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Re: Paroles de juge et virginité

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Johannes Baagoe

unread,
Jun 17, 2008, 8:08:45 PM6/17/08
to
christian.navis :

> Un magistrat s'exprime et commente le jugement de Lille, en
> professionnel du droit mais avec un langage compréhensible ;-)
> Peut-on y lire entre les lignes les attendus de futures décisions ?
> Wait and see...

[...]

> http://www.huyette.net/article-20139426.html

Merci ! C'est le commentaire le plus équilibré que j'ai vu jusqu'à
présent sur l'affaire, peut-être parce qu'il arrive après plein
d'autres qu'il prend en compte.

J'ai été particulièrement intéressé par la référence
à un arrêt de la Cour de cassation plus récent (2005)
que celui que j'avais cité vendredi dernier, et qui, lui,
aboutit au rejet d'une annulation demandée au motif que
l'époux entretenait jusqu'à la veille du mariage une liaison
avec une autre femme que sa future épouse. Il est ici :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007052260

À première vue, on peut se demander s'il y a une cohérence
quelconque dans ces décisions et d'autres qui tantôt accordent
l'annulation, tantôt la refusent sans qu'il soit aisé d'y trouver
une ligne directrice stable.

Mais à la réflexion, il me semble - je soumets l'idée sous toutes
réserves, parce que bien évidemment je n'ai pas lu toutes les
décisions même récentes - avoir constaté ceci :

Lorsque l'"erreur sur la qualité de la personne" est admise, il
s'agit toujours, en pratique, d'une tromperie, d'un mensonge ou d'une
dissimulation délibérée sur un élément dont le défendeur sait,
ou aurait dû savoir, qu'il était déterminant pour le consentement
du demandeur.

De façon plus détaillée :

1. L'"erreur" n'est pratiquement jamais une simple erreur de bonne
foi. (Les seules exceptions que j'imagine sont des cas tragiques et
rares tels qu'un couple frère-soeur ignorant leur lien de parenté,
ou la réapparition d'un premier conjoint qu'on croyait mort.)

2. La "qualité essentielle de la personne" est donc pratiquement
toujours, plus prosaïquement et plus précisément, la sincérité.

Il ne s'agit pas du tout de ce sans quoi une personne n'en serait
pas une, ou quelque chose du genre. Les fantasmes qu'on a vu à ce
sujet reposent sur une interprétation erronée des termes.

Il ne s'agit pas non plus de toute qualité sans laquelle la bonne
réalisation du projet matrimonial serait impossible : l'annulation ne
semble accordée en cas de stérilité ou d'impuissance que si elles
sont connues avant le mariage de l'époux défendeur, et dissimulées
voire niées à l'époux demandeur.

3. Mais il ne s'agit pas de la sincérité sur n'importe quoi,
seulement sur les éléments déterminants du consentement d'un
des conjoints.

4. De plus, il ne suffit pas que l'élément sur lequel la sincérité
a fait défaut soit nécessaire au consentement de l'un des époux,
il faut encore que l'autre le sache, ou du moins que son caractère
déterminant aille tellement de soi qu'on doive le présumer, ce qui
semble être jugé de plus en plus rare.

Encore une fois, c'est ce qui m'a semblé se dégager des décisions
que j'ai lues.

Il se trouve que cela correspond aussi à la position qui me semble
la plus raisonnable ; je peux donc avoir une vue biaisée.

J'en serai d'autant plus reconnaissant si quelqu'un trouvait une
décision dans laquelle l'un au moins de ces quatre points ne serait
pas vérifié.

Publication croisée et suivi sur fr.misc.droit.famille.

--
Johannes

JyL

unread,
Jun 18, 2008, 4:09:16 AM6/18/08
to
On 18 juin, 02:08, Johannes Baagoe <baa...@baagoe.org> wrote:

[...]

> À première vue, on peut se demander s'il y a une cohérence
> quelconque dans ces décisions et d'autres qui tantôt accordent
> l'annulation, tantôt la refusent sans qu'il soit aisé d'y trouver
> une ligne directrice stable.

La ligne directrice stable, elle est dans certaines considérations
sans le moindre rapport avec les attendus dont on décore la décision,
que je vous ai déjà signalés comme étant la parcelle de "légitimité"
de l'intéressement de l'Autorité Publique à ces affaires, et qui vous
ont suscité un "ah mais alors dans cette optique", un rien désarmant
lorsqu'on blablatte de l'institution mariage, très cher habitant de
Sirius.

--
JyL

Christian Navis

unread,
Jun 18, 2008, 5:21:05 AM6/18/08
to
"Johannes Baagoe" <baa...@baagoe.org> a écrit dans le message de
news:pan.2008.06...@baagoe.org...

>> http://www.huyette.net/article-20139426.html
>
> Merci ! C'est le commentaire le plus équilibré que j'ai vu jusqu'à
> présent sur l'affaire, peut-être parce qu'il arrive après plein
> d'autres qu'il prend en compte.

De rien, je vous en prie.
C'est surtout un commentaire qui "souffle" (peut-être ?)
les motivations de l'arrêt en appel : Le juge doit se
prononcer sur le bien fondé de la qualitée "essentielle",
et dans l'affaire en cause, dès lors il n'est plus question
de mensonge, mais bel et bien de l'exigence de virginité.

Et l'accord des parties est insuffisant pour motiver
la décision, le juge doit vérifier si cet accord est
"éclairé", s'il ne souffre pas d'un déséquilibre, et s'il n'est
pas contraire à l'ordre public et inadapté à l'état de moeurs
en France en 2008.

> J'ai été particulièrement intéressé par la référence
> à un arrêt de la Cour de cassation plus récent (2005)
> que celui que j'avais cité vendredi dernier, et qui, lui,
> aboutit au rejet d'une annulation demandée au motif que
> l'époux entretenait jusqu'à la veille du mariage une liaison
> avec une autre femme que sa future épouse. Il est ici :
> http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007052260

Vous arrivez après la bataille. :-)
Je (et d'autres...) en avons parlé dans d'autres fils,
y voyant (peut-être ?) l'amorce d'un revirement
jurisprudentiel qui n'aurait pas attendu Lille pour
s'amorcer.
Une chance pour les défenseurs de la laïcité, ces
gens là n'étaient pas musulmans, les bien-pensants
communautaristes ne pourront pas dégainer leurs
soupçons d'islamophobie.

> À première vue, on peut se demander s'il y a une cohérence
> quelconque dans ces décisions et d'autres qui tantôt accordent
> l'annulation, tantôt la refusent sans qu'il soit aisé d'y trouver
> une ligne directrice stable.

Le droit et la jurisprudence, en particulièrement en matière
de moeurs et de droits des personnes ne sont pas gravés
dans le marbre ad vitam aeternam.

> Lorsque l'"erreur sur la qualité de la personne" est admise, il
> s'agit toujours, en pratique, d'une tromperie, d'un mensonge ou d'une
> dissimulation délibérée sur un élément dont le défendeur sait,
> ou aurait dû savoir, qu'il était déterminant pour le consentement
> du demandeur.

Mais comment voulez-vous prouver que ce fut déterminant ?
Parce que le demandeur le prétend ?
Parce que la défenderesse acquiesce ?
C'est, selon de nombreux juristes, insuffisant. Et l'on en revient
à la case départ : Aucune convention (même de fait, même
implicite comme ce fut peut être le cas ici) ne peut être validée
par les tribunaux si sa cause et/ou son objet sont illicites,
ou même simplement illégitimes au regard aux grands
principes de droit : Ici l'égalité des sexes.

--
http://christian.navis.free.fr/


JyL

unread,
Jun 18, 2008, 3:56:59 PM6/18/08
to
Johannes Baagoe <baa...@baagoe.org> wrote in
news:pan.2008.06...@baagoe.org:

> christian.navis :
>
>> Un magistrat s'exprime et commente le jugement de Lille, en
>> professionnel du droit mais avec un langage compréhensible ;-)
>> Peut-on y lire entre les lignes les attendus de futures décisions ?
>> Wait and see...
>
> [...]
>
>> http://www.huyette.net/article-20139426.html
>
> Merci ! C'est le commentaire le plus équilibré que j'ai vu jusqu'à
> présent sur l'affaire, peut-être parce qu'il arrive après plein
> d'autres qu'il prend en compte.
>
> J'ai été particulièrement intéressé par la référence
> à un arrêt de la Cour de cassation plus récent (2005)
> que celui que j'avais cité vendredi dernier, et qui, lui,
> aboutit au rejet d'une annulation demandée au motif que
> l'époux entretenait jusqu'à la veille du mariage une liaison
> avec une autre femme que sa future épouse. Il est ici :
> http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?
idTexte=JURITEXT0000070
> 52260
>
> À première vue, on peut se demander s'il y a une cohérence
> quelconque dans ces décisions et d'autres qui tantôt accordent
> l'annulation, tantôt la refusent sans qu'il soit aisé d'y trouver
> une ligne directrice stable.

Difficulté assez compréhensible pour un originaire de Sirius,
qui répond "ah mais alors dans cette optique ..." lorsqu'on
évoque la parcelle de "légitimité" entre guillemet de cette
hérésie laïque, et qui constitue évidemment le filtre prioritaire
à appliquer à la lecture de ces jugements, aussi bien décorés
puissent-ils être d'attendus dépourvus du moindre rapport
avec les raisons réelles pour lesquelles on a pris la décision.

[,,,] ( ma touche '.' est niquée )


> Il se trouve que cela correspond aussi à la position qui me semble
> la plus raisonnable ; je peux donc avoir une vue biaisée.

Surement pas exactement au sens que vous croyez.

Et faites gaffe, à prétendre à l'honnêteté, à la pureté logique,
dans un espace ou l'hypocrisie règne en maitre, si elle n'est
quasi consubstantielle de l'objet, on n'en parait que plus hypocrite.

--
JyL

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