Le Monde : Etudiant ou enseignant, qui paie la crise ?

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Guy Nicolas

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Jun 20, 2012, 8:30:15 AM6/20/12
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Bonjour !

La phase industrielle entre en action… la crise à bon dos - Guy

Le Monde daté du 21 juin 2012

Etudiant ou enseignant, qui paie la crise ?


En dehors de quelques pays, dont la France, l'Europe taille tous azimuts dans les budgets universitaires 


Face à la crise européenne des finances publiques, deux solutions se présentent pour " sauver " l'université : faire payer les étudiants et/ou... faire travailler plus les enseignants. Se dessine ainsi une nouvelle typologie des universités européennes.

A contre-courant, la France, mais aussi l'Allemagne l'Autriche, le Danemark, la Pologne, la Norvège et la Suède poursuivent et amplifient leurs efforts d'investissements publics.

Organisé à Salzbourg, en Autriche, à l'appel de l'Association européenne des universités (EUA), les 11 et 12 juin, un forum a permis d'y voir plus clair. A l'heure actuelle, " 11 pays européens ont décidé des coupes budgétaires majeures ", mais tous ne se sont pas calés sur le même calendrier. Ainsi, " la Lettonie a baissé dès 2008 ses crédits d'Etat de près de 57 %. Alors que dans la plupart des autres Etats, la répercussion ne fait sentir ses effets que maintenant ", résume Enora Bennetot Pruvot, directrice de programme à l'EUA.

" La bonne nouvelle, c'est qu'aucune université n'a encore fait faillite ", se réjouit Michael Murphy, président de l'université de Cork (Irlande), qui ne cache cependant pas la gravité de la situation financière des 7 universités de son pays. Ces établissements qui accueillent environ 100 000 étudiants ont perdu 25 % de l'allocation versée par l'Etat, entre 2008 et 2012. " Entre la baisse généralisée des salaires du secteur public, de 5 % à 15 %, et la hausse des cotisations retraite, mes propres revenus ont chuté de 30 %, depuis 2008 ", déplore-t-il. Mais le pire, à ses yeux, c'est d'avoir dû licencier 12 % du personnel, alors que le nombre d'étudiants augmentait de 6 %. Son taux d'encadrement est tombé de 1 professeur pour 18 élèves à 1 pour 24. Et ses étudiants ont aussi été mis à contribution, leurs frais d'inscription passant, par tranche de 500 euros d'augmentation, de 825 euros, en 2008, à 2000 euros en 2012 et à 3 000 euros en 2014.

Et l'Irlande n'est pas un cas isolé. Les restrictions sont aussi cruelles pour les universités espagnoles, qui dépendent des communautés régionales. " Entre 2004 et 2008, les crédits ont augmenté et l'Europe a financé, pour notre campus alors reconnu "d'excellence", la construction de bâtiments luxueux ", se remémore Olga Gil-Medrano, vice-rectrice, chargée des relations internationales de l'université de Valence (Espagne). Aujourd'hui elle redoute de ne pouvoir faire face à l'entretien de ses bâtiments. Les fonds européens, qui étaient en réalité des prêts, ont creusé une dette de 240 millions d'euros dans ses caisses. En réponse, les droits d'inscription vont augmenter de 70 %, les fonctionnaires ont vu leur traitement amputé. " Nous redoutons une fuite des cerveaux, qui a déjà démarré : les meilleurs professeurs sont tentés d'aller ailleurs chercher de meilleures conditions d'enseignement, voire financières ", s'inquiète Mme Gil-Medrano.

Si, au Portugal, on s'en tient encore au non-remplacement des enseignants partant en retraite - au risque de porter préjudice au renouvellement des chercheurs -, en Grèce, les 35 % de coupes dans les budgets des universités ont conduit à supprimer les expériences en laboratoire de sciences... Le gouvernement hongrois entend, lui, réduire son nombre d'étudiants, de 120 000 à 100 000, et, dès 2012, le nombre de boursiers, de 50 000 à 30 000.

Au-delà de ces mesures d'urgence, c'est le modèle économique des universités qui est remis en cause. La plupart se tournent vers le monde économique pour trouver de l'argent, nouer des partenariats de recherche et de débouchés. " Nous avons réussi à lever 4 millions d'euros, soit 3 % à 4 % denotre budget auprès des entreprises d'Irlande, pourtant elles aussi durement touchées par la crise ", explique Michael Murphy (université de Cork). Quant aux fonds européens, beaucoup d'universités comptent encore dessus, mais elles risquent d'être déçues car la manne publique se fait également rare à l'échelon communautaire.

Système D

Face à cette raréfaction de l'argent public et privé, les universités passent au système D. Certaines louent leurs locaux sous-employés, partagent des équipements onéreux - comme l'université de Valence avec ses deux calculateurs informatiques de pointe -, proposent de nouveaux services, telle la formation des chômeurs comme le gouvernement portugais l'a demandé aux établissements de son pays. Pour réaliser des économies, il est aussi envisagé de réduire le nombre de formations proposées, comme s'y sont astreintes les universités anglaises (qui ont supprimé un quart de leurs cursus) et, bien plus rentable encore, de tailler dans le temps de présence des professeurs, ramené à huit heures par semaine, à l'image de ce qui se fait aux Etats-Unis, où le cours à distance devient la norme.

Enfin, attirer des étudiants étrangers non européens, à qui l'on facture leur scolarité à plein tarif, est une piste tentante, dans laquelle l'Angleterre est très engagée, souhaitant même faire de son enseignement supérieur une véritable industrie. La concurrence entre universités est donc ouverte.

Isabelle Rey-Lefebvre


L'étudiant anglais devient consommateur


L'ANGLETERRE fait payer aux étudiants la crise de ses finances publiques. Une réforme, votée en décembre 2010 et qui s'appliquera à la rentrée universitaire 2012, autorise le triplement des frais d'inscription dans les 124 universités et 186 collèges. Le plafond est passé de 3 290 livres (4 090 euros) à une fourchette de 6 000 à 9 000 livres (de 7 460 euros à 11 191 euros) pour combler la perte de 40 % des crédits d'Etat.

Les étudiants n'ont rien à débourser dans un premier temps : des prêts de l'Etat leur sont proposés, qu'ils rembourseront une fois dans la vie active si leurs revenus dépassent 21 000 livres par an (26 121 euros). Le gouvernement escompte que 70 % des étudiants pourront rembourser. Bourses et tarifs réduits doivent permettre d'accueillir des étudiants dont les parents gagnent moins de 25 000 livres par an (31 112 euros).

Facture salée

" C'est un changement de modèle économique qui fait supporter la charge financière de l'enseignement supérieur à ses bénéficiaires, les étudiants ", argumente un porte-parole de l'Association des universités anglaises (UKUA). Se basant sur cette approche, " les deux tiers des établissements, dont les universités, ont fixé leur prix de scolarité à 9 000 euros, à la surprise des autorités, qui pensaient, avec le principe de la fourchette de tarifs, aiguiser la concurrence entre eux ", raconte James Kennedy, de l'université de Warwick. Car, très vite, les plus grandes, Oxford, Cambridge, ont choisi ce plafond, entraînant les autres dans leur sillage : " Ne pas s'aligner, c'est dévaloriser notre formation, déconsidérer notre image, voire rogner sur la qualité de notre enseignement ", justifie M. Kennedy. L'expérience n'est, en fait, pas nouvelle : " Dès 1981, nous avons facturé aux étudiants non européens le coût de revient intégral de leur cursus, avec un tarif 2012 qui évolue entre 13 800 livres et 18 650 livres - 17 174 euros et 23 207 euros - . Cela ne les a pas découragés, au contraire, car nous en comptons, aujourd'hui, 33 % de plus ", explique-t-il.

L'enseignement, chez les Anglo-Saxons, est une activité économique comme une autre, un marché lucratif qui rapporte des devises et crée des emplois. La première conséquence est de transformer l'étudiant en consommateur, en client, avec qui l'on passe un contrat de " cocréation de connaissances " dans le but de le rendre employable à bon salaire, et à qui l'on doit fournir un service de qualité (locaux, bibliothèques et ressources documentaires, réseau informatique, équipements sportifs...), vérifié par des études régulières de satisfaction.

L'université compte tirer 20 % de ses ressources des étudiants étrangers, mais des tarifs trop élevés ne vont-ils pas les décourager ? L'expérience anglaise est observée avec intérêt en Europe, tant sur l'attraction d'étudiants étrangers que sur la dette future des étudiants. " C'est une expérience incontrôlée et dangereuse ", juge pour sa part Alex Usher, un consultant spécialisé canadien.

I. R.-L


En France, la misère des sciences humaines


C'EST UN VÉRITABLE cri d'alarme que lancent les universités de lettres, langues, arts et sciences humaines et sociales (LLASHS). Dans une lettre ouverte, 8 présidents (Montpellier-III, Grenoble-III, Poitiers, Bretagne-Sud, Lille-III, Lyon, Paris-X-Nanterre, Rennes-II) exhortent le gouvernement à " corriger les inégalités les plus flagrantes ".

En cause, les moyens financiers accordés à ces établissements pour leurs étudiants. En épluchant minutieusement tous les chiffres fournis par le ministère de l'enseignement supérieur, ils sont arrivés à la conclusion qu'" un étudiant en sciences humaines ou même en droit compte deux fois moins qu'un étudiant en sciences et quatre fois moins qu'un étudiant en IUT ".

De fait, la dotation de l'Etat pour un étudiant en licence SHS (sciences humaines et sociales) ou en droit s'élève à 353 euros, contre 770 euros pour une licence de sciences et 1 284 euros pour un étudiant en DUT ou en licence professionnelle en sciences. L'argument souvent avancé est qu'en SHS un étudiant n'a besoin pour suivre ses cours que " d'une feuille de papier et d'un stylo ". Ce qui aux yeux des présidents des universités en question est une hérésie.

La raison de ces inégalités serait à chercher dans un outil mis en place en 2009 et baptisé Sympa, pour " système de répartition des moyens à la performance et à l'activité ". A la base, ce système était censé corriger les inégalités entre les universités. En réalité, il les aurait creusées en retirant à certaines universités pour donner à d'autres. Ainsi, " en 2012, 146 millions d'euros de crédits ont été retirés des licences et masters des Humanités, alors que dans le même temps 63 millions ont été alloués aux étudiants en IUT, 55 millions aux sciences exactes, 18 millions aux écoles d'ingénieurs et 10 millions aux études de médecine ", dénoncent les signataires.

" Sous-étudiants "

Et peu importe semble-t-il que ces universités voient leurs effectifs gonfler. En trois ans, Montpellier-III a accueilli 3 000 étudiants de plus, portant son effectif total à 15 768 étudiants. Or, sa dotation atteint 12,9 millions d'euros, le même montant que celui de l'université (pluridisciplinaire) de La Rochelle, qui compte un peu plus de 7 000 étudiants. Et, si l'on compare avec Clermont-Ferrand-I (sciences, 15 279 étudiants), sa dotation est deux fois moindre. La comparaison vaut aussi pour le taux d'encadrement, où une université scientifique sera toujours mieux dotée qu'une de SHS.

A terme, ces universités craignent de devoir supprimer certains de leurs enseignements. " Depuis des années, on nous dit, les SHS, c'est important. En réalité, nous sommes des animaux en voie de disparition et nos étudiants sont considérés comme des sous-étudiants ", dénonce Anne Fraïsse, présidente de Montpellier-III.

Nathalie Brafman

Réformer l'université - Opinions

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