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HAITI -- Environnement-- Problématique Azuei et Étang Miragoane

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Annette

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Feb 17, 2008, 12:35:55 PM2/17/08
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Problématique du débordement des eaux du Lac Azuei et de l'Étang de
Miragoâne

16 Février 2008

Cet avis se propose d'orienter le secteur politique à la prise de
décisions éclairées et avisées face à la problématique du débordement
des eaux du lac Azuei et de l'Étang de Miragoâne qui fait
inéluctablement appel à l'expertise de compétences spécialisées.

Vers la fin de 2007, contrairement à toutes prévisions, on a assisté à
un dépassement du niveau des eaux du Lac Azuei et de l'Étang de
Miragoâne. Au début du mois de janvier de cette année, les eaux ont
pénétré plus profondément vers l'intérieur des terres. Aujourd'hui, Ce
phénomène a pris une plus grande proportion et fait la grande
manchette de la plupart des principales media du pays. Que se passe-t-
il au niveau de ces lacs ? Leur volume d'eau a-t-il effectivement subi
une augmentation?

Les contextes géologique et environnemental qui caractérisent le pays
seront analysés en vue de comprendre la problématique et de formuler
des pistes d'intervention.

En effet, au regard du cadre géologique de l'ile d'Haïti, les eaux
saumâtres qui stagnent dans la Plaine du Cul de Sac sont les témoins
d'un bras de mer qui a occupé toute la dépression Cul de Sac (Haiti)-
Enriquillo (République Dominicaine). Au retrait de la mer lors du
soulèvement Oligo-miocène, l'eau salée est piégée dans les points les
plus bas de la dépression donnant lieu aux lacs Azuei et Enriquillo
(Wendell et Woodring, 1924). Au fil du temps, la salinité de ces eaux
intérieures a diminué avec les apports d'eau de ruissellement et
souterraine. Quant aux apports d'eau souterraine, il s'agit
d'émergences favorisées par les systèmes de failles qui ont marqué
l'histoire géologique de la région. L'effet de cisaillement de ce
cadre tectonique crée de véritables châteaux dans les complexes
sédimentaires carbonatés du massif de la Selle et des Montagnes du
Trou d'eau jusqu'au Lac Azuei (photo 1).

Photo 1. Vue des Montagnes du Trou d'Eau surplombant le lac Azuéi.

Presque tous les cours d'eau qui drainent la plaine du Cul de Sac y
prennent leur source. Aux confins méridionaux et septentrionaux du Lac
Azuei, on dénombre un nombre important de points d'eau douce. Ils
seraient pour la plupart émergés par l'effet de friction le long des
plans de failles secondaires identifiées sous d'épaisses séries
alluvionnaires récentes. Des scientifiques ont même révélées
l'existence de sources d'eau douce au fond du lac.

Durant la seconde moitié du siècle dernier, on note une
intensification de l'activité tectonique manifestée par des secousses
sismiques de faibles magnitudes et des effondrements de grands
compartiments le long des plans de faille de la famille du
Décrochement Senestre Sud Haïtien (DSSH) qui traverse toute la
Presqu'ile du Sud depuis les hauteurs de Pétion-Ville jusqu'à Tiburon.
La dernière manifestation la plus spectaculaire a eu lieu à Palerme
(Fonds des Nègres) en 1992 dans le complexe carbonaté broyé d'âge
Éocène. Il s'agit d'un déplacement vertical d'un grand bloc avec un
rejet de faille de plus de 20m de haut. Ce mouvement soudain qui
s'est produit sur une période relativement courte (une semaine
environ), a donné lieu à l'émergence de nouveaux points d'eau et
l'augmentation significative du débit du principal cours d'eau du
secteur.

Étant donné, la spontanéité du phénomène observé au Lac Azuei et à
l'Étang de Miragoâne, un faible rejeu de la famille de faille comme
celui de Fonds des Nègres en 1992, pourrait donner lieu à de
nouvelles émergences ou tout simplement augmenter le débit des points
d'eau qui alimente ces lacs. Un tel contexte peut vraisemblablement
contribuer à l'augmentation du volume d'eau de ces lacs.

À noter que c'est le même contexte qui prévaut pour le Lac Enriquillo
en République Dominicaine.

Il est surprenant de constater que le cadre hydrogéologique du lac a
été très peu pris en considération dans les discussions techniques au
profit des conséquences des changements climatiques. Récemment, dans
son point de presse du 28 janvier 2008, le titulaire du ministère de
l'Environnement a associé le phénomène du débordement des eaux du Lac
Azuei au réchauffement climatique.

En quoi les changements climatiques peuvent-il influencer le niveau de
ces plans d'eau ?

Si l'on considère les prédictions des études vieilles de plus de 25
ans ainsi que celles récemment réalisées sur les conséquences des
changements climatiques par rapport aux écosystèmes insulaires, les
incidences seraient plutôt négatives. Nous rapportons ici les
résultats d'études récentes en particulier celle de RAMSAR, 1999, sur
les zones humides et les changements climatiques, montrant l'impact
des changements environnementaux tels que El Niño, les cycles
cycloniques et les courants marins sur les variations locales des
conditions climatiques et environnementales. D'après cette étude
conduite pour les Nations Unies dans le cadre de la Convention Cadre
sur les Zones Humides, les changements dans le régime des flux et le
niveau d'eau ont des effets marqués sur les zones humides. Les
résultats de ces études concordent avec les prédictions de toute la
communauté scientifique par rapport à l'augmentation de l'évaporation,
la diminution de l'infiltration, etc. De plus, on assiste aujourd'hui
à une diminution marquée du niveau des plans d'eau continentaux situés
entre les latitudes 30º nord et 30º sud. Dans ces régions on peut
également s'attendre à ce que des sécheresses ou de fortes
précipitations agissent sur les niveaux d'eau dans les aquifères. La
baisse des niveaux d'eau que les sécheresses entraînent n'est pas
seulement attribuable à une pluviosité réduite, mais aussi à une
évaporation accrue et à une infiltration moindre qui peut se
manifester à cause de l'assèchement de terres arables. Des
précipitations extrêmes (p. ex., fortes pluies et tempêtes) peuvent se
traduire par une alimentation réduite des nappes d'eaux souterraines,
car les eaux de précipitations seront en grande partie perdues par
ruissellement

En Haïti, des données limnologiques et des relevés limnométriques
échelonnant sur près d'un siècle, démontrent une baisse continue du
niveau d'eau des lacs et des rivières en référence à celui d'avant
l'occupation américaine. Ce tableau reflète le bilan hydrique de la
Plaine du Cul de Sac qui accuse un déficit majeur. L'écart est
beaucoup plus prononcé dans la zone du Lac, particulièrement à Fonds
Parisien, où le déficit classe la zone au rang de microclimat de
type semi désertique. Des études plus récentes, concordent au fait que
le volume des eaux lu Lac Azuei est en deçà des 2/3 par rapport à
celui du début du siècle dernier. De plus, l'analyse bathymétrique des
plans d'eaux réalisée à partir des photographies aériennes prises
durant deux campagnes distinctes notamment 1978 et 2000, affiche une
régression tidale très marquée.

Plus haut, on a montré que le lac Azuei est alimenté par les eaux
souterraines et les eaux de ruissellement provenant des châteaux
d'eau du versant nord du Massif de la selle et du versant sud des
montagnes du Trou d'eau. Jusqu'à la fin de l'année 2007, le débit des
points et des cours d'eau qui alimentait le lac était presque nul pour
la plupart en régime étiage.

L'assèchement des eaux est entre autre, l'une des conséquences des
changements climatiques.

Alors, le réchauffement climatique a des effets négatifs sur le volume
des eaux en question.

En régime pluvieux par contre, la fluctuation est plutôt positive.
Cependant, cette augmentation est très éphémère et renforcée surtout
par l'accumulation de plusieurs milliers de tonnes de sédiments
provenant du démantèlement des versants et des berges des principaux
cours d'eau. Ces dépôts alluvionnaires tapissent le fonds des lacs et
réduisent l'espace disponible pour le stockage des eaux. Les figures 2
et 3 illustrent les effets des apports fluviatiles sur le fonds des
lacs.

Figure 1. Modèle de dépression remplie d'un volume X m3 d'eau.

Figure 2. Modèle de lac avec le fond tapissé de matériaux
fluviatiles.

Face à cette réalité, à l'apport de débits plus importants, les eaux
quittent leur lit et inondent les terres. Cette situation fait
déplacer la cote du lac vers l'intérieur des terres. Ce phénomène peut
être qualifié de ''transgression tidale'' (Figure 2). Ce modèle
traduit ce qui se produit partout en Haïti. Depuis plus d'un siècle,
les eaux intérieures du pays ont fait l'objet d'accrétion fluviale
continue. Le taux d'accrétion a atteint son plus haut niveau depuis
les épisodes de pluie des deux dernières décades. La situation la
plus alarmante a été identifiée dans la Commune de Fonds Verettes en
mai 2004. Après une pluie torrentielle, la charge alluvionnaire de la
principale rivière de cette commune a entrainé la réduction de
l'espace disponible pour l'accumulation d'eau de ruissellement et
provoqué une inondation meurtrière qui a détruit toutes les
infrastructures de la ville. Partout en Haïti, c'est le même tableau
qui peint la dégradation de l'environnement. Il faut également noter
la calamité des usagers de la route nationale du Sud en période de
pluie. En dépit d'une portée de 10 m de haut, nos ponts sont
malheureusement recouverts d'alluvions. On se rappelle également de
la traversée construite à la fin des années 80 sur la ravine du Sud à
proximité du marché de la commune de Camp-Perrin. Elle devient
actuellement un fossile enfoui sous plusieurs dizaines de mètres de
sédiments.

Ainsi, on peut affirmer que la dégradation de l'environnement a un
effet négatif sur le débordement des eaux du Lac Azuei et de l'Étang
de Miragoâne.

Nous parvenons donc aux conclusions suivantes :

Les changements climatiques ont très peu d'impacts sur le débordement
des eaux des lacs Azuei et Miragoâne.
Un faible rejeu de la famille des failles peut contribuer à
l'augmentation du volume d'eau.
Les eaux de ruissellement ne suffisent pas à elles seules à faire
déborder les eaux des lacs.
La diminution de l'espace pour le stockage des apports d'eau inhérente
à la sédimentation joue un rôle prépondérant à la transgression
tidale.
La dégradation de l'environnement physique renforce le débordement des
eaux.


Par conséquent nous proposons:

D'abord, de mener des recherches au niveau du système hydrogéologique
alimentant ces lacs, en particulier le lac Azuei afin d'étudier le
comportement des points et des cours d'eau. Une telle démarche
permettra d'apprécier à sa juste valeur la contribution de l'activité
tectonique.
Ensuite, d'entreprendre des discussions politiques et techniques pour
l'élaboration d'un programme de développement durable et de
réhabilitation de tout le bassin versant de ces Lacs. Un tel
programme comprendra des projets dont les résultats auront des effets
à court et à long terme.


N'hésitez pas à communiquer avec moi pour de plus de plus amples
détails techniques.

Jean-Gardy DUMOULIN, M.Sc.

Ingénieur géologue, spécialiste en environnement et développement
durable

Professeur,

Courriel: Jeangardy...@alumni.uottawa.ca


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