se placelibra voracement. Dans une spatiotemporalite' poste'rieure,
je le revis qui placesaintlazarait avec un X qui lui disait: tu
devrais boutonsupple'menter ton pardessus. Et il pourquexpliquait
la chose.


17. Ne'gativite's.

Ce n'e'tait ni un bateau, ni un avion, mais un moyen de
transports terrestre. Ce n'e'tait ni le matin, ni le soir, mais
midi. Ce n'e'tait ni un be'be', ni un vieillard, mais un homme
jeune. Ce n'e'tait ni un ruban, ni une ficelle, mais du galon
tresse'. Ce n'e'tait ni une procession, ni une bagarre, mais une
bousculade. Ce n'e'tait ni un aimable, ni un me'chant, mais un
rageur. Ce n'e'tait ni une ve'rite', ni un mensonge, mais un
pre'texte. Ce n'e'tait ni un debout, ni un gisant, mais un voulant-
e^tre assis.

Ce n'e'tait ni la veille, ni le lendemain, mais le jour me^me.
Ce n'e'tait ni la gare du nord, ni la gare du p.-l.-m. mais la
gare Saint-Lazare. ce n'e'tait ni un parent, ni un inconnu, mais
un ami. Ce n'e'tait ni une injure, ni une moquerie, mais un
conseil vestimentaire.


18. Animisme.

Un chapeau mou, brun, fendu, les bords baisse's, la forme
entoure'e d'une tresse de galon, un chapeau se tenait parmi les
autres, tressautant seulement des ine'galite's du sol transmises
par les roues du ve'hicule automobile qui le transportait, lui le
chapeau. A chaque arre^t, les alle'es et venues des voyageurs lui
donnaient des mouvements late'raux parfois assez prononce's, ce qui
finit par le fa^cher, lui le chapeau. Il exprima son ire par
l'interme'diaire d'une voix humaine a` lui rattache'e par une masse
de chair structuralement dispose'e autour d'une quasi-sphe`re
osseuse perfore'e de quelques trous qui se trouvait sous lui, lui
le chapeau. Puis il alla soudain s'asseoir, lui le chapeau.

Une ou deux heures plus tard je le revis se de'plac,ant a`
quelque un me`tre soixante-six au-dessus du sol et de long en
large devant la gare Saint-Lazare, lui le chapeau. Un ami lui
conseillait de faire ajouter un bouton supple'mentaire a` son
pardessus... un bouton supple'mentaire... a` son pardessus... lui
dire c,a... a` lui... lui le chapeau...


Anagrammes

<'approx 140 words omitted'>


19. Distinguo.

Dans un autobus (qu'il ne faut pas prendre pour un autre
obus), je vis (et pas avec mon vit) un personnage (qui ne perd
son a^ge) coiffe' d'un feutre mou bleu (et non de foutre ble^me),
feutre cerne' d'un fil tresse' (et non de tril fesse'). Il disposait
(et non dix posait) d'un long cou (et pas d'un loup con). Comme
la foule se bousculait (non que la boule se fouscula^t), un
nouveau voyageur (non veau nouillageur) de'plac,a le susdit (et non
suc,a ledit plat). Cestuy ra^la (et non cette hui^tre hala), mais
voyant une place libre (et non ployant une vache ivre) s'y
pre'cipita (et non si pre`s s'y piqua).

Plus tard je l'aperc,us (non pas gel a` peine su) devant la
gare Saint-Lazare (et non la` ou l'hagard ceint le hasard) qui
parlait avec un copain (il n'e'copait pas d'un pralin) au sujet
d'un bouton de son manteau (qu'il ne faut pas confondre avec le
bout haut de son menton).


20. <'Homeoptotes'> Home'ote'leutes

Un jour de canicule sur un ve'hicule ou` je circule, gesticule
un funambule au bulbe minuscule, a` la mandibule en virgule et au
capitule ridicule. Un somnambule l'accule et l'annule, l'autre
articule: <<crapule>>, mais dissimule ses scrupules, recule,
capitule et va poser ailleurs son cul.

Une hule aprule, devant la gule Saint-Lazule je l'aperc,ule
qui discule a` propos de boutules, de boutules de pardessule.


21. Lettre officielle.

J'ai l'honneur de vous informer des faits suivants dont j'ai
pu e^tre le te'moin aussi impartial qu'horrifie'.

Ce jour me^me, aux environs de midi, je me trouvais sur la
plate-forme d'un autobus qui remontait la rue de Courcelles en
direction de la place Champerret. Ledit autobus e'tait complet,
plus que complet me^me, oserai-je dire, car le receveur avait pris
en surcharge plusieurs impe'trants, sans raison valable et mu^ par
une bonte' d'a^me exage're'e qui le faisait passer outre aux
re`glements et qui, par suite, frisait l'indulgence. A chaque
arre^t, les alle'es et venues des voyageurs descendants et montants
ne manquaient pas de provoquer une certaine bousculade qui incita
l'un de ces voyageurs a` protester, mais non sans timidite'. Je
dois dire qu'il alla s'asseoir de`s que la chose fut possible.

J'ajouterai a` ce bref re'cit cet addendum: j'eus l'occasion
d'apercevoir ce voyageur quelque temps apre`s en compagnie d'un
personnage que je n'ai pu identifier. La conversation qu'ils
e'changeaient avec animation semblait avoir trait a` des questions
de nature esthe'tique.

E'tant donne'es ces conditions, je vous prie de vouloir bien,
monsieur, m'indiquer les conse'quences que je dois tirer de ces
faits et l'attitude qu'ensuite il vous semblera bon que je prenne
dans la conduite de ma vie subse'quente.

Dans l'attente de votre re'ponse, je vous assure, monsieur, de
ma parfaite conside'ration empresse'e au moins.


22. Prie`re d'inse'rer.

Dans son nouveau roman, traite' avec le brio qui lui est
propre, le ce'le`bre romancier X, a` qui nous devons de'ja` tant de
chefs-d'oeuvre, s'est applique' a` ne mettre en sce`ne que des
personnages bien dessine's et agissant dans une atmosphe`re
compre'hensible par tous, grands et petits. L'intrigue tourne donc
autour de la rencontre dans un autobus du he'ros de cette histoire
et d'un personnage assez e'nigmatique qui se querelle avec le
premier venu. Dans l'e'pisode final, on voit ce myste'rieux
individu e'coutant avec la plus grande attention les conseils d'un
ami, mai^tre e`s dandysme. Le tout donne une impression charmante
que le romancier X a burine'e avec un rare bonheur.


23. Onomatope'es.

Sur la plate-forme, pla pla pla, dun autobus, teuff teuff
teuff, de la ligne S (pour qui sont ces serpents qui sifflent
sur), il e'tait environ midi, ding din don, ding din don, un
ridicule e'phe`be, prou^t prou^t, qui avait un de ces couvre-chefs,
phui, se tourna (virevolte, virevolte) soudain vers son voisin
d'un air de cole`re, rreuh, rreuh, et lui dit, hm hm: ``vous
faites expre`s de me bousculer, monsieur.'' Et toc. La`-dessus,
vroutt, il se jette sur une place libre et s'y assoit, boum.

Ce me^me jour, un peu plus tard, ding din don, ding din don,
je le revis en compagnie d'un autre e'phe`be, prou^t prou^t, qui lui
causait bouton de pardessus (brr, brr, brr, il ne faisait donc
pas si chaud que c,a...).

Et toc.


24. Analyse logique.

Autobus.
Plate-forme.
Plate-forme d'autobus. C'est le lieu.

Midi.
Environ.
Environ midi. C'est le temps.

Voyageurs.
Querelle.
Une querelle de voyageurs. C'est l'action.

Homme jeune.
Chapeau. Long cou maigre.
Un jeune homme avec un chapeau et un galon tresse' autour.
C'est le personnage principal.

Quidam.
Un quidam.
Un quidam. C'est le personnage second.

Moi.
Moi.
Moi. C'est le tiers personnage, narrateur.

Mots.
Mots.
Mots. C'est ce qui fut dit.

Place libre.
Place occupe'e.
Une place libre ensuite occupe'e. C'est le re'sultat.

La gare Saint-Lazare.
Une heure plus tard.
Un ami.
Un bouton.
Autre phrase entendue. C'est la conclusion.

Conclusion logique.


25. Insistance.

Un jour, vers midi, je montai dans un autobus presque complet
de la ligne S. Dans un autobus presque complet de la ligne S, il
y avait un jeune homme assez ridicule. Je montais dans le me^me
autobus que lui, et ce jeune homme, monte' avant moi dans ce me^me
autobus de la ligne S, presque complet, vers midi, portait sur la
te^te un chapeau que je trouvai bien ridicule, moi qui me trouvais
dans le me^me autobus que lui, sur la ligne S, un jour, vers midi.

Ce chapeau e'tait entoure' d'une sorte de galon tresse' comme
celui d'une fourrage`re, et le jeune homme qui le portait, ce
chapeau -- et ce galon -- se trouvait dans le me^me autobus que moi,
un autobus presque complet parce qu'il e'tait midi; et sous ce
chapeau, dont le galon imitait une fourrage`re, s'allongeait un
visage suivi d'un long cou, d'un long, long cou. Ah! qu'il e'tait
long le cou de ce jeune homme qui portait un chapeau entoure'
d'une fourrage`re, sur un autobus de la ligne S, un jour vers
midi.

La bousculade e'tait grande dans l'autobus qui nous
transportait vers le terminus de la ligne S, un jour vers midi,
moi et ce jeune homme qui plac,ait un long cou sous un chapeau
ridicule. Des heurts qui se produisaient re'sulta soudain une
protestation, protestation qui e'mana de ce jeune homme qui avait
un si long cou sur la plate-forme d'un autobus de la ligne S, un
jour vers midi.

Il y eut une accusation formule'e d'une voix mouille'e de
dignite' blesse'e, parce que sur la plate-forme d'un autobus S, un
jeune homme avait un chapeau muni d'une fourrage`re tout autour,
et un long cou; il y eut aussi une place vide tout a` coup dans
cet autobus de la ligne S presque complet parce qu'il e'tait midi,
place qu'occupa biento^t le jeune homme au long cou et au chapeau
ridicule, place qu'il convoitait parce qu'il ne voulait plus se
faire bousculer sur cette plate-forme d'autobus, un jour, vers
midi.

Deux heures plus tard, je le revis devant la gare Saint-
Lazare, ce jeune homme que j'avais remarque' sur la plate-forme
d'un autobus de la ligne S, ce jour me^me, vers midi. Il e'tait
avec un compagnon de son acabit qui lui donnait un conseil
relatif a` certain bouton de son pardessus. L'autre l'e'coutait
attentivement. L'autre, c'est ce jeune homme qui avait une
fourrage`re autour de son chapeau, et que je vis sur la plate-
forme d'un autobus de la ligne S, presque complet, un jour, vers
midi.


26. Ignorance.

Moi, je ne sais pas ce qu'on me veut. Oui, j'ai pris l'S vers
midi. Il y avait du monde? Bien su^r, a` cette heure-la`. Un jeune
homme avec un chapeau mou? C'est bien possible. Moi, je n'examine
pas les gens sous le nez. Je m'en fous. Une espe`ce de galon
tresse'? Autour du chapeau? Je veux bien que c,a soit une
curiosite', mais moi, c,a ne me frappe pas autrement. Un galon
tresse'... Il s'aurait querelle' avec un autre monsieur? C'est des
choses qu'arrivent.

Et ensuite je l'aurais de nouveau revu une heure ou deux plus
tard? Pourquoi pas? Il y a des choses encore plus curieuses dans
la vie. Ainsi, je me souviens que mon pe`re me racontait souvent
que...


27. Passe' inde'fini.

Je suis monte' dans l'autobus de la porte Champerret. Il y
avait beaucoup de monde, des jeunes, des vieux, des femmes, des
militaires. J'ai paye' ma place et puis j'ai regarde' autour de
moi. Ce n'e'tait pas tre`s inte'ressant. J'ai quand me^me fini par
remarquer un jeune homme dont j'ai trouve' le cou trop long. J'ai
examine' son chapeau et je me suis aperc,u qu'au lieu d'un ruban il
y avait un galon tresse'. Chaque fois qu'un nouveau voyageur
montait, c,a faisait de la bousculade. Je n'ai rien dit, mais le
jeune homme au long cou a tout de me^me interpelle' son voisin. Je
n'ai pas entendu ce qu'il lui a dit, mais ils se sont regarde's
d'un sale oeil. Alors, le jeune homme au long cou est alle'
s'asseoir pre'cipitamment.

En revenant de la porte Champerret, je suis passe' devant la
gare Saint-Lazare. J'ai vu mon type qui discutait avec un copain.
Celui-ci a de'signe' du doigt un bouton juste au-dessus de
l'e'chancrure du pardessus. Puis l'autobus m'a emmene' et je ne les
ai plus vus. J'e'tais assis et je n'ai pense' a` rien.


28. Pre'sent.

A midi, la chaleur s'e'tale autour des pieds des voyageurs
d'autobus. Que, place'e sur un long cou, une te^te stupide orne'e
d'un chapeau grotesque vienne a` s'enflammer, aussito^t pe`te la
querelle. Pour foirer bien vite d'ailleurs, en une atmosphe`re
lourde pour porter encore trop vivantes de bouche a` oreille des
injures de'finitives. Alors, on va s'asseoir a` l'inte'rieur, au
frais.

Plus tard peuvent se poser, devant des gares aux cours
doubles, des questions vestimentaires, a` propos de quelque bouton
que des doigts gras de sueur tripotent avec assurance.


29. <'Pre'te'rit.'> Passe' simple

Ce fut midi. Les voyageurs monte`rent dans l'autobus. On fut
serre'. Un jeune monsieur porta sur sa te^te un chapeau entoure'
d'une tresse, non d'un ruban. Il eut un long cou. Il se plaignit
aupre`s de son voisin des bousculades que celui-ci lui infligea.
De`s qu'il aperc,ut une place libre, il se pre'cipita vers elle et
s'y assit.

Je l'aperc,us plus tard devant la gare Saint-Lazare. Il se
ve^tit d'un pardessus et un camarade qui se trouva la` lui fit
cette remarque: il fallut mettre un bouton supple'mentaire.


30. Imparfait.

C'e'tait midi. Les voyageurs montaient dans l'autobus. On
e'tait serre'. Un jeune monsieur portait sur sa te^te un chapeau qui
e'tait entoure' d'une tresse et non d'un ruban. Il avait un long
cou. Il se plaignait aupre`s de son voisin des bousculades que ce
dernier lui infligeait. De`s qu'il apercevait une place libre, il
se pre'cipitait vers elle et s'y asseyait.

Je l'apercevais plus tard, devant la gare Saint-Lazare. Il se
ve^tait d'un pardessus et un camarade qui se trouvait la` lui
faisait cette remarque: il fallait mettre un bouton
supple'mentaire.


31. Alexandrins.

Un jour dans l'autobus qui porte la lettre S
Je vis un foutriquet de je ne sais quelle es-
Pe`ce qui ra^lait bien qu'autour de son turban
Il y eu^t de la tresse en place de ruban.
Il ra^lait ce jeune homme a` l'allure insipide,
Au col de'mesure', a` l'haleine putride,
Parce qu'un citoyen qui paraissait majeur
Le heurtait, disait-il, si quelque voyageur
Se hissait haletant et poursuivi par l'heure
Espe'rant de'jeuner en sa chaste demeure.
Il n'y eut point d'esclandre et le triste quidam
Courut vers une place et s'assit sottement.
Comme je retournais direction rive gauche
De nouveau j'aperc,us ce personnage moche
Accompagne' d'un ze`bre, imbe'cile dandy,
Qui disait: ``ce bouton faut pas le mettre icy.''


32. Polyptotes.

Je montai dans un autobus plein de contribuables qui
donnaient des sous a` un contribuable qui avait sur son ventre de
contribuable une petite boi^te qui contribuait a` permettre aux
autres contribuables de continuer leur trajet de contribuables.
Je remarquai dans cet autobus un contribuable au long cou de
contribuable et dont la te^te de contribuable supportait un
chapeau mou de contribuable ceint d'une tresse comme jamais n'en
porta contribuable. Soudain le dit contribuable interpelle un
contribuable de voisin en lui reprochant ame`rement de lui marcher
expre`s sur ses pieds de contribuable chaque fois que d'autres
contribuables montaient ou descendaient de l'autobus pour
contribuables. Puis le contribuable irrite' alla s'asseoir a` la
place pour contribuable que venait de laisser libre un autre
contribuable. Quelques heures de contribuable plus tard, je
l'aperc,us dans la cour pour contribuables de Rome, en compagnie
d'un contribuable qui lui donnait des conseils d'e'le'gance de
contribuable.

<'three sections omitted'>


33. Moi je.

Moi je comprends c,a: un type qui s'acharne a` vous marcher sur
les pinglots, c,a vous fout en rogne. Mais apre`s avoir proteste'
aller s'asseoir comme un pe'teux, moi, je comprends pas c,a. Moi
j'ai vu c,a l'autre jour sur la plate-forme arrie`re d'un autobus
S. Moi je lui trouvais le cou un peu long a` ce jeune homme et
aussi bien rigolote cette espe`ce de tresse qu'il avait autour de
son chapeau. Moi jamais j'oserais me promener avec un couvre-chef
pareil. Mais c'est comme je vous le dis, apre`s avoir gueule'
contre un autre voyageur qui lui marchait sur les pieds, ce type
est alle' s'asseoir sans plus. Moi, je lui aurais foutu une baffe
a` ce salaud qui m'aurait marche' sur les pieds.

Il y a des choses curieuses dans la vie, moi je vous le dis,
il n'y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas. Deux heures
plus tard, moi je rencontre de nouveau ce garc,on. Moi, je
l'aperc,ois devant la gare Saint-Lazare. Moi, je le vois en
compagnie d'un copain de sa sorte qui lui disait, moi je l'ai
entendu: ``tu devrais remonter ce bouton-la`.'' Moi, je l'ai bien
vu, il de'signait le bouton supe'rieur.


34. Exclamations.

Tiens! Midi! temps de prendre l'autobus! que de monde! que de
monde! ce qu'on est serre'! <'marant'> marrant! ce gars-la`! quelle
trombine! et quel cou! soixante-quinze centime`tres! au moins! et
le galon! le galon! je n'avais pas vu! le galon! c'est le plus
marant! c,a! le galon! autour de son chapeau! Un galon! <'marant'>
marrant! absolument <'marant'> marrant! c,a y est le voila` qui
ra^le! le type au galon! contre un voisin! qu'est-ce qu'il lui
raconte! l'autre! lui aurait marche' sur les pieds! ils vont se
fiche des gifles! pour su^r! mais non! mais si! va h y! va h y!
mords y l'oeil! fonce! cogne! mince alors! mais non! il se
de'gonfle! le type! au long cou! au galon! c'est sur une place
vide qu'il fonce! oui! le gars! eh bien! vrai! non! je ne me
trompe pas! c'est bien lui! la`-bas! dans la Cour de Rome! devant
la gare Saint-Lazare! qui se balade en long et en large! avec un
autre type! et qu'est-ce que l'autre lui raconte! qu'il devrait
ajouter un bouton! oui! un bouton a` son pardessus! a` son
pardessus!


35. Alors.

Alors l'autobus est arrive'. Alors j'ai monte' dedans. Alors
j'ai vu un citoyen qui m'a saisi l'oeil. Alors j'ai vu son long
cou et j'ai vu la tresse qu'il y avait autour de son chapeau.
Alors il s'est mis a` pester contre son voisin qui lui marchait
alors sur les pieds. Alors, il est alle' s'asseoir.

Alors, plus tard, je l'ai revu Cour de Rome. Alors il e'tait
avec un copain. Alors, il lui disait, le copain: tu devrais faire
mettre un autre bouton a` ton pardessus. Alors.


36. <'Noble.'> Ampoule'

A l'heure ou` commencent a` se gercer les doigts roses de
l'aurore, je montai tel un dard rapide dans un autobus a` la
puissance stature et aux yeux de vache de la ligne S au trajet
sinueux. Je remarquai, avec la pre'cision et l'acuite' de l'Indien
sur le sentier de la guerre, la pre'sence d'un jeune homme dont le
col e'tait plus long que celui de la girafe au pied rapide, et
dont le chapeau de feutre mou fendu s'ornait d'une tresse, tel le
he'ros d'un exercice de style. La funeste Discorde aux seins de
suie vint de sa bouche empeste'e par un ne'ant de dentifrice, la
Discorde, dis-je, vint souffler son virus malin entre ce jeune
homme au col de girafe et a` la tresse autour du chapeau, et un
voyageur a` la mine inde'cise et farineuse. Celui-la` s'adressa en
ces termes a` celui-ci: ``Dites-donc, vous, on dirait que vous le
faites expre`s de me marcher sur les pieds!'' Ayant dit ces mots,
le jeune homme au col de girafe et a` la tresse autour du chapeau
s'alla vite asseoir.

Plus tard, dans la Cour de Rome aux majestueuses proportions,
j'aperc,us de nouveau le jeune homme au cou de girafe et a` la
tresse autour du chapeau, accompagne' d'un camarade arbitre des
e'le'gances qui profe'rait cette critique que je pus entendre de mon
oreille agile, critique adresse'e au ve^tement le plus exte'rieur du
jeune homme au col de girafe et a` la tresse autour du chapeau:
``tu devrais en diminuer l'e'chancrure par l'addition ou
l'exhaussement d'un bouton a` la pe'riphe'rie circulaire.''


37. Vulgaire.

L'e'tait un peu plus dmidi quand j'ai pu monter dans l'esse.
Jmonte donc, jpaye ma place comme de bien entendu et voila`tipas
qu'alors jremarque un zozo l'air pied, avec un cou qu'on aurait
dit un te'lescope et une sorte de ficelle autour du galurin. Je
lregarde passque jlui trouve l'air pied quand le voila`tipas
qu'ismet a` interpeller son voisin. Dites-donc, qu'il lui fait,
vous pourriez pas faire attention, qu'il ajoute, on dirait, qu'il
pleurniche, quvous lfaites essprais, qu'i bafouille, deummarcher
toutltemps sulle' panards, qu'i dit. La`-dsus, tout fier de lui, i
va s'asseoir. Comme un pied.

Jrepasse plus tard Cour de Rome et jl'aperc,ois qui discute le
bout de gras avec autre zozo de son espe`ce. Dis-donc, qu'i lui
faisait l'autre, tu dvrais, qu'i lui disait, mettre un ottbouton,
qu'il ajoutait, a` ton pardingue, qu'i concluait.


38. Interrogatoire.

-- a` quelle heure ce jour-la` passa l'autobus de la ligne S de
midi 23, direction porte de Champerret?
-- a` midi 38.
-- Y avait-il beaucoup de monde dans l'autobus de la ligne S sus-
de'signe'?
-- Des floppe'es.
-- Qu'y remarqua^tes-vous de particulier?
-- Un particulier qui avait un tre`s long cou et une tresse autour
de son chapeau.
-- Son comportement e'tait-il aussi singulier que sa mise et son
anatomie?
-- Tout d'abord non; il e'tait normal, mais il finit par s'ave'rer
e^tre celui d'un cyclothymique paranoi"aque le'ge`rement hypotendu
dans un e'tat d'irritabilite' hypergastrique.
-- Comment cela se traduisit-il?
-- Le particulier en question interpella son voisin sur un ton
pleurnichard en lui demandant s'il ne faisait pas expre`s de lui
marcher sur les pieds chaque fois qu'il montait ou descendait des
voyageurs.
-- Ce reproche e'tait-il fonde'?
-- Je l'ignore.
-- Comme se termina cet incident?
-- Par la fuite pre'cipite'e du jeune homme qui alla occuper une
place libre.
-- Cet incident eut-il un rebondissement?
-- Moins de deux heures plus tard.
-- En quoi consista ce rebondissement?
-- En la re'apparition de cet individu sur mon chemin.
-- Ou` et comment le revi^tes-vous?
-- En passant en autobus devant la cour de Rome.
-- Qu'y faisait-il?
-- Il prenait une consultation d'e'le'gance.


39. Come'die.

Acte premier

Sce`ne i

(Sur la plate-forme arrie`re d'un autobus S, un
jour, vers midi.)
Le Receveur. -- la monnaie, s'iou plai^t.
(Des voyageurs lui passent la monnaie.)

Sce`ne ii

(L'autobus s'arre^te.)
Le Receveur. -- laissons descendre. Priorite's? Une priorite'!
C'est complet. Drelin, drelin, drelin.

Acte second

Sce`ne i

(Me^me de'cor.)
Premier Voyageur (Jeune, long cou, une tresse autour du
chapeau). -- On dirait, monsieur, que vous le faites expre`s de me
marcher sur les pieds chaque fois qu'il passe des gens.

Second Voyageur (hausse les e'paules)

Sce`ne ii

(Un troisie`me voyageur descend.)
Premier Voyageur (s'adressant au public): Chouette! une place
libre! J'y cours. (Il se pre'cipite dessus et l'occupe.)

Acte troisie`me

Sce`ne i

(La Cour de Rome.)
Un Jeune e'le'gant (au premier voyageur, maintenant pie'ton).
-- L'e'chancrure de ton pardessus est trop large. Tu devrais la
fermer un peu en faisant remonter le bouton du haut.

Sce`ne ii

(a` bord d'un autobus S passant devant la cour de Rome.)
Quatrie`me Voyageur. -- Tiens, le type qui se trouvait tout a`
l'heure avec moi dans l'autobus et qui s'engueulait avec un
bonhomme. Curieuse rencontre. J'en ferai une come'die en trois
actes et en prose.


--
(< __|~`---, <( _ , Linguistics Dept. __ U. of TX .
)> \ _ * | >) ' )__/ _ ____ __ _ , / ' : churchh@emx.
(< `~ \ / <( / (_</_/ / <_/ (_/(_/_ (__, hurchyard : cc.utexas.edu
)> Austin`-' TX >) .................... / ...................:...............

Frederic Devernay

unread,
Jun 10, 1992, 10:54:58 PM6/10/92
to
Merci pour ce beau morceau de litterature.
J'ai moi-meme realise une version "electronique" d'une autre oeuvre de
Queneau, cent mille milliards de poemes. Au depart de livre est compose
de 10 sonnets dont les vers peuvent etre arranges a volonte, par exemple
le 1er vers du 3ieme poeme, puis le 2ieme du 1er, puis le 3ieme du 10ieme,
etc... ce qui donne au total 10^14 poemes. Le jeu paraissait interessant
et pas trop difficile, j'ai donc tape les 10 sonnets puis fait un petit
programme qui me sort a chaque fois un de ces poemes aleatoires. Le resul-
tat est parfois decevant mais on trouve regulierement de veritables perles.
Ceux que ca interesse peuvent me contacter, pour avoir le texte et/ou le
programme.

Frederic Devernay =============> deve...@uirvld.csl.uiuc.edu

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